Le vicomte de Bragelonne, Tome III.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome III. - Dumas Alexandre


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Rien de bien important, du moins.

      – À moins cependant que vous ne soyez l'intermédiaire d'Aramis pour quelque chose de grave.

      – Ma foi, non.

      – Ce que je vous en dis, vous comprenez, c'est par intérêt pour vous. Je suppose, par exemple, que vous êtes chargé d'envoyer à Aramis des messages, des lettres.

      – Ah! des lettres, oui. Je lui envoie de certaines lettres.

      – Où cela?

      – À Fontainebleau.

      – Et avez-vous de ces lettres?

      – Mais…

      – Laissez-moi dire. Et avez-vous de ces lettres?

      – Je viens justement d'en recevoir une.

      – Intéressante?

      – Je le suppose.

      – Vous ne les lisez donc pas?

      – Je ne suis pas curieux.

      Et Porthos tira de sa poche la lettre du soldat que Porthos n'avait pas lue, mais que d'Artagnan avait lue, lui.

      – Savez-vous ce qu'il faut faire? dit d'Artagnan.

      – Parbleu! ce que je fais toujours, l'envoyer.

      – Non pas.

      – Comment cela, la garder?

      – Non, pas encore. Ne vous a-t-on pas dit que cette lettre était importante.

      – Très importante.

      – Eh bien! il faut la porter vous-même à Fontainebleau.

      – À Aramis.

      – Oui.

      – C'est juste.

      – Et puisque le roi y est…

      – Vous profiterez de cela?..

      – Je profiterai de cela pour vous présenter au roi.

      – Ah! corne de boeuf! d'Artagnan, il n'y a en vérité que vous pour trouver des expédients.

      – Donc, au lieu d'envoyer à notre ami des messages plus ou moins fidèles, c'est nous-mêmes qui lui portons la lettre.

      – Je n'y avais même pas songé, c'est bien simple cependant.

      – C'est pourquoi il est urgent, mon cher Porthos, que nous partions tout de suite.

      – En effet, dit Porthos, plus tôt nous partirons, moins la lettre d'Aramis éprouvera de retard.

      – Porthos, vous raisonnez toujours puissamment, et chez vous la logique seconde l'imagination.

      – Vous trouvez? dit Porthos.

      – C'est le résultat des études solides, répondit d'Artagnan.

      Allons, venez.

      – Mais, dit Porthos, ma promesse à M. Fouquet?

      – Laquelle?

      – De ne point quitter Saint-Mandé sans le prévenir?

      – Ah! mon cher Porthos, dit d'Artagnan, que vous êtes jeune!

      – Comment cela!

      – Vous arrivez à Fontainebleau, n'est-ce pas?

      – Oui.

      – Vous y trouverez M. Fouquet?

      – Oui.

      – Chez le roi probablement?

      – Chez le roi, répéta majestueusement Porthos.

      – Et vous l'abordez en lui disant: «Monsieur Fouquet, j'ai l'honneur de vous prévenir que je viens de quitter Saint-Mandé.»

      – Et, dit Porthos avec la même majesté, me voyant à Fontainebleau chez le roi, M. Fouquet ne pourra pas dire que je mens.

      – Mon cher Porthos, j'ouvrais la bouche pour vous le dire; vous me devancez en tout. Oh! Porthos! quelle heureuse nature vous êtes! l'âge n'a pas mordu sur vous.

      – Pas trop.

      – Alors tout est dit.

      – Je crois que oui.

      – Vous n'avez plus de scrupules?

      – Je crois que non.

      – Alors je vous emmène.

      – Parfaitement; je vais faire seller mes chevaux.

      – Vous avez des chevaux ici?

      – J'en ai cinq.

      – Que vous avez fait venir de Pierrefonds?

      – Que M. Fouquet m'a donnés.

      – Mon cher Porthos, nous n'avons pas besoin de cinq chevaux pour deux; d'ailleurs, j'en ai déjà trois à Paris, cela ferait huit; ce serait trop.

      – Ce ne serait pas trop si j'avais mes gens ici; mais, hélas! je ne les ai pas.

      – Vous regrettez vos gens?

      – Je regrette Mousqueton, Mousqueton me manque.

      – Excellent coeur! dit d'Artagnan; mais, croyez-moi, laissez vos chevaux ici comme vous avez laissé Mousqueton là-bas.

      – Pourquoi cela?

      – Parce que, plus tard…

      – Eh bien?

      – Eh bien! plus tard, peut-être sera-t-il bien que M. Fouquet ne vous ait rien donné du tout.

      – Je ne comprends pas, dit Porthos.

      – Il est inutile que vous compreniez.

      – Cependant…

      – Je vous expliquerai cela plus tard, Porthos.

      – C'est de la politique, je parie.

      – Et de la plus subtile.

      Porthos baissa la tête sur ce mot de politique; puis, après un moment de rêverie, il ajouta:

      – Je vous avouerai, d'Artagnan, que je ne suis pas politique.

      – Je le sais, pardieu! bien.

      – Oh! nul ne sait cela; vous me l'avez dit vous-même, vous, le brave des braves.

      – Que vous ai-je dit, Porthos?

      – Que l'on avait ses jours. Vous me l'avez dit et je l'ai éprouvé. Il y a des jours où l'on éprouve moins de plaisir que dans d'autres à recevoir des coups d'épée.

      – C'est ma pensée.

      – C'est la mienne aussi, quoique je ne croie guère aux coups qui tuent.

      – Diable! vous avez tué, cependant?

      – Oui, mais je n'ai jamais été tué.

      – La raison est bonne.

      – Donc, je ne crois pas mourir jamais de la lame d'une épée ou de la balle d'un fusil.

      – Alors, vous n'avez peur de rien?.. Ah! de l'eau, peut-être?

      – Non, je nage comme une loutre.

      – De la fièvre quartaine?

      – Je ne l'ai jamais eue, et ne crois point l'avoir jamais; mais je vous avouerai une chose…

      Et Porthos baissa la voix.

      – Laquelle? demanda d'Artagnan en se mettant au diapason de

      Porthos.

      – Je vous avouerai, répéta Porthos, que j'ai une horrible peur de la politique.

      – Ah! bah! s'écria d'Artagnan.

      – Tout beau! dit Porthos d'une voix de stentor. J'ai vu Son Éminence M. le cardinal de Richelieu et Son Éminence M. le cardinal de Mazarin; l'un avait une politique


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