La San-Felice, Tome 09. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 09 - Dumas Alexandre


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au tombeau de Virgile, distant d'un quart de lieue à peu près du fort Saint-Elme, avec une petite escorte, c'est-à-dire en ayant l'air de faire une patrouille, – ou bien si Salvato et Mejean iraient seuls et déguisés.

      On opta pour le déguisement.

      On se procura deux habits de paysan. Il fut convenu que, si l'on faisait quelque rencontre inattendue, ce serait Salvato qui prendrait la parole. Il parlait le patois napolitain de telle façon, qu'il était impossible de le reconnaître pour ce qu'il était.

      L'un prit un pic, et l'autre une bêche, et, à minuit, tous deux sortirent du fort. Ils semblaient deux ouvriers revenant de l'ouvrage et regagnant leur maison.

      La nuit, sans être sombre, était nuageuse. La lune, de temps en temps, disparaissait derrière des masses de vapeurs dont elle avait peine à percer l'opacité.

      Ils sortirent par une petite poterne faisant face au village d'Antiguano, mais prirent presque aussitôt un petit sentier tournant à gauche et conduisant à Pietra-Catella; puis ils s'engagèrent franchement dans le Vomero, prirent une ruelle qui les conduisit hors du village, laissèrent à gauche la Carone-del-Cielo, et, par l'étroit sentier qui conduit à la rampe du Pausilippe, ils gagnèrent le columbarium que l'on est convenu de désigner au voyageur sous le nom de tombeau de Virgile.

      –Il est inutile, mon cher colonel, fit Savalto, de vous apprendre ce que nous venons chercher ici.

      –Bon! quelque trésor enfoui à ce que je présume?

      –Vous avez deviné. Seulement, la somme ne vaut pas la peine d'être désignée sous le non de trésor. Cependant, soyez tranquille, ajouta-t-il ou souriant, elle est suffisante pour m'acquitter envers vous.

      Salvato s'avança vers le laurier et commença de fouiller la terre avec sa pioche.

      Mejean le suivait d'un oeil avide.

      Au bout de cinq minutes, le fer de la pioche résonna sur un corps dur.

      –Ah! ah! fit Mejean, qui suivait l'opération avec une attention ressemblant à de l'anxiété.

      –N'avez-vous point entendu raconter, colonel, dit en souriant Salvato, que les dieux mânes étaient les gardiens naturels des trésors?

      –Si fait, répondit Mejean; seulement, je ne crois point à tout ce que l'on me raconte… Mais chut! n'entendez-vous point du bruit?

      Tous deux écoutèrent.

      –C'est une charrette qui roule dans la grotte de Pouzzoles, répondit Salvato au bout de quelques secondes.

      Puis, se mettant à genoux, il écarta la terre avec les mains.

      –C'est étrange! dit-il, il me semble que cette terre a été nouvellement remuée.

      –Allons donc! dit Mejean, pas de mauvaise plaisanterie, mon hôte.

      –Ce n'est point une plaisanterie, dit Salvato en tirant le coffret hors de terre: la cassette est vide.

      Et il se sentit frissonner malgré lui. Il connaissait trop Mejean pour ignorer qu'il ne lui ferait point de grâce, et, d'ailleurs, il ne voulait point lui en demander.

      –Il est bizarre, dit Mejean, qu'on ait pris l'argent et laissé la cassette. Secouez-la donc; peut-être entendrons-nous sonner quelque chose.

      –Inutile! je sens bien, au poids, qu'elle est vide. D'ailleurs, entrons dans le columbarium, nous l'ouvrirons.

      –Vous en avez la clef?

      –Elle s'ouvre par un secret.

      On entra dans le columbarium; Mejean tira de sa poche une petite lanterne sourde, battit le briquet et alluma.

      Salvato poussa le ressort de la cassette: elle s'ouvrit.

      Elle était vide, en effet; mais, à la place de l'or, elle contenait un billet.

      Salvato et Mejean s'écrièrent en même temps:

      –Un billet!

      –Je comprends, dit Salvato.

      –Bon! l'or est-il retrouvé? demanda vivement le colonel.

      –Non; mais il n'est pas perdu, répliqua le jeune homme.

      Et, ouvrant le billet, à la lueur de la lanterne sourde, il lut:

      «Suivant tes instructions, je suis venu, dans la nuit du 27 au 28, chercher l'or qui était dans cette cassette, que je remets à cette même place, avec le présent billet.

      » Frère JOSEPH.»

      –Dans la nuit du 27 au 28! s'écria Mejean.

      –Oui; de sorte que, si nous étions venus la nuit dernière, au lieu de celle-ci, nous fussions arrivés à temps.

      –N'allez-vous pas dire que c'est ma faute? demanda vivement Mejean.

      –Non; car le mal, au bout du compte, n'est pas si grand que vous le croyez, et peut-être même n'y a-t-il pas de mal du tout.

      –Vous connaissez ce frère Joseph?

      –Oui.

      –Vous êtes sûr de lui?

      –Un peu plus que de moi-même.

      –Et vous savez où le trouver?

      –Je ne le chercherai même pas.

      –Comment ferons nous, alors?

      –Mais nous laisserons les conventions dans les mêmes termes.

      –Et les vingt mille francs?

      –Nous les prendrons ailleurs qu'où nous avons cru les trouver: voilà tout.

      –Quand?

      –Demain.

      –Vous êtes sûr?

      –Je l'espère.

      –Et si vous vous trompiez?

      –Alors, je vous dirais, comme les sectateurs du Prophète: «Dieu est grand!»

      Mejean passa la main sur son front humide de sueur.

      Salvato vit l'angoisse du colonel, lui dont la sérénité avait à peine été troublée un instant.

      –Et maintenant, dit-il, il nous faut remettre cette cassette à sa place et retourner au château.

      –Les mains vides? fit piteusement le colonel – Je n'y retourne pas les mains vides, puisque j'y retourne avec ce billet.

      –Quelle somme y avait-il dans le coffret? demanda Mejean.

      –Cent vingt-cinq mille francs, répondit Salvato en remettant le coffret à sa place et en ramenant dessus la terre avec ses pieds.

      –Si bien qu'à votre avis, ce billet vaut cent vingt-cinq mille francs?

      –Il vaut ce que vaut pour un fils la certitude d'être aimé de son père… Mais rentrons au château comme je le disais, mon cher colonel, et, demain, à dix heures, venez me trouver.

      –Pour quoi faire?

      –Pour recevoir de Luisa une lettre de change de vingt mille francs, à vue sur la première maison de banque de Naples.

      –Vous croyez qu'il y a, dans ce moment-ci, à Naples, une maison de banque qui payera à vue un billet de vingt mille francs?

      –J'en suis sûr.

      –Eh bien, moi, j'en doute. Les banquiers ne sont pas si bêtes que de payer en temps de révolution.

      –Vous verrez que ceux-là seront assez bêtes pour payer même en temps de révolution, et ceux-là pour deux raisons: la première, parce que c'étaient d'honnêtes gens…

      –Et la seconde?

      –Parce qu'ils sont morts.

      –Ah! ah! c'est sur les Backer, alors?

      –Justement.

      –En ce cas, c'est autre chose.

      –Vous avez confiance?

      –Oui.

      –C'est


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