Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856. Виктор Мари Гюго

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Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856 - Виктор Мари Гюго


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travers mes songes sans nombre,

      J'écoutais son parler joyeux,

      Et mon front s'éclairait dans l'ombre

      A la lumière de ses yeux.

      Elle avait l'air d'une princesse

      Quand je la tenais par la main;

      Elle cherchait des fleurs sans cesse

      Et des pauvres dans le chemin.

      Elle donnait comme on dérobe,

      En se cachant aux yeux de tous.

      Oh! la belle petite robe

      Qu'elle avait, vous rappelez-vous?

      Le soir, auprès de ma bougie,

      Elle jasait à petit bruit,

      Tandis qu'à la vitre rougie

      Heurtaient les papillons de nuit.

      Les anges se miraient en elle.

      Que son bonjour était charmant!

      Le ciel mettait dans sa prunelle

      Ce regard qui jamais ne ment.

      Oh! je l'avais, si jeune encore,

      Vue apparaître en mon destin!

      C'était l'enfant de mon aurore,

      Et mon étoile du matin!

      Quand la lune claire et sereine

      Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,

      Comme nous allions dans la plaine!

      Comme nous courions dans les bois!

      Puis, vers la lumière isolée

      Étoilant le logis obscur,

      Nous revenions par la vallée

      En tournant le coin du vieux mur;

      Nous revenions, coeurs pleins de flamme,

      En parlant des splendeurs du ciel.

      Je composais cette jeune âme

      Comme l'abeille fait son miel.

      Doux ange aux candides pensées,

      Elle était gaie en arrivant… -

      Toutes ces choses sont passées

      Comme l'ombre et comme le vent!

Villequier, 4 septembre 1844.

      VII

      Elle était pâle, et pourtant rose,

      Petite avec de grands cheveux.

      Elle disait souvent: Je n'ose,

      Et ne disait jamais: Je veux.

      Le soir, elle prenait ma Bible

      Pour y faire épeler sa soeur,

      Et, comme une lampe paisible,

      Elle éclairait ce jeune coeur.

      Sur le saint livre que j'admire,

      Leurs yeux purs venaient se fixer;

      Livre où l'une apprenait à lire,

      Où l'autre apprenait à penser!

      Sur l'enfant, qui n'eût pas lu seule,

      Elle penchait son front charmant,

      Et l'on aurait dit une aïeule

      Tant elle parlait doucement!

      Elle lui disait: «Sois bien sage!»

      Sans jamais nommer le démon;

      Leurs mains erraient de page en page

      Sur Moïse et sur Salomon,

      Sur Cyrus qui vint de la Perse,

      Sur Moloch et Leviathan,

      Sur l'enfer que Jésus traverse,

      Sur l'éden où rampe Satan!

      Moi, j'écoutais… – O joie immense

      De voir la soeur près de la soeur!

      Mes yeux s'enivraient en silence

      De cette ineffable douceur.

      Et dans la chambre humble et déserte

      Où nous sentions, cachés tous trois,

      Entrer par la fenêtre ouverte

      Les souffles des nuits et des bois,

      Tandis que, dans le texte auguste,

      Leurs coeurs, lisant avec ferveur,

      Puisaient le beau, le vrai, le juste,

      Il me semblait, à moi, rêveur,

      Entendre chanter des louanges

      Autour de nous, comme au saint lieu,

      Et voir sous les doigts de ces anges

      Tressaillir le livre de Dieu!

Octobre 1846.

      VIII

      A qui donc sommes-nous? Qui nous a? qui nous mène?

      Vautour fatalité, tiens-tu la race humaine?

      Oh! parlez, cieux vermeils,

      L'âme sans fond tient-elle aux étoiles sans nombre?

      Chaque rayon d'en haut est-il un fil de l'ombre

      Liant l'homme aux soleils?

      Est-ce qu'en nos esprits, que l'ombre a pour repaires,

      Nous allons voir rentrer les songes de nos pères?

      Destin, lugubre assaut!

      O vivants, serions-nous l'objet d'une dispute?

      L'un veut-il notre gloire, et l'autre notre chute?

      Combien sont-ils là-haut?

      Jadis, au fond du ciel, aux yeux du mage sombre,

      Deux joueurs effrayants apparaissaient dans l'ombre.

      Qui craindre? qui prier?

      Les Manès frissonnants, les pâles Zoroastres

      Voyaient deux grandes mains qui déplaçaient les astres

      Sur le noir échiquier.

      Songe horrible! le bien, le mal, de cette voûte

      Pendent-ils sur nos fronts? Dieu, tire-moi du doute

      O sphinx, dis-moi le mot!

      Cet affreux rêve pèse à nos yeux qui sommeillent,

      Noirs vivants! heureux ceux qui tout à coup s'éveillent

      Et meurent en sursaut!

Villequier, 4 septembre 1845.

      IX

      O souvenirs! printemps! aurore!

      Doux rayon triste et réchauffant!

      -Lorsqu'elle était petite encore,

      Que sa soeur était tout enfant… -

      Connaissez-vous sur la colline

      Qui joint Montlignon à Saint-Leu,

      Une terrasse qui s'incline

      Entre un bois sombre et le ciel bleu?

      C'est là que nous vivions. – Pénètre,

      Mon coeur, dans ce passé charmant! -

      Je l'entendais sous ma fenêtre

      Jouer le matin doucement.

      Elle courait dans la rosée,

      Sans


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