Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Читать онлайн книгу.les attachent. Les montants F'passent, à travers ces brindilles, en R, pour venir s'assembler dans la barre horizontale S. On comprend que ce système de ferrures est fort solide; les brindilles ne sont pas seulement attachées par des rivets, mais dépendent de la structure principale, puisque les montants ou les traverses les arrêtent d'une manière sûre par des tenons. Les montants sont en fer carré de 0,015m, les contre-forts en fer de 0,03 c. sur 0,025m, les traverses en fer de 0,03 c. sur 0,02 c.
Les derniers exemples de grilles que nous venons de donner indiquent, la plupart, des couronnements plus ou moins riches. En effet, les grilles du moyen âge en possédaient toujours, à moins qu'elles ne fussent disposées pour servir d'appuis. Ces couronnements prennent parfois, à dater du XVe siècle, une grande importance, et ne sont que la prolongation décorée des montants dépassant la traverse supérieure. Dans les baies de la clôture du choeur de la cathédrale de Toulouse, on remarque des grilles dormantes, très-simples d'ailleurs, fabriquées au XVe siècle, et dont les couronnements remplissent les trilobes d'une arcature en pierre.
Voici (15) l'un d'eux. Les grilles dormantes des fenêtres de châteaux ou de maisons sont presque toujours terminées par des couronnements que l'on peut considérer comme un épanouissement des montants. Nous citerons ici les grilles des fenêtres du château de Tarascon (XVe siècle). Ces grilles se composent de montants serrés pénétrant des traverses à oeils renflés et formant avec eux des carrés parfaits.
Les deux montants extrêmes et celui du milieu sont terminés (16) par des fleurons de tôle soudée, tandis que les extrémités inférieures de ces mêmes montants sont affûtées en pointes très-aiguës. Chaque montant est scellé dans la pierre par un coude en équerre, ainsi que l'indique le profil A. Il en est de même des traverses.
Souvent les montants de grilles dormantes de fenêtres sont terminés à la partie supérieure et à l'extrémité inférieure par des pointes de fer très-ouvragées qui présentent des défenses formidables; ces sortes de grilles épineuses, dont nous présentons (17) un spécimen, étaient placées devant les fenêtres des châteaux, afin d'éviter surtout les tentatives de trahison, l'introduction d'ennemis dans une place de guerre au moyen d'échelles, par les ouvertures donnant sur le dehors. Ces grilles, profondément scellées au plomb à chaque traverse A et même quelquefois à chaque montant, ne pouvaient être arrachées qu'après un long travail. Les mesures de précaution étaient même poussées si loin que, dans certains cas, les montants et traverses étaient assemblés de telle façon qu'il devenait impossible soit de faire couler les montants dans les oeils des traverses, soit les traverses dans les oeils des montants, ces oeils étant alternativement pratiqués dans les traverses et les montants (18).
Il fallait être fort habile forgeron pour fabriquer de pareilles grilles, car chaque oeil renflé devait être forgé à mesure que l'on assemblait les traverses et les montants; c'est-à-dire que la grille devait être forgée toute brandie, ce qui devait occasionner un travail considérable. L'ouvrier devait ainsi mettre au feu chaque maille de grille un certain nombre de fois. Mais ces hommes semblaient se jouer avec les difficultés de main-d'oeuvre qui aujourd'hui nous paraissent insurmontables. L'exemple que nous donnons ici provient d'une maison de Constance. On trouve des grilles de ce genre, c'est-à-dire à oeils alternés, à Troyes, à Strasbourg, et dans beaucoup de localités du Nord et de l'Est. Elles datent des XIVe, XVe et XVIe siècles. Celle-ci (fig. 18) est du commencement du XVIe siècle. Toutefois, l'habileté des forgerons n'est pas égale dans toutes les provinces qui composent la France de nos jours.
On travaillait beaucoup mieux le fer au nord de la Loire et dans les provinces voisines du Rhin que dans l'Ouest et dans le Midi. Certaines grilles appartenant à des édifices du XVe siècle, sur les bords de la Garonne, par exemple, quoique bien composées, ne peuvent être comparées aux ouvrages de ferronnerie de l'Île-de-France, de la Picardie ou des Flandres. On voit encore, dans l'église Saint-Sernin de Toulouse, une grille (19) qui clôt le choeur au droit des piles du transsept; quoique cette oeuvre de serrurerie soit fort bien entendue, comme composition, le travail en est des plus grossiers. Les montants en fer carré, lourdement travaillés, se terminent par des couronnements E en fer battu et soudés. Des frises en tôle façonnée et ajourée A et B masquent les traverses de la grille et leurs trous renflés, ainsi que l'indique le profil D. Les tôles de la traverse b, détaillées en B, se terminent par un petit crénelage avec rosaces, dont le figuré perspectif C explique la façon. Les tôles des traverses ab, AB, sont maintenues par des rivets qui passent au-dessus et au-dessous des barres horizontales; elles sont donc entièrement indépendantes des grilles et ne servent qu'à la décoration de l'oeuvre. Ces grilles, qui datent de la fin du XVe siècle, sont des premières où la tôle rapportée et rivée remplace les plaques de fer battu et soudées. Cela simplifiait la fabrication, allait permettre de décorer la serrurerie d'une façon très-riche, mais devait peu à peu supprimer l'école des forgerons, si brillante pendant une partie du XIIe siècle et tout le cours du XIIIe. Cette école, cependant, n'était pas près de s'éteindre dans les provinces du Nord-Est, ainsi que nous venons de le dire, et la serrurerie des XVe et XVIe siècles est, comme oeuvre de forge, sur les bords du Rhin, dans les Flandres, en Suisse et en Bavière, d'une exécution parfaite. Nous ne savons pas quel fut le forgeron qui fabriqua les grilles du tombeau de Maximilien à Insbruck; mais, comme oeuvre de serrurerie, ces grilles sont supérieures à tout ce que nous connaissons en ce genre (voy. serrurerie). À la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, on trouve assez souvent, dans les provinces de l'Est, des grilles dont les panneaux sont façonnés ainsi que l'indique la fig. 20.
Tout le compartiment est formé d'une seule tige de fer rond de 0,012m de grosseur, se repliant sur elle-même et se pénétrant, comme le fait voir le tracé A. À l'article serrurerie, nous décrivons les procédés de fabrication de ces sortes de grilles, qu'à grand'peine, et après avoir brûlé bien des tringles de fer, nous sommes parvenus à faire reproduire par des forgerons très-habiles. Cependant ces sortes de grilles composées de tiges de fer se pénétrant en tous sens sont assez communes pour que l'on doive admettre qu'on les façonnait aux XVe et XVIe siècles sans difficultés. Elles présentaient, quoique légères, une parfaite solidité; car ce qui aujourd'hui rend les grilles peu solides, malgré le poids extraordinaire qu'on est obligé de leur donner, ce sont ces tenons et ces goupilles qui font de la serrurerie une fabrication que l'on pourrait comparer à la menuiserie. Assembler des fers au moyen de tenons et de mortaises avec goupilles eût paru aux forgerons du moyen âge et de la Renaissance une énormité; ce moyen, convenable lorsqu'il s'agit de menuiserie, ne s'accorde point avec la nature du fer et les dimensions qu'on doit donner aux parties d'une grille. De fait, nous ne savons plus souder le fer, nous l'assemblons; ce n'est plus là de la serrurerie; et cependant nous croyons savoir employer les métaux propres aux bâtiments beaucoup mieux que ne le faisaient les serruriers qui nous ont précédés de quelques siècles. Il est clair que la grande fabrication, celle des usines, s'est développée de notre temps d'une manière remarquable; mais il est certain aussi que la main-d'oeuvre est tombée bien au-dessous de ce qu'elle était il y a quelques siècles, lorsqu'il s'agit de travailler le fer. On a fait cependant encore de fort belles grilles en France pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles; mais la tôle repoussée et rivée joue le rôle principal dans la décoration de ces ouvrages; on a perdu les procédés de soudure si habilement pratiqués par les corporations de forgerons des temps antérieurs.
GRISAILLE. (Voy. VERRIÈRE.)
GUETTE, s. f. Gaîte. La personne chargée de guetter au sommet des défenses des châteaux.
«Nous n'avons point de gaîte, sauriiez-vous