LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
Читать онлайн книгу.multipliées par la police excitèrent la joie du prisonnier. Des escouades d’agents encombraient la rue. Quant à la villa Dupont, elle était purement et simplement interdite à la circulation.
– L’état de siège, ricana Lupin. Weber, tu distribueras de ma part un louis à chacun de ces pauvres types que tu as dérangés sans raison. Tout de même, faut-il que vous ayez la venette ! Pour un peu, tu me passerais les menottes.
– Je n’attendais que ton désir, dit M. Weber.
– Vas-y donc, mon vieux. Faut bien rendre la partie égale entre nous ! Pense donc, tu n’es que trois cents aujourd’hui !
Les mains enchaînées, il descendit de voiture devant le perron, et tout de suite on le dirigea vers une pièce où se tenait M. Formerie. Les agents sortirent. M. Weber seul resta.
– Pardonnez-moi, monsieur le juge d’instruction, dit Lupin, j’ai peut-être une ou deux minutes de retard. Soyez sûr qu’une autre fois je m’arrangerai…
M. Formerie était blême. Un tremblement nerveux l’agitait. Il bégaya :
– Monsieur, Mme Formerie…
Il dut s’interrompre, à bout de souffle, la gorge étranglée.
– Comment va-t-elle, cette bonne Mme Formerie ? demanda Lupin avec intérêt. J’ai eu le plaisir de danser avec elle, cet hiver, au bal de l’Hôtel de Ville, et ce souvenir…
– Monsieur, recommença le juge d’instruction, monsieur, Mme Formerie a reçu de sa mère, hier soir, un coup de téléphone lui disant de passer en hâte. Mme Formerie, aussitôt, est partie, sans moi malheureusement, car j’étais en train d’étudier votre dossier.
– Vous étudiez mon dossier ? Voilà bien la boulette, observa Lupin.
– Or, à minuit, continua le juge, ne voyant pas revenir Mme Formerie, assez inquiet, j’ai couru chez sa mère ; Mme Formerie n’y était pas. Sa mère ne lui avait point téléphoné. Tout cela n’était que la plus abominable des embûches. À l’heure actuelle, Mme Formerie n’est pas encore rentrée.
– Ah ! fit Lupin avec indignation.
Et, après avoir réfléchi :
– Autant que je m’en souvienne, Mme Formerie est très jolie, n’est-ce pas ?
Le juge ne parut pas comprendre. Il s’avança vers Lupin, et d’une voix anxieuse, l’attitude quelque peu théâtrale :
– Monsieur, j’ai été prévenu ce matin par une lettre que ma femme me serait rendue immédiatement après que le sieur Steinweg serait découvert. Voici cette lettre. Elle est signée Lupin. Est-elle de vous ?
Lupin examina la lettre et conclut gravement :
– Elle est de moi.
– Ce qui veut dire que vous voulez obtenir de moi, par contrainte, la direction des recherches relatives au sieur Steinweg ?
– Je l’exige.
– Et que ma femme sera libre aussitôt après ?
– Elle sera libre.
– Même au cas où ces recherches seraient infructueuses ?
– Ce cas n’est pas admissible.
– Et si je refuse ? s’écria M. Formerie, dans un accès imprévu de révolte.
Lupin murmura :
– Un refus pourrait avoir des conséquences graves… Mme Formerie est jolie…
– Soit. Cherchez… vous êtes le maître, grinça M. Formerie. Et M. Formerie se croisa les bras, en homme qui sait, à l’occasion, se résigner devant la force supérieure des événements.
M. Weber n’avait pas soufflé mot, mais il mordait rageusement sa moustache, et l’on sentait tout ce qu’il devait éprouver de colère à céder une fois de plus aux caprices de cet ennemi, vaincu et toujours victorieux.
– Montons, dit Lupin.
On monta.
– Ouvrez la porte de cette chambre.
On l’ouvrit.
– Qu’on m’enlève mes menottes.
Il y eut une minute d’hésitation. M. Formerie et M. Weber se consultèrent du regard.
– Qu’on m’enlève mes menottes, répéta Lupin.
– Je réponds de tout, assura le sous-chef.
Et, faisant signe aux huit hommes qui l’accompagnaient :
– L’arme au poing ! Au premier commandement, feu !
Les hommes sortirent leurs revolvers.
– Bas les armes, ordonna Lupin, et les mains dans les poches.
Et, devant l’hésitation des agents, il déclara fortement :
– Je jure sur l’honneur que je suis ici pour sauver la vie d’un homme qui agonise, et que je ne chercherai pas à m’évader.
– L’honneur de Lupin… marmotta l’un des agents.
Un coup de pied sec sur la jambe lui fit pousser un hurlement de douleur. Tous les agents bondirent, secoués de haine.
– Halte ! cria M. Weber en s’interposant. Va, Lupin… je te donne une heure… Si, dans une heure…
– Je ne veux pas de conditions, objecta Lupin, intraitable.
– Eh ! Fais donc à ta guise, animal ! grogna le sous-chef exaspéré.
Et il recula, entraînant ses hommes avec lui.
– À merveille, dit Lupin. Comme ça, on peut travailler tranquillement. Il s’assit dans un confortable fauteuil, demanda une cigarette, l’alluma, et se mit à lancer vers le plafond des anneaux de fumée, tandis que les autres attendaient avec une curiosité qu’ils n’essayaient pas de dissimuler. Au bout d’un instant :
– Weber, fais déplacer le lit. On déplaça le lit.
– Qu’on enlève tous les rideaux de l’alcôve.
On enleva les rideaux.
Un long silence commença. On eût dit une de ces expériences d’hypnotisme auxquelles on assiste avec une ironie mêlée d’angoisse, avec la peur obscure des choses mystérieuses qui peuvent se produire. On allait peut-être voir un moribond surgir de l’espace, évoqué par l’incantation irrésistible du magicien. On allait peut-être voir…
– Quoi, déjà ! s’écria M. Formerie.
– Ça y est, dit Lupin.
– Croyez-vous donc, monsieur le juge d’instruction, que je ne pense à rien dans ma cellule, et que je me sois fait amener ici sans avoir quelques idées précises sur la question ?
– Et alors ? dit M. Weber.
– Envoie l’un de tes hommes au tableau des sonneries électriques. Ça doit être accroché du côté des cuisines. Un des agents s’éloigna.
– Maintenant, appuie sur le bouton de la sonnerie électrique qui se trouve ici, dans l’alcôve, à la hauteur du lit… Bien… Appuie fort… Ne lâche pas… Assez comme ça… Maintenant, rappelle le type qu’on a envoyé en bas.
Une minute après, l’agent remontait.
– Eh bien ! L’artiste, tu as entendu la sonnerie ?
– Non.
– Un des numéros du tableau s’est déclenché ?
– Non.
–