Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique. Бенджамин Франклин
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Par ce moyen ils réussirent d'abord à rendre beaucoup plus sensibles tous les phénomènes de l'électricité déjà connus. Ils firent encore de très-belles découvertes dont les Journaux d'Allemagne de 1745. ont rendu compte, & dont on ne rapportera ici qu'une seule.
Si, en faisant tourner & frotter le globe de verre, on en approche le bout d'un grand tuyau de fer blanc, sans qu'il touche le globe, & qu'une personne montée sur un gâteau de résine tienne d'une main ce tuyau par l'autre extrémité, cette personne est électrisée, & acquiert après deux ou trois révolutions du globe une puissance flammifique assez forte pour allumer avec un de ses doigts, avec une canne ou avec une épée de l'esprit de vin un peu échauffé. Le même effet s'ensuit lorsque la personne électrisée tient dans sa main le vase qui contient la liqueur, & la fait toucher par une autre personne est sur le plancher. Dès que le doigt approche de la liqueur, il en sort une étincelle bruyante qui enflamme l'esprit de vin. On peut de même enflammer de la poix, de la résine, de la cire d'Espagne, du soufre & même de la poudre à canon, pourvû que ces matières soient en fusion, & conséquemment échauffées. Cette expérience réussit aussi quand on électrise avec le tube, mais les étincelles sont foibles & l'effet n'en est pas si sûr qu'avec le globe.
L'année 1746. est l'époque la plus marquée de l'Électricité.
Ce fut au commencement de cette année que MM. Muschenbroek & Allaman illustres citoyens de Leyde communiquèrent à l'Académie Royale des Sciences de Paris l'expérience suivante que le hazard avoit fait trouver à M. Cuneus, lorsqu'il s'amusoit à revoir chez lui les phénomènes électriques qu'il avoit admirés chez M. Muschenbroek. Suspendez sur des cordons de soye dans une situation horizontale une verge de fer ou un canon de fusil dont un des bouts soit près du globe, pour en recevoir l'électricité par communication: laissez pendre à son autre bout un fil-d'archal ou de laiton; pendant qu'on électrise la verge de fer, tenez d'une main un vase de verre rond & en partie plein d'eau dans laquelle plonge le fil de métal suspendu: avec l'autre main essayez d'exciter une étincelle à tel endroit que vous voudrez de la verge de fer ou du fil de métal qui pend au bout & qui plonge dans l'eau du vase; vous ressentirez une commotion très-forte & très-subite dans les deux bras, dans la poitrine & dans tout le corps. Le coup est plus fort quand le globe est plus gros, plus frotté, quand le vase qui contient l'eau est plus large, quand la verge de fer qui conduit l'électricité, est plus grande, ensorte qu'on pourroit blesser, peut-être même tuer quelqu'un qui s'y exposeroit imprudemment.
Le bruit de cette expérience se répandit bientôt dans tout le monde sçavant: elle exerça l'industrie des Physiciens, & tout le monde voulut être Physicien. Chacun la répéta, & fit tout son possible pour y ajouter. On trouva bientôt le moyen d'en rendre l'appareil plus simple & plus commode; au lieu de suspendre la verge de fer près du globe & à la même hauteur, on la tient plus élevée, & on laisse pendre de son extrémité voisine du globe une bande de métal bien mince ou un fil de fer qui touche l'équateur du globe pendant qu'il tourne sur son axe & qu'il est frotté. La verge s'électrise aussi promptement & aussi fortement par cette méthode que par celle de M. Muschenbroek, & le globe est plus en sureté.
On se sert d'une bouteille de verre mince: on la remplit d'eau jusqu'au collet, & on la bouche d'un bouchon de liége traversé d'un fil-d'archal, qui y reste fixé de telle manière qu'une partie de ce fil-d'archal est plongée dans l'eau de la bouteille, & une autre partie est au-dessus du bouchon, courbée en crochet. Par ce moyen on peut suspendre la bouteille à la verge de fer, en l'y accrochant, ou l'en séparer à volonté, quand elle est chargée d'électricité.... On peut aussi l'électriser à la main, sans la suspendre à la verge de fer, & même sans se servir de cette verge. Il ne s'agit que d'en présenter le crochet ou auprès de la verge ou auprès du globe dans le temps qu'il est en mouvement & qu'il est frotté.... On peut de même décharger la bouteille électrisée sans le secours de la verge de fer, en tenant la bouteille dans une main, & cela de trois manières, par l'expérience de Leyde, par l'approche d'un corps non-électrique, ou par l'opposition d'une pointe non-électrique. Dans le premier cas il ne faut que tirer une étincelle du fil-d'archal avec l'autre main: l'on reçoit la commotion, & la bouteille est déchargée à l'instant; dans le second l'on approche le fil-d'archal d'un corps non-électrique pour tirer l'étincelle; mais il faut avoir attention à ne pas tenir ce corps de l'autre main, car on seroit frappé; dans le troisième cas il ne s'agit que d'opposer à quelques pouces de distance du crochet une pointe de métal, comme celle d'une aiguille, d'un poinçon, &c. la bouteille se déchargera lentement & insensiblement sans bruit, sans explosion & sans commotion. On voit dans les tems favorables la pointe d'une aiguille tirer le feu électrique à plus de six pieds de la bouteille, & cela s'apperçoit par une petite lumière qui paroît dans l'obscurité à la pointe de l'aiguille.
Quand la bouteille préparée, comme on vient de le dire, est bien électrisée, on peut la transporter fort loin, ou la garder plusieurs jours dans cet état, sans qu'elle perde beaucoup de sa force électrique; il n'y a point d'autre précaution à prendre que de la déposer sur un corps électrique, dans un endroit qui ne soit pas trop exposé à l'humidité de l'air ou à la poussière.
L'on a trouvé ensuite que dans l'expérience de Leyde, si au lieu d'une seule personne, on forme un grand cercle ou une chaîne de plusieurs, en quelque nombre que ce soit, qui se tiennent tous par la main: que le premier de la chaîne soutienne par le fond la bouteille électrisée, & que le dernier tire une étincelle du fil-d'archal, ils sentiront tous au même instant la commotion dans les bras & dans la poitrine. Cette expérience a été faite à Versailles devant le Roi sur deux cens quarante personnes à la fois. Le même effet s'ensuivroit encore si les acteurs, au lieu de se tenir par la main, étoient joints ensemble par des fils ou des chaînes de métal, par l'eau tranquille d'un grand vase ou même d'un bassin, dans laquelle ils auroient les mains plongées.
L'on a de même découvert que la force de l'électricité est plus grande, lorsque la verge de fer, que l'on nomme le premier conducteur, est plus longue; que l'étenduë en superficie du premier conducteur contribuë davantage à l'augmentation de cette force que son étenduë en solidité & que la longueur est celle des trois dimensions qui lui est la plus favorable.
Il n'y a presque personne qui ne sçache que la propagation du son n'est point aussi rapide que celle de la lumière. Si l'on voit tirer une pièce de canon de quelques centaines de toises, on apperçoit la flamme sortir de son embouchure long-tems avant d'en entendre le coup; en général plus l'on est éloigné, plus on remarque de distance entre l'un & l'autre. Il est cependant certain que dans ce cas la lumière & le son partent en même tems; mais l'air qui nous en transmet les sensations est plus facilement ébranlé par l'un que par l'autre; & l'on est venu à bout de connoître cette différence. C'est dans la même vuë qu'un sçavant Physicien 2 a voulu éprouver comment se fait la propagation de l'électricité dans les corps à qui on la communique; si cette propagation est instantanée du moins sensiblement, ou si elle se fait dans un temps perceptible.
Note 2: (retour) M. le Monnier, médecin, à qui on est redevable de la plupart des découvertes précédentes, Hist. de l'Acad. R. des Scienc. 1746.
»Pour s'en assurer, après quelques tentatives, dont le résultat ne lui parut pas assez décisif, M. le Monnier disposa deux fils de fer parallèles autour d'un grand clos; chacun d'eux avoit neuf cens cinquante toises, & leurs quatre extrémités se trouvoient à un des angles de ce clos, voisines les unes des autres; un homme prit un bout de chacun de ces fils de chaque main; par ce moyen il se forma une communication de l'un à l'autre, & ils ne firent plus qu'un seul corps de 1900. toises de long, au milieu duquel étoit placé l'homme qui tenoit les deux bouts des fils.
»Par l'arrangement que nous venons de décrire, cet homme, quoique placé au milieu de la longueur totale du corps à électriser, étoit très-voisin des deux autres bouts, & pouvoit juger aisément s'il sentiroit la commotion au moment