Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants. P. L. Jacob
Читать онлайн книгу.Le sacristain Guillot n'était plus là pour écouter les réflexions savantes et philosophiques de son curé; on avait frappé à la porte du presbytère, et il était allé ouvrir. Il revint, quelques instants après, annoncer au curé, qu'un enfant en guenilles, qui ne pouvait être qu'un mendiant, demandait instamment à le voir, et attendait, à la porte, la tête et les pieds nus, que M. le recteur daignât lui accorder quelques minutes d'audience.
—Un enfant! dit Rabelais, de bonne humeur: selon les paroles de l'Évangile, laissez toujours venir à moi les petits enfants.
—Ce petit bonhomme n'est pas de notre paroisse, reprit le sacristain en s'en allant, et je le regrette fort, car nous en ferions un joli enfant de choeur.
Rabelais avait passé dans son cabinet d'étude, pour recevoir cet enfant, que lui amenait le sacristain, et qui s'arrêta sur le seuil, tout étonné et troublé du spectacle étrange que présentait ce cabinet de naturaliste et de savant. La chambre était tapissée de vieux livres, de gros volumes reliés en parchemin, et surtout de toiles d'araignées; des poissons desséchés et vernis pendaient au plafond; sur la table de travail, des manuscrits et des livres ouverts les uns sur les autres, des papiers entassés ou épars, noircis d'encre; des plumes, des compas, des télescopes; dans un coin de cette chambre remplie de poussière, un atelier d'alchimiste, un fourneau avec des alambics, des cornues, des creusets, et des vases en verre ou en cuivre de toutes formes; dans un autre coin, un bahut ou armoire en bois de chêne, surchargé de pots, de fioles, de bouteilles, de silènes ou boîtes en fayence et en plomb, contenant des onguents et des élixirs de pharmacie; enfin, çà et là, au milieu du cabinet, des animaux quadrupèdes empaillés, des amas d'herbes et de plantes médicinales, des mappemondes et des sphères astronomiques, des sièges et des escabeaux encombrés d'un pêle-mêle d'objets divers de toute espèce, applicables à différents usages de science et d'art.
Le curé, assis dans une grande chaire ou fauteuil en bois sculpté, accueillit par un sourire avenant et de bon augure l'enfant qui s'avançait timidement, les yeux baissés, derrière le sacristain. Cet enfant avait la figure la plus intelligente et la plus malicieuse. Rabelais reconnut aussitôt le petit démon, leste et hardi, qui, un soir précédent, lui avait enlevé des mains la corbeille de pain sortant du four banal de Meudon.
—C'est toi, lui dit le curé en éclatant de rire, c'est toi, n'est-ce pas, qui vins prendre, l'autre soir, le pain cuit que j'allais rendre à ta soeur? Je te reproche seulement d'avoir décampé trop vite, car je n'ai pas eu le temps de te donner quelque chose, pour t'empêcher de manger ton pain sec. Ne rougis pas, mon garçon, et ne sois pas en peine de t'excuser de ton escapade; il y avait faim chez tes pauvres père et mère, je m'en doute, et il te faut louer, au contraire, d'avoir avisé au plus pressé, en pareil cas; quant à moi, je pouvais attendre sans inconvénient, et j'ai donc attendu ton retour jusqu'à présent. Or çà, voyons ce qu'on peut faire pour venir en aide à ta famille.
L'enfant, qui avait écouté, sans répondre, cette allocution paternelle, n'y répondit pas davantage, quand elle fut terminée, mais il vint, tout ému, s'agenouiller aux pieds de Rabelais, avec un pieux respect, et lui tendit en silence l'escarcelle, que celui-ci avait laissée exprès, la nuit même, parmi les navets entassés dans le champ du lépreux.
—Va-t'en voir à la cuisine si le four chauffe, dit le curé, en congédiant son sacristain que la curiosité avait fait témoin de cette scène touchante. Dépêche, et mets la nappe, pour que nous allions savoir si le vin est tiré.
En même temps, il relevait doucement l'enfant, qui eût voulu rester à genoux devant lui, et il l'attirait avec bonté dans ses bras, sans avoir repris la bourse que cet enfant était venu lui rapporter dans une intention de probité délicate, qu'on devinait de prime abord.
—Monseigneur le curé, lui dit l'enfant les larmes aux yeux, ce matin, mon père a trouvé dans son champ cette escarcelle qui vous appartient, puisque votre nom est gravé dessus, et il m'a envoyé au plus tôt vous la remettre, pensant bien que quelqu'un vous l'avait volée.
—Non, mon cher enfant, répondit Rabelais avec émotion, cette escarcelle je vous la donne de bon coeur, avec le peu d'argent qu'elle renferme, en regrettant qu'elle n'en contienne pas davantage.
—Mon père m'a ordonné, continua l'enfant, de vous déclarer, sur sa foi, qu'il ne l'a pas ouverte et qu'il ignore ce qu'elle peut contenir. Il s'excuse très humblement de ne vous l'avoir rapportée lui-même, mais mon bien-aimé père est bien malade.
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