Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition. Anonyme

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Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition - Anonyme


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de quelqu’un qu’il est alcoolique mais chacun peut facilement établir son propre diagnostic. Rendez-vous au bar le plus près et voyez si vous pouvez boire raisonnablement. Essayez de boire et de vous arrêter tout d’un coup. Répétez l’expérience plusieurs fois. Vous saurez vite à quoi vous en tenir si vous êtes honnête avec vous-même. Cela vaut peut-être la peine de risquer une bonne crise de tremblements pour être tout à fait fixé sur sa condition.

      Bien que nous ne soyons pas en mesure de le prouver, nous croyons que la plupart d’entre nous aurions pu mettre un terme à notre mauvaise habitude dès le début. Mais peu d’alcooliques désirent vraiment arrêter de boire quand il en est encore temps. On a relevé quelques cas d’individus qui, malgré la manifestation certaine de tous les signes de l’alcoolisme, ont réussi pendant longtemps à ne pas boire grâce à un puissant désir de s’en sortir. En voici un exemple.

      Un homme de trente ans faisait souvent la fête. Très nerveux le lendemain de ses beuveries, il se calmait avec encore un peu plus d’alcool. Il désirait ardemment réussir en affaires mais il se rendait compte qu’il n’accomplirait rien de bon tant qu’il toucherait à l’alcool. Une fois qu’il avait commencé à boire, il ne pouvait plus s’arrêter. Il a donc pris la décision de ne plus avaler une seule goutte d’alcool tant qu’il n’aurait pas réussi dans la vie et qu’il ne serait pas à la retraite. Homme exceptionnel, il est demeuré totalement abstinent pendant vingt-cinq ans et il a pris sa retraite à cinquante-cinq ans après une carrière fructueuse et heureuse dans le monde des affaires. Il a alors commis l’erreur de croire, comme presque tous les alcooliques, qu’en raison de sa longue abstinence et compte tenu de sa discipline personnelle, il pouvait boire comme les autres. Il a donc mis ses pantoufles et ouvert une bouteille. Deux mois plus tard, il se présentait à l’hôpital, confus et humilié. Pendant quelque temps, il a fait des efforts pour contrôler sa consommation mais au cours de cette période, il est retourné plusieurs fois à l’hôpital. Puis, prenant son courage à deux mains, il a tenté de cesser de boire complètement pour découvrir qu’il en était incapable. Ne regardant pas à la dépense, il a pris tous les moyens possibles pour régler son problème mais toutes ses tentatives ont échoué. Bien que robuste au moment de sa retraite, notre homme a dépéri si rapidement qu’il est mort quatre ans plus tard.

      Il y a dans ce récit une importante leçon. La plupart d’entre nous ont cru qu’en ne buvant pas pendant une bonne période, nous pourrions ensuite boire normalement. Pourtant, cet homme, à cinquante-cinq ans, a découvert qu’il était exactement au même point qu’à trente ans. Ainsi l’énoncé : « Alcoolique un jour, alcoolique toujours » se vérifie-t-il constamment. Lorsque, après une période d’abstinence, nous retouchons à l’alcool, nous retombons en peu de temps aussi bas qu’avant. Si nous voulons renoncer à boire, nous devons le faire sans aucune réserve, sans caresser l’espoir subtil d’être un jour immunisé contre l’alcool.

      Les jeunes peuvent trouver un encouragement dans l’expérience vécue par cet homme en pensant que, comme lui, ils peuvent cesser de boire par la force de leur volonté. Nous croyons que peu d’entre eux peuvent réussir car ils ne le désirent pas assez ardemment. Il est peu probable que l’un d’eux puisse s’en sortir à cause de la déformation d’esprit particulière déjà acquise. Plusieurs de nos membres âgés de trente ans ou moins ne buvaient que depuis quelques années, mais ils se sont trouvés aussi dépourvus que ceux qui buvaient depuis vingt ans.

      Il n’est pas nécessaire d’avoir bu longtemps ni d’avoir absorbé les mêmes quantités d’alcool que nous pour être gravement affecté. C’est particulièrement vrai pour les femmes. Les femmes de type alcoolique sont souvent subitement assaillies par la maladie et atteignent le point de non-retour en quelques années seulement. Certains buveurs qui seraient très vexés d’être considérés comme des alcooliques sont étonnés de leur incapacité de cesser de boire. Nous, qui sommes familiers avec les symptômes de cette maladie, voyons un grand nombre d’alcooliques éventuels chez les jeunes. Mais allez donc essayer de leur ouvrir les yeux !6

      En jetant un regard sur le passé, il nous semble que nous avons continué à boire bien longtemps après avoir dépassé le stade où, avec de la volonté, nous aurions pu encore nous en sortir. À celui qui se demande s’il a franchi ce seuil, nous lui suggérons d’essayer de s’abstenir d’alcool pendant un an. S’il est véritablement alcoolique et si son alcoolisme est très avancé, il a peu de chance de réussir. Au début, il nous est arrivé de ne pas boire pendant une année ou plus, pour devenir plus tard de solides buveurs. Même si vous êtes capable de ne plus boire pendant une très longue période, vous pouvez être un alcoolique en puissance. Parmi ceux que ce livre intéresse, nous sommes persuadés qu’il y en a peu qui réussiront à ne pas toucher à l’alcool pendant un an. Certains seront déjà ivres le lendemain du jour où ils auront pris leur résolution ; la plupart s’enivreront après quelques semaines.

      Ceux qui sont incapables de boire avec modération se demandent bien comment ils pourraient cesser complètement. Nous tenons pour acquis, bien sûr, que le lecteur souhaite renoncer à boire. Pour savoir si quelqu’un peut s’en sortir sans une aide spirituelle, il faut aussi savoir jusqu’à quel point il a déjà perdu la capacité de choisir s’il va continuer ou non de boire. Nous étions nombreux à croire que nous avions une grande force de caractère. Nous sentions la nécessité absolue de renoncer à l’alcool pour toujours. Et pourtant, cela nous a été impossible. L’alcoolisme, nous le savons aujourd’hui, a cette particularité déroutante : l’incapacité totale pour le malade de ne plus boire, aussi grands que soient le désir et la nécessité d’y parvenir.

      Alors, que devons-nous faire pour aider nos lecteurs à déterminer par eux-mêmes, dans leur propre intérêt, s’ils sont des nôtres ? Essayer de renoncer à l’alcool pendant un certain temps est utile ; cependant, nous croyons avoir un meilleur moyen d’aider ceux qui souffrent d’alcoolisme, et peut-être aussi le milieu médical. C’est pourquoi nous allons décrire quelques-uns des états d’esprit qui précèdent une rechute, car il est évident que c’est là le cœur du problème.

      Que se passe-t-il dans la tête d’un alcoolique qui répète chaque fois l’expérience désespérée du premier verre ? Les amis, qui avaient tenté de ramener l’alcoolique à la raison après une cuite qui avait failli lui coûter un divorce ou une faillite, sont toujours déconcertés de le voir reprendre le chemin du bar. Pourquoi le fait-il ? À quoi pense-t-il ?

      Notre premier exemple est celui d’un homme que nous appellerons Jim. En plus d’avoir une femme et des enfants charmants, Jim a hérité d’une concession automobile florissante, et son passé – c’est un ancien combattant de la Deuxième Guerre – est impressionnant. Il réussit bien dans la vente. Il jouit de l’estime de tous. Autant que l’on puisse en juger, c’est un homme intelligent, mais enclin à la nervosité. Il n’a pas bu avant trente-cinq ans. Au bout de quelques années, ses excès d’alcool l’ont rendu si violent qu’on a du l’interner. À sa sortie de la clinique, il a pris contact avec nous.

      Nous lui avons fait part de ce que nous savions sur l’alcoolisme et de la solution que nous avions trouvée. Il a décidé de tenter l’expérience. Il a retrouvé sa famille et pris un travail comme vendeur dans l’entreprise qu’il avait perdue à cause de l’alcool. Tout s’est bien passé pendant un certain temps, mais il n’a rien fait pour enrichir sa vie spirituelle. À son grand étonnement, il s’est enivré six fois en peu de temps. Après chacune de ces rechutes, nous lui avons prêté assistance en essayant de comprendre avec lui ce qui s’était produit. Il a reconnu qu’il était réellement alcoolique et que son état était sérieux. Il savait qu’en continuant, il s’exposait à un autre séjour en clinique. De plus, il perdrait sa famille, qu’il aimait profondément.

      Malgré tout, il a bu de nouveau. Nous lui avons demandé de nous raconter exactement comment les choses s’étaient passées. Voici son récit : « Je me suis présenté au travail le mardi matin. Je me souviens que j’étais irrité à l’idée de n’être qu’un vendeur dans un commerce qui m’avait déjà appartenu. J’ai eu une petite dispute avec le patron,


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