Les mille et une nuits: contes choisis. Anonyme

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Les mille et une nuits: contes choisis - Anonyme


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de mon dessein. Hâte-toi de dire comment tu souhaites que je te tue.

      La nécessité donne de l'esprit. Le pêcheur s'avisa d'un stratagème. Puisque je ne saurais éviter la mort, dit-il au génie, je me soumets donc à la volonté de Dieu. Mais avant que je choisisse un genre de mort, je vous conjure, par le grand nom de Dieu qui était gravé sur le sceau du prophète Salomon, fils de David, de me dire la vérité sur une question que j'ai à vous faire.

      Quand le génie vit qu'on lui faisait une adjuration qui le contraignait de répondre positivement, il trembla en lui-même et dit au pêcheur: Demande-moi ce que tu voudras et hâte-toi...

      XIE NUIT

      Le génie, poursuivit Scheherazade la nuit suivante, ayant promis de dire la vérité, le pêcheur lui dit: Je voudrais savoir si effectivement vous étiez dans ce vase; oseriez-vous en jurer par le grand nom de Dieu? Oui, répondit le génie, je jure par ce grand nom que j'y étais et cela est très-véritable. En bonne foi, répliqua le pêcheur, je ne puis vous croire. Ce vase ne pourrait pas seulement contenir un de vos pieds; comment se peut-il que votre corps y ait été renfermé tout entier? Je te jure pourtant repartit le génie, que j'y étais tel que tu me vois. Est-ce que tu ne me crois pas, après le grand serment que je t'ai fait? Non vraiment, dit le pêcheur: et je ne vous croirai point, à moins que vous ne me fassiez voir la chose.

      Alors il se fit une dissolution du corps du génie, qui, se changeant en fumée, s'étendit comme auparavant sur la mer et sur le rivage et qui, se rassemblant ensuite, commença de rentrer dans le vase, et continua de même par une succession lente et égale, jusqu'à ce qu'il n'en restât plus rien au dehors. Aussitôt il en sortit une voix qui dit au pêcheur: Hé bien! incrédule pêcheur, me voici dans le vase; me crois-tu présentement?

      Le pêcheur, au lieu de répondre au génie, prit le couvercle de plomb et ayant fermé promptement le vase: Génie, lui cria-t-il, demande-moi grâce à ton tour et choisis de quelle mort tu veux que je te fasse mourir. Mais non, il vaut mieux que je te rejette à la mer, dans le même endroit d'où je t'ai tiré, puis je ferai bâtir une maison sur ce rivage où je demeurerai, pour avertir tous les pêcheurs qui viendront y jeter leurs filets de bien prendre garde de repêcher un méchant génie comme toi, qui as fait serment de tuer celui qui te mettra en liberté.

      A ces paroles offensantes, le génie irrité fit tous ses efforts pour sortir du vase; mais c'est ce qui ne lui fut pas possible, car l'empreinte du sceau du prophète Salomon, fils de David, l'en empêchait. Ainsi, voyant que le pêcheur avait alors l'avantage sur lui, il prit le parti de dissimuler sa colère. Pêcheur, lui dit-il d'un ton radouci, garde-toi bien de faire ce que tu dis, ce que j'en ai fait n'a été que par plaisanterie, et tu ne dois pas prendre la chose sérieusement. O génie! répondit le pêcheur, toi qui étais, il n'y a qu'un moment, le plus grand et qui es à cette heure le plus petit de tous les génies, apprends que tes artificieux discours ne te serviront de rien. Tu retourneras à la mer. Si tu y as demeuré tout le temps que tu m'as dit, tu pourras bien y demeurer jusqu'au jour du jugement. Je t'ai prié, au nom de Dieu, de ne me pas ôter la vie: tu as rejeté mes prières, je dois te rendre la pareille.

      Le génie n'épargna rien pour tâcher de toucher le pêcheur. Ouvre le vase, lui dit-il, donne-moi la liberté, je t'en supplie; je te promets que tu seras content de moi. Tu n'es qu'un traître, repartit le pêcheur. Je mériterais de perdre la vie, si j'avais l'imprudence de me fier à toi.

      Pêcheur, mon ami, répondit le génie, je te conjure encore une fois de ne pas faire une si cruelle action. Songe qu'il n'est pas honnête de se venger, et qu'au contraire il est louable de rendre le bien pour le mal; ne me traite pas comme Imma traita autrefois Ateca. Et que fit Imma à Ateca? répliqua le pêcheur. Oh! si tu souhaites de le savoir, repartit le génie, ouvre-moi ce vase; crois-tu que je sois en humeur de faire des contes dans une prison si étroite? Je t'en ferai tant que tu voudras quand tu m'auras tiré d'ici. Non, dit le pêcheur, je ne te délivrerai pas; c'est trop raisonner, je vais te précipiter au fond de la mer. En un mot, pêcheur, s'écria le génie, je te promets de ne te faire aucun mal; bien éloigné de cela, je t'enseignerai un moyen de devenir puissamment riche.

      L'espérance de se tirer de la pauvreté désarma le pêcheur. Je pourrais t'écouter, dit-il, s'il y avait quelque fond à faire sur ta parole: jure-moi, par le grand nom de Dieu, que tu feras de bonne foi ce que tu dis et je vais t'ouvrir le vase. Je ne crois pas que tu sois assez hardi pour violer un pareil serment. Le génie le fit et le pêcheur ôta aussitôt le couvercle du vase. Il en sortit à l'instant de la fumée et le génie ayant repris sa forme de la même manière qu'auparavant, la première chose qu'il fit fut de jeter, d'un coup de pied, le vase dans la mer. Cet action effraya le pêcheur. Génie, dit-il, qu'est-ce que cela signifie? Ne voulez-vous pas garder le serment que vous venez de faire?

      La crainte du pêcheur fit rire le génie, qui lui répondit: Non, pêcheur, rassure-toi; je n'ai jeté le vase que pour me divertir et voir si tu en serais alarmé; et pour te persuader que je te veux tenir parole, prends tes filets et me suis. En prononçant ces mots, il se mit à marcher devant le pêcheur, qui, chargé de ses filets, le suivit avec quelque sorte de défiance. Ils passèrent devant la ville et montèrent au haut d'une haute montagne, d'où ils descendirent dans une vaste plaine qui les conduisit à un étang situé entre quatre collines.

      Lorsqu'ils furent arrivés au bord de l'étang, le génie dit au pêcheur: Jette tes filets et prends du poisson. Le pêcheur ne douta point qu'il n'en prît, car il en vit une grande quantité dans l'étang; mais ce qui le surprit extrêmement, c'est qu'il remarqua qu'il y en avait de quatre couleurs différentes, c'est-à-dire de blancs, de rouges, de bleus et de jaunes. Il jeta ses filets et en amena quatre, dont chacun était d'une de ces couleurs. Comme il n'en avait jamais vu de pareils, il ne pouvait se lasser de les admirer, et jugeant qu'il en pourrait tirer une somme assez considérable, il en avait beaucoup de joie. Emporte ces poissons, lui dit le génie et va les présenter à ton sultan; il t'en donnera plus d'argent que tu n'en as manié en toute ta vie. Tu pourras venir tous les jours pêcher dans cet étang; mais je t'avertis de ne jeter tes filets qu'une fois chaque jour; autrement il t'en arriverait du mal, prends-y garde. C'est l'avis que je te donne: si tu le suis exactement, tu t'en trouveras bien. En disant cela, il frappa du pied la terre, qui s'ouvrit et se referma après l'avoir englouti.

      Le pêcheur, résolu de suivre de point en point les conseils du génie, se garda bien de jeter une seconde fois ses filets. Il reprit le chemin de la ville, fort content de sa pêche et faisant mille réflexions sur son aventure. Il alla droit au palais du sultan pour lui présenter ses poissons.

      XIIE NUIT

      Le lendemain, Scheherazade, avec la permission du sultan, reprit de cette sorte:

      Sire, je laisse à penser à Votre Majesté quelle fut la surprise du sultan lorsqu'il vit les quatre poissons que le pêcheur lui présenta. Il les prit l'un après l'autre pour les considérer avec attention, et après les avoir admirés assez longtemps: Prenez ces poissons, dit-il à son premier vizir, et les portez à l'habile cuisinière que l'empereur des Grecs m'a envoyée; je m'imagine qu'ils ne seront pas moins bons qu'ils sont beaux. Le vizir les porta lui-même à la cuisinière et les lui remettant entre les mains: Voilà, lui dit-il, quatre poissons qu'on vient d'apporter au sultan; il vous ordonne de les lui apprêter. Après s'être acquitté de cette commission, il retourna vers le sultan son maître, qui le chargea de donner au pêcheur quatre cents pièces d'or de sa monnaie; ce qu'il exécuta très-fidèlement. Le pêcheur, qui n'avait jamais possédé une si grande somme à la fois, concevait à peine son bonheur et le regardait comme un songe. Mais il connut dans la suite qu'il était réel par le bon usage qu'il en fit, en l'employant aux besoins de sa famille.

      Mais, sire, poursuivit Scheherazade, après avoir parlé du pêcheur, il faut vous parler aussi de la cuisinière du sultan que nous allons trouver dans un grand embarras. D'abord qu'elle eut nettoyé les poissons que le vizir lui avait donnés, elle les mit sur le feu dans une casserole avec de l'huile pour les frire. Lorsqu'elle les crut assez cuits d'un côté, elle les tourna de l'autre. Mais, ô


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