Der undankbare Kontinent?. Группа авторов

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Der undankbare Kontinent? - Группа авторов


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d’Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.

      Ils ont eu tort.

      Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.

      Ils ont eu tort.

      Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la ­haine. Ils ont rendu plus difficile l’ouverture aux autres, l’échange, le partage parce que pour s’ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l’autre, par la crainte de l’avenir.

      Le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.

      Il a pris mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n’étaient pas des voleurs, tous les colons n’étaient pas des exploiteurs.

      Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils ­croyaient donner la liberté, ils créaient l’aliénation. Ils ­croyaient briser les chaînes de l’obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils for­geaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c’étaient les esprits, c’étaient les âmes qui étaient ­asservis. Ils croyaient donner l’amour sans voir qu’ils semaient la révolte et la haine.

      La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés ­actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution.

      Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.

      La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l’estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.

      La colonisation fut une grande faute mais de cette grande ­faute est né l’embryon d’une destinée commune. Et cette idée me ­tient particulièrement à cœur.

      La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l’Europe et le destin de l’Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.

      Et la France n’oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.

      Nul ne peut faire comme si rien n’était arrivé.

      Nul ne peut faire comme si cette faute n’avait pas été commise.

      Nul ne peut faire comme si cette histoire n’avait pas eu lieu.

      Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l’homme africain et l’homme européen.

      Jeunes d’Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l’Occident a ­déposé dans le cœur et dans l’âme de l’Afrique.

      Jeunes d’Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.

      Jeunes d’Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu’elle est une maladie, une maladie de l’intelligence, et qui est ce qu’il y a de plus dangereux au monde.

      Jeunes d’Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d’une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.

      Je veux vous dire, jeunes d’Afrique, que le drame de l’Afrique n’est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l’art, de la pensée et de la culture, c’est l’Occident qui s’est mis à l’école de l’Afrique.

      L’art moderne doit presque tout à l’Afrique. L’influence de l’Afrique a contribué à changer non seulement l’idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.

      Je veux donc dire, à la jeunesse d’Afrique, que le drame de l’Afrique ne vient pas de ce que l’âme africaine serait imperméable à la ­logique et à la raison. Car l’homme africain est aussi logique et raisonnable que l’homme européen.

      C’est en puisant dans l’imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c’est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l’aube des temps, se transmettent et s’enrichissent de généra­tion en génération que vous trouverez l’imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressem­blera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d’Afrique d’être vous-mêmes, libre de décider par vous-mêmes.

      Je suis venu vous dire que vous n’avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu’elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu’elles sont un antidote au matérialisme et à l’individualisme qui asservissent l’homme moderne, qu’elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l’aplatissement du monde.

      Je suis venu vous dire que l’homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l’homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.

      Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus ­grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d’en faire la synthèse.

      Mais je suis aussi venu vous dire qu’il y a en vous, jeunes d’Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont long­temps combattues: celle de l’Afrique et celle de l’Europe.

      Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.

      Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, vous donner des leçons.

      Je ne suis pas venu vous faire la morale.

      Mais je suis venu vous dire que la part d’Europe qui est en vous est le fruit d’un grand péché d’orgueil de l’Occident mais que cette part d’Europe en vous n’est pas indigne.

      Car elle est l’appel de la liberté, de l’émancipation et de la ­justice et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

      Car elle est l’appel à la raison et à la conscience universelles.

      Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

      Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure


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