Correspondance, 1812-1876 — Tome 5. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876 — Tome 5 - Жорж Санд


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J'ai reçu ces jours-ci votre lettre du 7 novembre, après une absence de six semaines et plus. Tout ce que je peux faire pour vous, c'est d'engager la personne chargée dans la maison Lévy de l'examen des manuscrits, à prendre connaissance du vôtre le plus tôt possible. Quant à influencer le jugement d'un éditeur sur les conditions de succès d'un ouvrage, c'est la chose impossible. Ils vous répondent avec raison, que, ayant à faire les frais de la publication, ils sont seuls juges du débit. Ce sont là des raisons prosaïques, mais si positives, que, après avoir essayé plusieurs centaines de fois de rendre des services analogues à celui que vous réclamez de moi, j'ai reconnu la parfaite inutilité de mes instances. Il n'y aurait donc pour vous aucun avantage à ce que je prisse connaissance de votre manuscrit; et comment d'ailleurs pourrais-je le faire? J'ai des armoires pleines de manuscrits qui m'ont été soumis, et ma vie ne suffirait pas à les lire et à les juger. Les éditeurs sont encore plus encombrés; mais ils ont des fonctionnaires compétents qui ne font pas autre chose et qui, tôt ou tard, distinguent les ouvrages de mérite. Soyez donc tranquille: si les vôtres sont bons, ils verront le jour. La personne qui fait cet examen chez MM. Lévy est impartiale et capable. L'intérêt des éditeurs répond de votre cause si elle est bonne.

      Agréez, monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

       GEORGE SAND.

      DLXXIX

      A M. ÉDOUARD DE POMPÉRY, A PARIS

      Paris, 23 décembre 1864.

      Cher monsieur, Je n'ai encore pu lire votre livre. Je ne fais pas de mon temps ce qui me plaît; mais j'ai lu l'article de la Revue de Paris et je ne serai pas parmi vos contradicteurs. Je pense comme vous sur le rôle que la logique et le coeur imposent à la femme. Celles qui prétendent qu'elles auraient le temps d'être députés et d'élever leurs enfants ne les ont pas élevés elles-mêmes; sans cela, elles sauraient que c'est impossible. Beaucoup de femmes de mérite, excellentes mères, sont forcées, par le travail, de confier leurs petits à des étrangères; mais c'est le vice d'un état social qui, à chaque instant, méconnaît et contrarie la nature.

      La femme peut bien, à un moment donné, remplir d'inspiration un rôle social et politique, mais non une fonction qui la prive de sa mission naturelle: l'amour de la famille. On m'a dit souvent que j'étais arriérée dans mon idéal de progrès, et il est certain qu'en fait de progrès l'imagination peut tout admettre. Mais le coeur est-il destiné à changer? Je ne le crois pas, et je vois la femme à jamais esclave de son propre coeur et de ses entrailles. J'ai écrit cela maintes fois et je le pense toujours.

      Je vous fais compliment des remarquables progrès de votre talent, la forme est excellente et rend le sujet vivant et neuf, en dépit, de tout ce qui a été dit et écrit sur l'éternelle question.

      Bien à vous.

       GEORGE SAND.

      DLXXX

      A MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE,

      A ANGERS

      Palaiseau, 31 décembre 1864.

      Mademoiselle, Le récit que vous me faites m'a vivement touchée; ce que j'y vois surtout, c'est votre immense bonté, c'est votre vie entière consacrée à faire des heureux ou des moins malheureux. Comment, avec cette âme pleine de tendres souvenirs, et cette conscience d'avoir fait tant de bien, pouvez-vous être triste et découragée? c'est vraiment douter de la justice divine. Et justement vous ne croyez pas aux peines éternelles! que craignez-vous donc de Dieu? est-ce que son appréciation de nos fautes peut être jugée par nous et mesurée selon nos idées?

      Je me suis dit bien souvent, quand je me suis vue forcée de reprendre les autres, de gronder un enfant, et même d'enfermer un animal: «Certes Dieu n'est pas juste à notre manière. S'il connaissait la nécessité de châtier, de réprimer, de punir, il serait malheureux; son coeur serait brisé à toute heure; les larmes et les cris des créatures navreraient sa bonté. Dieu ne peut pas être malheureux; donc, nos erreurs n'existent pas comme un mal devant lui. Il ne réprime pas même les criminels les plus odieux; il ne punit pas même les monstres. Donc, après la mort, une vie éternelle, entièrement inconnue, s'ouvre devant nous. Quelle qu'elle soit, notre religion doit consister à nous y fier entièrement; car Dieu nous a donné l'espérance et c'était nous faire une promesse. Il est la perfection: rien des bons instincts et des nobles facultés qu'il a mis en nous ne peut mentir.»

      Vous savez tout cela aussi bien que moi, et vous vous rendez bien compte de l'état maladif qui fait naître vos terreurs et vos doutes. Je crois, mademoiselle, que votre devoir est de les combattre, et de traiter votre maladie morale très sérieusement: c'est un devoir religieux auquel vous devez vous soumettre. Vous n'avez pas le droit de laisser détériorer votre intelligence, pas plus que votre santé. Ouvrage de Dieu, nous devons nous conserver purs de chimères et d'insanités. Allez donc vivre ailleurs qu'à Angers, dont le séjour vous rejette dans le délire. Allez n'importe où; pourvu que vous y ayez le théâtre et la musique, puisque vous en ressentez un si grand bien. Faites cela par amitié pour ceux qui ont de l'amitié pour vous, faites-le aussi pour votre conscience, qui vous défend l'abandon de vous-même.

      Agréez tous mes sentiments affectueux et dévoués.

       GEORGE SAND.

      DLXXXI

      A M. LADISLAS MICKIEWICZ, A PARIS

      Paris, 11 janvier 1865.

      Monsieur, J'ai reçu le bel ouvrage de M. Zaleski, et je vous prie de lui en témoigner ma gratitude et ma satisfaction. J'ai reçu aussi les ouvrages que vous avez publiés et que vous avez bien voulu m'envoyer. Je suis touchée de votre souvenir et je n'ai pas besoin de vous dire que je sais apprécier votre talent d'écrivain et l'ardeur de votre patriotisme. Je regrette de n'avoir, dans cette question palpitante, aucune lumière à laquelle j'ose me livrer entièrement. Je vois un conflit terrible entre des hommes qui ont tous combattu pour leur patrie, ou que le malheur a tous frappés, et qui se reprochent mutuellement ce commun désastre: c'est l'histoire de tous les désastres! En France, nous avons été divisés aussi par la défaite; et quelle force, quelle sagesse il faut avoir, dans ces moments-là, pour ne pas se maudire et s'accuser les uns les autres! Il faudrait, pour prononcer, être initié tout à coup aux clartés que l'histoire seule pourra tirer des faits divers mis en présence. Je ne me suis pas sentie autorisée à instruire, dans ma pensée et dans ma conviction, ces grands procès politiques, où tant de détails sont à contrôler, tant d'accusations à vérifier soi-même. Il y faudrait toute une vie exclusivement consacrée à l'enquête immense que l'avenir seul pourra mettre sous nos yeux. Vous êtes bien jeune pour ce travail d'exploration! et ne craignez-vous pas de vous tromper? Des appels à l'indignation publique contre telle ou telle figure historique n'ont-ils pas le danger de désaffectionner de l'oeuvre commune? Ils consternent un peu ma conscience, je vous le confesse, et je n'ose vous dire que vous faites bien de montrer les plaies de la Pologne avec cette absence de ménagement.

      Je n'ose pas non plus vous dire que vous faites mal; car vous obéissez à l'emportement d'une passion vraie, et, comme tout ce qui arrive doit servir à tout ce qui doit arriver, peut-être faut-il que vous accomplissiez la rude tâche que vous vous imposez. La vérité ne se fait qu'avec ce qui la provoque; car, d'elle-même, elle est paresseuse à se montrer, et tant d'obstacles sont entre Dieu et nous!

      Agréez, monsieur, l'expression de ma sollicitude quand même, et parce que.

       GEORGE SAND.

      DLXXXII

      A M. NEPFTZER, DIRECTEUR DU TEMPS, A PARIS

      Palaiseau, 12 janvier 1865.

      Il est piquant sans doute de se réveiller en apprenant, par la


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