La Cité Ravagée. Scott Kaelen

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La Cité Ravagée - Scott Kaelen


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On ferait peut-être mieux de faire une pause ici. Qu'est-ce que vous en dites ?"

      Jalis approuva, son estomac gargouillait déjà. "D'accord," cria-t-elle par-dessus l'épaule tout en saisissant le balukha mourant. "J'ai fait la chasse, vous les hommes pouvez maintenant vous chamailler pour faire un feu et dépecer la carcasse." Elle sortit Silverspire de son fourreau et glissa la fine lame dans le cœur de la créature. La soulevant par les pattes, elle retourna vers ses compagnons et la déposa par terre.

      S'approchant d'un monticule herbeux, elle s'installa par terre et posa Silverspire dans l'herbe près d'elle. Elle fouilla dans son sac à dos à la recherche d'un chiffon et de son cuir à rasoir, tout en regardant Oriken et Dagra ; l'un dégainait son couteau de chasse en s'agenouillant devant la carcasse et l'autre ramassait de quoi faire du feu dans les buissons avoisinants. Il y aurait encore de longues heures avant la tombée de la nuit mais manger maintenant serait tout aussi bien.

      Avec un soupir de frustration, elle cria en direction de ses compagnons : "Je n'arrive pas à trouver mon cuir à rasoir. Est-ce que l'un de vous l'a pris ?"

      "Non, ce truc est à toi." Oriken fit une pause pour tapoter le sabre fixé à sa taille. "Tu sais que je ne polis jamais ce vieux truc."

      "La pierre à aiguiser se trouve dans le sac d'Oriken," cria Dagra de loin pendant qu'il se penchait pour ramasser du bois.

      "Je le prendrais bien pour toi," dit Oriken, "mais je suis pris jusqu'aux poignets dans les tripes de ce truc."

      "Oublie ça. Je le retrouverai." Faisant une boule de son chiffon, Jalis se mit à nettoyer la lame de sa dague ; son regard était perdu vers la Route du Royaume qu'ils avaient pu rejoindre après avoir traversé le marécage. Les marais étaient loin derrière eux à présent, bien que le paysage fut encore parsemé de parcelles boueuses. Que quiconque ait choisi de vivre ici était un mystère, à moins que la région n'ait à l'époque été plus propice au fermage et au pâturage. Cela se voyait que le vaste marécage n'avait pas toujours recouvert la route et Jalis se demandait si quelqu'un ne l'avait pas créé, tranchant à l'intérieur des terres dans une tentative délibérée de dissuader les voyageurs d'aller plus au sud. Si c'était le cas, c'était en effet décourageant.

      Elle finit de nettoyer Silverspire et le remit dans son fourreau puis posa sa tête contre l'herbe. Elle s'endormit vite et ne se réveilla que plus tard au son du feu qui crépitait et à l'arôme de la viande qui rôtissait.

      "Ah, la princesse se réveille," dit Oriken avec un clin d'œil tandis que Jalis s'étirait. "Et au bon moment. Dag en a presque fini avec l'oiseau."

      Ils s'attaquèrent à la chair blanche brûlante du balukha pendant que le feu se réduisait en braises. L'estomac plein, ils bouclèrent leur paquetage et reprirent leur voyage, suivant ce qu'il restait de la route. Les heures s'égrenaient, le globe doré de Banael poursuivant sa course dans le ciel bleu.

      Tout en marchant, Jalis réajusta son sac dans son dos, puis pinça sa chemise pour en décoller le tissu de son dos en sueur. "Je devrais être habituée à cette chaleur," marmonna-t-elle. "J'ai été à Himaera trop longtemps. J'ai passé plus de vingt ans dans l'Arkh et la plupart du temps à Sardaya. La température ici, en comparaison, est beaucoup plus supportable."

      "Bah." Devant elle, Oriken échangea un regard avec Dagra et sourit par-dessus son épaule. "Il n'y a rien de tel que de passer trop de temps à Himaera."

      Jalis se moqua. "Venant d'un homme qui n'a jamais mis les pieds en dehors de sa terre natale ? Excuse-moi si je ne te prends pas au mot."

      "Eh, on a tous pris le ferry pour l’île de Carrados, tu te souviens ?"

      "Comment pourrais-je oublier ?" dit Dagra "Tu as passé ton temps à vomir sur le pont."

      "Ce n'était pas ma faute ! Personne ne m'avait prévenu. Tu ne me verras plus sur un bateau, ça, tu peux en être sûr."

      Jalis secoua la tête. "Carrados ne compte pas. Ça fait toujours partie d'Himaera. Mais bien tenté, va, l'Homme au Chapeau."

      Oriken agrippa le rebord de son chapeau et le souleva pour s'essuyer le front. "En vrai, j'ai beaucoup aimé ce temps en compagnie des moines sur cette île. Si ce n'était l'océan, ça ne me dérangerait pas de quitter Himaera pour aller m’y détendre. À écouter Jalis, Sardaya semble bien attrayant."

      "Attrayant ?" Jalis éclata de rire. "Je n'en dirais pas tant. Le paysage est magnifique, certes. Les hommes et les femmes y sont beaux, pour la plupart. Leur culture est riche. Mais il y a la présence constante des reivers et des troupes d'Ashcloak qui passent de ville en ville pour collecter les impôts. Et puis, bien que la faune soit beaucoup plus variée dans l'Arkh, il en est de même des monstres. Et puis, il y a les— Eh !" Elle trébucha contre Dagra qui s'était arrêté net. "Dag, fais attention ! Ne me dis que tu as déjà besoin d'une pause ?"

      Dagra lui toucha l'épaule et pointa devant. D'une voix sombre, il dit : "Je crois que nous avons atteint notre destination."

      Ils venaient d'arriver au sommet d'un promontoire et devant eux s'étalait une vallée peu profonde qui s'ouvrait à perte de vue dans toutes les directions, son rebord remontant dans le lointain. Vers la droite, le murmure presque imperceptible de l'océan leur parvenait dans la chaude brise d'est, et devant eux...

      Oriken siffla. "Alors ça, pour un mur."

      Une ligne sombre découpait la lande au-dessus de la vallée, s'étendant presque depuis la côte occidentale pour disparaître derrière le paysage vallonné au loin à l'est. Les sommets des créneaux, blanchis par le soleil, pointant comme les dents abîmées de la mâchoire d'un incroyable géant, rappelait à Jalis l'ancien dieu de la pierre, Cherak. "D'accord," dit-elle, la voix étouffée par l'admiration, "je dois l'admettre, ce mur est plus grand et aussi plus laid que n'importe quel mur de mon pays. Sur ce point, vous m'avez battue."

      Dagra serra son pendentif dans sa main. "Peu importe le mur," dit-il la voix serrée. "Regarde au-delà. C'est la cité." Il tourna un visage pâle dans la direction dont ils venaient d'arriver.

      Jalis abrita ses yeux des rayons du soleil. Son regard dériva au-delà du mur vers le lointain, errant à travers le paysage nébuleux. "Oh," murmura-t-elle.

      Au-dessus et bien au-delà des remparts déchiquetés, les sombres contreforts des derniers vestiges de la civilisation de l'Époque des Rois s'étendaient, à peine visibles dans l'horizon brumeux.

      "La cité légendaire de Lachyla. Impressionnante." Oriken arracha ses yeux du spectacle pour regarder Jalis. "Ça met les choses en perspective, non ?"

      "Que veux-tu dire ?" Elle avait les yeux fixés sur les tours, les flèches et les dômes qui marquaient le paysage comme des ampoules gonflées. La cité de Lachyla était impressionnante, mais de savoir que l'endroit était mort et vide depuis des siècles la fit frissonner.

      "Ce que je veux dire," dit Oriken, "c'est que notre contrat pour cette babiole est dérisoire en comparaison à..." Il étendit les bras en direction de la cité au loin. "À ça."

      Dagra se retourna pour leur faire face. "J'étais persuadé que cet endroit n'était qu'un mythe," dit-il. "Juste une fable pour que les vieux puissent faire peur aux enfants."

      "Et pour que les Tisseurs de Contes puissent faire peur à tout le monde," dit Oriken.

      "Eh bien, ça a marché. La légende de Lachyla me terrifiait à chaque fois que ma grand-mère nous la racontait quand on était petits." Dagra prit une inspiration en tremblant.

      "Tu vas bien ?" Oriken demanda.

      Jalis capta le regard de Dagra. "Eh," dit-elle doucement.

      "Je sais. Je gère." Il s'éclaircit la gorge. Son visage se transforma en un masque de résolution. Il regarda Jalis, puis Oriken, et leur fit un petit sourire forcé. "Alors ? On va aller chercher cette foutue babiole ou non ? Oui ? Allons-y, alors !"

      Dagra reprit sa marche sur la Route du Royaume. Oriken échangea un regard terne avec Jalis avant de lui emboîter


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