La Cité Ravagée. Scott Kaelen

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La Cité Ravagée - Scott Kaelen


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pas seulement de se retrouver face à face avec une histoire de fantômes. D'après les bribes d'informations qu'elle avait glanées en cours de route, la légende de Lachyla était si fantaisiste que ni Oriken, ni Dagra ne pouvaient être certains que ce lieu existât vraiment. Les gens avaient tendance à user d'imagination pour faire apparaître une légende à partir de rien. Chaque légende avait une origine, aussi minuscule ou, en l'occurrence, aussi grande fut-elle. L'énorme cité devant elle n'était pas une surprise mais le temps avait le don d'exagérer les détails les plus petits de toute histoire.

      Jalis lança un coup d'œil en direction du nord et, pendant un moment, un sentiment de solitude s'empara d'elle. De se retrouver si loin de toute civilisation et en présence d'une telle antiquité fit naître en elle une envie inattendue de retourner dans son propre passé. Mais cette envie fut éclipsée par l'atmosphère mélancolique qui s'échappait de Lachyla. Avec un soupir, elle suivit ses amis en direction de la Cité Ravagée.

      La terre compacte de la route et des chemins commençait déjà à sécher après la récente averse, grâce aux rayons chauds de Banael qui était à mi-course de son voyage déclinant. Maros se tenait debout devant le Camelot Solitaire, ses mais posées sur la poutre de la clôture. Il ruminait tout en regardant les maisons et les échoppes familières en pierre et en bois, qui avaient été construites sans aucun souci de symétrie. C'était ainsi avec les migrants et les colons.

      À travers les habitations, il regarda en direction des collines et des bois. Ses pensées étaient tournées vers Jalis, Oriken et Dagra, ses compagnons, avant qu'il ne fut forcé à raccrocher ses lames. Sa certitude que quelque chose clochait avait considérablement augmenté depuis qu'il avait entendu l'histoire de Jerrick. Et puis il y eut cette complication supplémentaire de Cela Chiddari qui avait passé l'arme à gauche...

      "Patron."

      "Agh !" Maros se retourna brusquement pour voir Henwyn debout près de lui. "Par les couilles en feu de Banael, mec ! Tu essaies de m'envoyer de vie à trépas ou quoi ?"

      Le lancier vétéran réprima un sourire et inclina la tête en s'excusant. "Bonne nouvelle," dit-il. "Leaf est en route pour le quartier général et j'ai pu trouver un chariot et un conducteur. Je dis pas que deux mules nous ferons avancer plus vite mais je préfère ça que d'avoir à te porter sur mon dos si tu fatigues. Sans vouloir t'offenser, patron, mais tu es légèrement lourd même si ma force est légendaire."

      "Ha !" Maros claqua une main sur l'épaule d'Henwyn, ce qui fit fléchir ses genoux d'un bon pouce. "Peu de mots plus vrais ont jamais été prononcés, Hen. Qui as-tu embauché ?"

      "Le meunier. Wymar."

      Maros grommela.

      "Ouais, je sais. J'en ai essayé d'autres avant lui mais personne ne voulait risquer de s'aventurer au-delà des limites du Plateau avec rien de que des petits hameaux aux alentours. Wymar était le seul qui n'ait pas protesté d'office. L'appât du gain, sans aucun doute."

      "Avec quelle facilité les gens d'ici oublient que les sabreurs leur facilitent la vie rien qu'en vivant dans cette ville. Par contre, quand il s'agit de rendre une faveur—"

      "Ce n'est pas tout, patron."

      Maros émit un grondement sourd. "Quoi d'autre ?"

      "Wymar est énervé, il a dû répartir sa charge de travail parmi le restant de son personnel pour ce qui semble être quelques bonnes semaines."

      "Par Verragos, qu'est-ce qu'il raconte là ?"

      "Renfrey," dit Henwyn en guise d'explication.

      "Pfff, cette petite fouine ? Je l'ai à peine effleuré. Quel est le problème ?"

      "Eh bien, on dirait qu'il est arrivé à rentrer chez lui après que je lui ai renversé un seau d'eau sale sur la tête pour le réveiller. Mais quand il s'est réveillé de son sommeil d'ivrogne, il s'est aperçu que son doigt était cassé."

      "Son doigt ?"

      "Et donc, il est en arrêt de travail."

      "Ouais, et Wymar, il veut en tirer le plus grand profit. Je vois. L'étendue des dégâts ?"

      "Il veut dix pièces d'argent pour la perte de travail."

      "Dix ! Cet ivrogne de Renfrey ne doit pas gagner plus d'une pièce par semaine !"

      Henwyn haussa les épaules. "C'est vrai mais le meunier prétend que la redistribution des tâches lui occasionne des coûts supplémentaires, plus la couverture des dommages pour la perte de travail qualifié, la chute du niveau de production, pour ainsi dire."

      "Travail qualifié. Je lui en donnerais, moi, du travail qualifié. Bon, dix pièces d'argent pour ce sale voleur. Et le chariot ?"

      "Eh bien, Wymar sera notre conducteur, et puis il parle de nourriture pour les mules, d'usure des roues du chariot—"

      "Par la verge poilue de Cherak !" Maros agrippa la clôture. Les muscles de son bras se contractèrent tandis qu'il serrait la poutre en bois.

      "Doucement, patron," le prévint Henwyn comme la clôture commençait à se fissurer.

      "Bien. Bien. Finissons-en, Hen. Je garde mon calme."

      "Cinquante pièces d'argent."

      La poutre fut arrachée de la clôture. Maros la jeta sur le côté. Un sourire crispé lui fendit le visage. "La violence me calme." Il leva les sourcils pour souligner le fait.

      "D'accord," soupira Henwyn. "Je suis content que tu aies eu autre chose que ma pomme sous la main."

      "Cinquante, ça fait dix pour cent du budget pour ce travail. Et tout ça va finir dans la poche de Wymar s'ils ne retrouvent pas le joyau, ou la moitié de la part qui me revient s'ils le trouvent. Par tous les dieux, mon gras, ça aurait coûté moins d'acheter deux mules pour toi et un chariot pour moi."

      "J'ai essayé ça aussi." Henwyn haussa les épaules. "Tu sais qu'il y a peu de mules disponibles. Personne n'est disposé à en vendre. Si je me mets à leur place, je ne les blâme pas. Je ne peux même pas en vouloir à Wymar de vouloir garder un œil sur ses bestioles plutôt que de nous les confier."

      Maros soupira. "Bah, on ferait tout pour les amis, non ? Va dire à ce voleur de meunier que pour le prix qu'il demande, on s'en va avant le coucher du soleil ce soir. Il a quatre heures pour se magner le cul et on est parti. Je ne suis pas parvenu à ce stade de ma vie sans faire confiance à mes tripes, et mes tripes me disent que Jalis et les gars sont en danger."

       Chapitre Sept

       Patience et Prières

      Dagra et ses amis descendaient dans la vallée alors que le soleil du crépuscule plongeait dans l'horizon lointain. Les flèches et les tours fantômes de la cité au loin s'évanouirent à la vue, de même que le mur lui-même et ses créneaux. Le mur était encore à une heure de marche mais la nuit tomberait aussitôt une fois arrivés. Dagra regarda vers l'est, plissant des yeux en direction d'un gawek solitaire niché au pied d'un promontoire. Ses troncs jumeaux étaient enroulés l'un autour de l'autre, les hautes branches jetant une ombre longue sur le versant de la vallée.

      "On ne met pas les pieds dans ce lieu oublié des dieux avant le lever du jour," dit-il. Voyant l'expression d'Oriken, il rajouta : "Pas de discussion. Je n'y mettrai les pieds qu'en plein jour et avec assez de marge devant nous. C'est déjà suffisant d'avoir à se promener dans une crypte au sein d'un cimetière, alors je ne vais pas passer des siècles à le faire dans l'obscurité s'il n'y a pas lieu de le faire."

      Oriken haussa les épaules. "C'est désert, Dag. Je ne vois pas où est le problème."

      "Dagra a raison," dit Jalis. "On ne sait pas ce qui s'y trouve. Pour autant


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