Sa Princesse Vierge. Grace Goodwin
Читать онлайн книгу.ce qu’il meure, et que mes montagnes bien-aimées se retournent contre moi.
Mais tout ça, c’était dans une autre vie. Une autre planète. Une vie que j’avais laissée derrière moi, quitte à traverser tout l’univers pour ce faire. Et il était hors de question que je laisse un Chasseur éverien borné me priver de mon avenir heureux. Bon, j’avais peut-être une part de princesse en moi, en fin de compte.
J’étais capable de traquer presque n’importe quoi. Une compétence héritée de mon père. Mais depuis que j’étais arrivée sur Everis, j’avais également découvert que c’était une caractéristique éverienne, que la traque était inhérente à cette planète. Je portais leur marque sur ma main, comme mon père. D’après la Gardienne Égara, du Centre de Test des Épouses Interstellaires, la marque prouvait que nous descendions d’extraterrestres, d’Everiens, pour être exacte. J’avais de l’ADN éverien dans le sang. Dans l’âme, plutôt. Comprendre pourquoi je n’avais jamais réussi à tenir en place en classe, pourquoi j’avais lâché la fac pour retrouver le grand air, avait été un soulagement. Mes amies terriennes n’avaient jamais compris mon besoin de grands espaces. Il avait toujours été en moi. Me poussant à partir. À découvrir. À chasser. Quelque chose. N’importe quoi.
Venir ici avait été comme réaliser un rêve, comme rentrer chez moi.
Jusqu’à ce que mon compagnon décide de ne pas se présenter sur la Pierre Angulaire pour me revendiquer. Il enflammait la marque sur ma main ‒ et mon corps ‒, mais ne se montrait pas. Gros con. Puis j’avais découvert qu’il avait été capturé, kidnappé, ou quelque chose comme ça, et il m’avait dit de ne pas m’en mêler, de ne pas me mettre en danger, de trouver quelqu’un d’autre. Comme si je voulais qu’un autre homme me touche alors que je saurais qu’il n’était pas « le Bon ». Je m’étais réservée pour quelqu’un d’exceptionnel, j’avais voulu que ma première fois représente plus qu’un coup vite fait dans le pick-up d’un type sympa, et mon compagnon comptait me voler tout cela.
Non. J’étais capable de traquer un puma par monts et par vaux. De pister un alligator à travers un marécage. Je pouvais bien trouver mon emmerdeur de compagnon. Et j’approchais du but. Il ne pourrait plus me garder hors de son esprit, à présent. Pendant deux jours, j’avais marché dans sa direction générale, en suivant quelque chose que je ne pouvais pas expliquer, même à moi-même. Ce n’était pas quelque chose de visible, de tangible. Il n’y avait pas de miettes de pain à suivre.
C’était de l’instinct. La part la plus profonde de moi exigeait que je mette un pied devant l’autre dans cette direction. Je me demandais si c’était ce que ressentaient les pigeons, à voler dans une direction sans savoir pourquoi. Sans savoir si quelqu’un les accueillerait à la fin de leur long et pénible voyage.
J’essuyai les larmes qui coulaient sur ma joue droite et me roulai en boule sur le sol. Je tournai le dos aux rochers, protégée du vent, et la couverture thermique me tiendrait assez au chaud pour que je dorme. Si la douleur lancinante dans ma cheville me le permettait, en tout cas. C’était l’aube et j’avais marché toute la nuit. À présent, il fallait que je récupère pendant quelques heures, que je repose ma vieille blessure, que ma cheville dégonfle.
Je regardai l’étrange ciel éverien, dans lequel deux lunes brillaient bas à l’horizon. La petite était argentée et s’appelait Incar. C’était la prison la plus célèbre de la galaxie, d’après ce qu’on m’avait dit. La plus grande, vert pâle, s’appelait Seladon et devait sa couleur à la vie qui se trouvait à sa surface. Elle servait de germe à Everis et à sa planète jumelle dans ce système, Everis 8. Je me trouvais actuellement sur Everis 7, la planète mère, techniquement. Les Everiens appelaient l’autre planète Huit et l’avaient colonisée des siècles plus tôt. J’avais lu que plus d’un milliard de personnes vivaient désormais sur Huit et je me demandai si les humains coloniseraient un jour Mars. Je tentai d’imaginer autant de gens sur la planète rouge, à regarder la Terre sans jamais avoir visité leur monde d’origine.
Cette idée me rendit triste. Mais cela m’arrivait souvent, ces derniers temps. J’étais frustrée. En colère.
Attendre que Gage me rejoigne m’avait laissé beaucoup de temps libre pour lire, mais allongée là alors que les dernières étoiles disparaissaient, j’étais contente. Ce ciel me donnait l’impression que cet endroit était moins inconnu, plus familier. Et j’espérais que quand je trouverais mon compagnon, je ne penserais plus que m’inscrire au Programme des Épouses Interstellaires avait été la plus grosse erreur de ma vie.
J’étais près du but. J’arrivais à le sentir, à présent, même quand j’étais éveillée. Son énergie appelait quelque chose de primitif chez moi, et je savais que je préférerais encore mourir plutôt que de renoncer. Cela ne suivait aucune logique, alors j’avais renoncé à rationaliser ce que je faisais là, à des kilomètres et des kilomètres de la ville la plus proche, seule, glacée, à passer entre les montagnes et les grottes à la recherche d’un homme qui n’existait peut-être même pas.
— Tais-toi, Dani.
Je tirai sur mes couvertures et m’en recouvris la tête, fermant les yeux alors que l’obscurité m’enveloppait.
— Tais-toi et trouve-le.
Il y avait une différence entre le traquer et partager ses rêves. Je pouvais percevoir sa localisation et me sentir aimantée par elle, mais ça avait été la seule chose à laquelle j’avais pu me raccrocher. Cette aimantation. Jusqu’à ce moment, où je me retrouvais de nouveau assez près pour partager des rêves avec lui. Il était mien, que ça lui plaise ou non, ce qui voulait dire qu’il était obligé de me laisser entrer dans sa tête. Il n’avait pas le choix.
J’en avais assez de jouer les petites filles sages. J’ignorais qui il était ou quel était son rôle dans ce monde. Criminel ou saint. Moche et balafré, ou beau comme un dieu. Et cela ne m’importait pas. Il était mien.
Je fermai les yeux et poussai mon corps à se mettre en veille, mon esprit à trouver le sien...
Gage... En Plein Rêve
Elle envahit mon esprit comme une experte, floutant d’abord les contours de ma douleur avec des promesses chaleureuses et sensuelles, avant de m’arracher à la réalité pour m’emmener dans un monde que je n’aurais jamais pu imaginer tout seul.
— Danielle, murmurai-je, debout et entier derrière elle.
Elle portait une drôle de tenue, un pantalon marron foncé et une veste vert forêt. Ses bottes étaient faites pour des treks en montagne, mais ses cheveux dorés étaient lâchés, le soleil jaunâtre de son monde transformant ses mèches en un halo éthéré. Elle se tourna vers moi et me tendit la main, ses yeux bleus chaleureux et hypnotiques.
— Gage. Viens. Regarde comme ma maison est jolie.
Je tendis les bras. Nos mains se touchèrent, et elle me tira pour que je me place à côté d’elle, face à un paysage de montagne, une rivière d’un bleu éclatant déchaînée en contrebas. Le Chasseur en moi fit entrer l’odeur fraîche de la forêt et le parfum féminin de Dani comme si j’étais un homme affamé. Ce qui était le cas.
— Tu ne devrais pas être ici, Dani.
— Où est-on ?
Son sourire était coquin, séduisant, et tout ce que j’avais espéré qu’il soit. Ma compagne était parfaite. Pleine d’impertinence, de vie et de fougue. Tout ce que les femmes de la capitale n’étaient pas.
— Dans ma tête, compagne. Proches l’un de l’autre. C’est trop dangereux. Quelqu’un veut ma mort, et je ne veux pas te faire prendre de risques.
Je m’approchai d’elle et posai le pouce sur sa lèvre inférieure pour en caresser la