Autour de la table. George Sand

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Autour de la table - George Sand


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       George Sand

      Autour de la table

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066088439

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       I

       FAUST

       KONRAD

       III

       IV

       V

       V

       VII

       LE CENTAURE.

       FRAGMENT

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       Table des matières

      Quelle table? C'est chez les Montfeuilly qu'elle se trouve; c'est une grande, une vilaine table. C'est Pierre Bonnin, le menuisier de leur village, qui l'a faite, il y a tantôt vingt ans. Il l'a faite avec un vieux merisier de leur jardin. Elle est longue, elle est ovale, il y a place pour beaucoup de monde. Elle a des pieds à mourir de rire; des pieds qui ne pouvaient sortir que du cerveau de Pierre Bonnin, grand inventeur de formes incommodes et inusitées.

      Enfin c'est une table qui ne paie pas de mine, mais c'est une solide, une fidèle, une honnête table, elle n'a jamais voulu tourner; elle ne parle pas, elle n'écrit pas, elle n'en pense peut-être pas moins, mais elle ne fait pas connaître de quel esprit elle est possédée: elle cache ses opinions.

      Si c'est un être, c'est un être passif, une bête de somme. Elle a prêté son dos patient à tant de choses! Écritures folles ou ingénieuses, dessins charmants ou caricatures échevelées, peinture à l'aquarelle ou à la colle, maquettes de tout genre, études de fleurs d'après nature, à la lampe, croquis de chic ou souvenirs de la promenade du matin, préparations entomologiques, cartonnage, copie de musique, prose épistolaire de l'un, vers burlesques de l'autre, amas de laines et de soies de toutes couleurs pour la broderie, appliques de décors pour un théâtre de marionnettes, costumes ad hoc, parties d'échecs ou de piquet, que sais-je? tout ce que l'on peut faire à la campagne, en famille, à travers la causerie, durant les longues veillées de l'automne et de l'hiver.

      La table du soir (c'est ainsi qu'on la nomme, parce que, durant le jour, chacun vaquant à ses occupations ou courant à sa fantaisie, elle reste seule et tranquille dans le salon) a donc, chez les Montfeuilly, un rôle assez important. Que ferait-on sans elle, bon Dieu, même tes soirs d'été, quand l'orage emplit le ciel et que la pluie précipite au dedans de la maison les hôtes et les papillons de nuit? Alors chacun apporte son travail ou son délassement, et on se querelle, on se pousse, on se serre pour que tout le monde tienne sur la grande table. On a quelquefois parlé d'en avoir plusieurs petites, mais la grand'mère, Louise de Montfeuilly, qui est le chef actuel de la famille, a repoussé cette innovation perverse. Elle a bien fait; où serait la vie, où seraient l'attention, l'enjouement, l'union, l'unité dans ces travaux ou dans ces amusements éparpillés, la nuit, dans une vaste pièce? La grande pièce réunit toutes les études et toutes les pensées, elle en est le centre et le lien. Elle est à la fois la classe et la récréation de la famille, l'harmonie et l'âme de la maison. C'est un sanctuaire d'intimité, c'est presque un autel domestique, et la grand'mère dit souvent: «Le jour où la table sera au grenier et moi à la cave, il y aura du changement ici.»

      Mais le plus grand charme de la table, c'est la lecture en commun, à tour de rôle. Si peu qu'on ait de poumons, on peut bien lire chacun quelques pages, et l'on n'exige du lecteur aucun talent: on est si habitué au bredouillage de l'un, aux lapsus de l'autre, que l'on ne s'arrête plus à se railler ou à se quereller. Je connais peu de plaisirs aussi doux, aussi soutenus, aussi attachants que celui d'avoir les mains occupées d'un travail quelconque, pendant qu'une voix amie (sonore ou voilée, peu importe!) vous fait entendre simplement, sans emphase et sans prétention, un beau et bon livre. Le feu pétille dans l'âtre. Le vent chante dans les arbres; les phalènes on la grêle battent les vitres; quelque cri-cri familier vient, aux jours d'hiver, jusque sous la table, comme pour applaudir à sa manière, et personne n'ose remuer, dans la crainte d'écraser l'hôte menu et confiant du foyer. Le papier se couvre de dessins ou de peintures; le canevas, la mousseline ou la soie se remplissent de fleurs ou d'arabesques, et si quelque pas inusité se fait entendre dans la salle voisine, si une main incertaine cherche à ouvrir la porte, on tressaille, on se regarde consterné, on redoute l'arrivée d'un étranger, d'une conversation quelconque venant interrompra la lecture chérie. Mais, grâce au ciel, les Montfeuilly ne sont point gens du monde; c'est presque toujours un bon voisin, un ami qui vient nous surprendre. «Ah! c'est toi! A la bonne heure! Tu nous as fait bien peur, nous lisions….—Oui, oui, dit-il, j'en suis,» et il prend le livre.

      Vous m'avez autorisé à vous rendre compte, dans la forme sérieuse ou familière qui se présentera, de l'impression produite sur nous par ces lectures. Elles ne sont pas tellement fréquentes et tellement suivies que je ne puisse vous parler de temps en temps de tout ce que nous aurons lu ou relu; car je ne saurais, en aucune façon, m'astreindre exclusivement à un compte rendu d'ouvrages nouveaux, et il pourra bien m'arriver de vous parler de choses anciennes et consacrées. Pour vous faire agréer mes réflexions, il faut que je vous dise et que je vous fasse agréer aussi l'entière liberté de


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