Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito


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Elga fut secouée par un tremblement. Non, répéta-t-elle en secouant plus fort la tête.

      La petite se leva de sa chaise, visiblement perturbée.

      «Maman, tu vas bien?» demanda-t-elle en se dirigeant vers elle.

      Instinctivement, elle recula, se colla contre le mur, bien décidée à éviter tout contact.

      «Ne m’appelle pas maman, ordonna-t-elle. Elle n’avait aucune fichue idée de ce qu’il se passait, mais la stupeur initiale faisait place à la colère, mêlée à une peur galopante. Je ne suis pas ta mère.»

      La petite fondit en larmes à cette affirmation.

      «Pourquoi tu fais ça? Maman…» Négligeant tout avertissement, elle se lança sur la femme, l’enlaça, striant son pyjama de taches sombres.

      Elga sursauta, comme parcourue par une décharge électrique. Qui que soit cette inconnue, elle était en chair et en os. Elle sentit clairement la consistance de son corps et la force de son étreinte, inimaginable étant donné sa maigreur. Elle s’éloigna pour garder ses distances. «Ne me touche pas» la gronda-t-elle. Elle prit une longue respiration et ajouta: «Maintenant, dis-moi qui tu es et ce que tu fais ici, s’il te plaît.»

      «Rea. Je suis ta fille, tu ne me reconnais pas?» Son ton était chargé de perplexité et d’inquiétude.

      «Rea?» La femme répéta ce nom avec lenteur, comme un mot étranger. «Ok, si c’est une blague, sache que je ne l’aime pas du tout. Ma fille est morte et je ne connais aucune Rea.»

      «Pourquoi tu dis ça? Tu me fais peur, maman!» gémit la petite.

      Son angoisse était si crédible qu’elle aurait mérité un Oscar si elle avait été en représentation. Et pourtant, il ne pouvait en être autrement. Quelqu’un avait manifestement orchestré cette mise en scène pour se moquer d’elle. Elga n’aurait pas pu dire qui et dans quel but, mais elle ne pouvait envisager d’autres explications possibles à ce qu’il se passait et, au fur et à mesure que cette conviction faisait son chemin dans son esprit, sa colère augmenta.

      «Je te le demande pour la dernière fois. Qui es-tu et que fais-tu ici?»

      «Rea» sanglota l’autre.

      «Mauvaise réponse. Celui qui t’envoie ne t’a pas bien informée. Ma fille s’appelait Martina.»

      «C’est moi ta fille…»

      «Ça suffit maintenant!» Elga la prit par le poignet et la traîna vers le manteau de la cheminée. Il était couvert de poupées, comme chaque étagère de cette maison, mais entre l’une et l’autre, quelques cadres photo en bois se détachaient. Elle en prit un au hasard et le tendit à l’intruse.

      «Voici Martina. C’est la seule fille que j’aie jamais eue et elle ne te ressemble pas du tout.»

      Avant de le prendre, la petite s’essuya les mains sur la robe blanche qu’elle portait, observa la photo quelques minutes en silence, puis la lui rendit retournée de façon à ce que l’autre puisse la voir.

      L’image l’atteignit avec la violence d’une gifle. Martina était assise dans son atelier, semblable à une poupée parmi les poupées, et souriait comme sur la vieille photo sur laquelle Elga avait pleuré un million de fois. À part que… Ce n’était pas elle. La personne immortalisée sur le cliché était identique à l’étrangère qui lui faisait face.

      «Nooooon!» Elga hurla, prise d’une panique qu’elle ne pouvait expliquer. Elle prit un autre cadre, le regarda et le jeta au sol comme s’il la brûlait; elle courut vers la patère située sous l’escalier, attrapa son sac d’une main tremblante, récupéra son portefeuille, chercha la photo qu’elle avait toujours avec elle, celle qui montrait Andrea et Martina enlacés, et la regarda. Son mari était là et était celui de toujours, mais la petite accrochée à son cou…

      «Nooooon!» La femme se recroquevilla sur le sol, se boucha les oreilles et continua à hurler dans l’espoir que sa voix chasse ce cauchemar.

      Les souvenirs étaient tout ce qu’il lui restait, sa seule ancre, son unique certitude. Personne ne devait les toucher, elle ne permettrait à personne de les lui enlever, encore moins pour un jeu cruel.

      La fillette tenta de s’approcher, mais elle la repoussa en la frappant. «Tu n’es pas ma fille! Ce n’est pas TOI ma fille!»

      Au même instant, la sonnette tinta. «Qu’est-ce qu’il s’est passé? Tu as besoin d’aide?» La voix de Constanza arriva de la rue, à peine couverte par le crépitement de la pluie.

      Elga n’eut pas le temps de réaliser, ni même de réagir. L’inconnue fut plus rapide qu’elle, bondit sur le parlophone et ouvrit la porte.

      «À l’aide! Maman se sent mal!» pleura-t-elle en se précipitant dans les escaliers pour courir se réfugier dans les jupes de la voisine.

      «Que s’est-il passé? Où est-elle? Et toi, tu vas bien?» La vieille femme la bombarda de questions tout en montant. Sa langue était bien plus souple que ses jambes fatiguées par l’âge avancé et l’arthrose.

      «Elle dit qu’elle ne me connaît pas» tenta de lui expliquer Rea.

      «Elle s’est faufilée chez moi cette nuit. Elle dit qu’elle est ma fille.» La voix d’Elga, qui s’était entretemps relevée pour les rejoindre, se superposa à la sienne. « Je ne sais pas comment elle a fait, mais les photos… » Elle se figea brusquement, mettant fin au flot de ses paroles. Elle fit subitement le point sur l’image qui s’offrait à elle et, tout aussi rapidement, celle-ci atteignit son cerveau avec quelque chose qui clochait.

      «Tu la connais.» Elle pointa Costanza d’un doigt accusateur. Ce n’était pas une question. La familiarité avec laquelle ces deux-là se tenaient par la main était bien trop éloquente.

      «Bien sûr que je la connais» répondit-elle stupéfaite.

      «Alors, c’est toi! C’est toi qui m’as fait ce…» Son index tremblait maintenant au même rythme que ses lèvres.

      La voisine fit quelques pas dans sa direction sans lâcher la main de Rea, tremblante elle aussi et le visage strié de larmes. «Qu’est-ce que je t’ai fait? Tu te sens mal? Je peux faire quelque chose pour t’aider?»

      Elga recula.

      «Tu la connais.»

      «Bien sûr que je connais ta fille. Je l’ai vue naître!»

      «Ce n’est pas ma fille!» La femme haussa le ton de quelques octaves.

      Surprise et inquiétude vinrent assombrir le visage de son interlocutrice.

      «Comment ça? Tu veux me faire croire que tu ne connais plus Rea?»

      La petite se glissa derrière elle comme pour se défendre, cachant son visage dans le châle en laine qui lui retombait sur le dos.

      «Martina. La réponse sortit dans un souffle. Ma fille s’appelait Martina, et elle est morte.»

      «Tu es déboussolée… Tu te trompes. Ta fille s’appelle Rea et tu lui fais peur. La vieille dame fit une pause. Tu as pris tes médicaments?» ajouta-t-elle prudemment.

      Elga ignora la dernière question

      «C’est toi qui es déboussolée manifestement, siffla-t-elle. Je ne sais pas à quel jeu vous jouez mais, si tu me permets, je connais parfaitement le prénom de ma fille et je sais aussi à quoi elle ressemblait. Celle-ci ne lui ressemble même pas. Martina avait les cheveux bouclés et auburn, les yeux foncés et n’avait pas de taches de rousseur, elle est… Elle est… Oh bordel!» La vision délirante qui venait de prendre forme dans sa tête provoqua un haut-le-cœur qui lui remonta dans la gorge.

      Cette idée était folle, mais elle connaissait ces traits. Ce n’étaient pas ceux de sa fille, non, et pourtant elle avait


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