Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito


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petites fleurs du couvre-lit intact dansèrent devant ses yeux, mêlées à un tourbillon d’étincelles informes de la même couleur, et un voile noir tomba finalement sur ce ballet.

      Chapitre 4

      … but then [3]

       I dreamt I had awakened from a dream that I was awake where all dreams are real and being awake was a mistake. Somnium - Christian Death

      Elle eut l’impression de se réveiller d’un long sommeil. Ce ne fut pas le baiser d’un prince, mais la sensation désagréable d’avoir la tête bourrée de coton et un faible bourdonnement qui rappelèrent Elga à la réalité; immédiatement, les contours d’un visage vaguement familier occupèrent son champ de vision.

      «Bienvenue!» l’accueillit la voix de baryton du docteur Abruzzo. Deux incisives de lapin firent leur apparition sous son épaisse moustache noire, dessinant une grimace qui se voulait un sourire. Deux doigts boudinés s’emparèrent rapidement du poignet de la patiente. «Comment vous sentez-vous?»

      Elle ne répondit pas et laissa son regard embrouillé flotter, reconnut sa propre chambre à coucher, tandis que le bourdonnement entendu auparavant s’interrompait pour se transformer en exclamation.

      «Dieu soit loué!» Cela lui suffit pour apprendre que sa mère se trouvait là également. Elle se serait volontiers enfuie à ce point, mais réalisa qu’une aiguille était plantée dans son bras, reliée à une perfusion remplie de liquide transparent.

      «Qu’est-ce que….?» marmonna-t-elle.

      «Vous avez fait un malaise, s’empressa de lui expliquer la médecin en s’installant sur une chaise postée tout près. Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé?»

      «Je ne sais pas… Il y avait une petite fille qui disait être ma fille… Une hallucination je pense…» Elle se redressa difficilement et tenta de recomposer l’horrible puzzle. Au même instant, elle vit les traits de sa mère se crisper jusqu’à transformer son visage en linge chiffonné : les narines de son nez grec vibrèrent à l’unisson avec le rosaire entrelacé dans ses doigts.

      «Les photos de Martina n’étaient plus les mêmes…» ajouta-t-elle indécise.

      «Mon Dieu!» Ce fut un hurlement de rage cette fois, dont le ton exprimait plus la colère qu’une inquiétude sincère.

      «Elisa, calmez-vous. Laissez-moi parler» l’apaisa le docteur Abruzzo avant de se concentrer à nouveau sur Elga.

      «Écoutez-moi attentivement. Vous avez eu une crise et vous vous êtes évanouie. Nous ferons tous les contrôles nécessaires pour comprendre, mais dans l’immédiat j’ai besoin de procéder à une vérification. Je vais vous poser quelques questions de routine, je vous demande juste de répondre sincèrement.» Il avait utilisé presque la même formule à sa sortie du coma après l’accident. Quelques questions de routine pour savoir si sa mémoire était revenue intacte du voyage dans l’au-delà ou si elle avait perdu des morceaux en chemin. Mais c’était différent cette fois. Elga n’était pas tombée dans le coma et se sentait parfaitement maîtresse de ses souvenirs. Elle aurait voulu protester. Toutefois, elle ressentait un certain abattement et préféra ne pas opposer de résistance. Elle se limita à acquiescer faiblement.

      «Vous pouvez me donner votre nom?»

      «Elga… Elga Spinelli.»

      «En quelle année êtes-vous née?»

      «Mille neuf cent soixante-dix-neuf.»

      Elisa fit un signe d’approbation flagrant. Elle était restée figée au pied du lit. Quelques mèches couleur de miel, échappées de son chignon strict, retombaient le long d’une de ses joues. Les mains toujours occupées à égrener le rosaire, ses lèvres minces bougeant à peine, répétant dans un faible murmure les réponses débitées par sa fille. On aurait dit qu’elle priait.

      «En quelle année sommes-nous?»

      «Deux mille treize.»

      «Vous savez où vous êtes en ce moment?»

      «Bien sûr, je suis dans ma chambre. Son ton trahit un léger agacement.»

      Le docteur Abruzzo garda son air angélique.

      «Bien, l’encouragea-t-il. Il fit ensuite une courte pause, fronça les sourcils et parut se concentrer, comme à la recherche des mots justes.»

      «Je sais que je touche un sujet douloureux mais… Pouvez-vous me dire le nom de votre mari?»

      «Andrea. Il s’appelait Andrea et je sais très bien qu’il est mort.» Une larme coula de son œil gauche.

      L’homme sembla ignorer l’impatience qui, de réponse en réponse, devenait plus évidente et continua, imperturbable.

      «Le nom de votre fille?»

      «Martina.»

      Elisa émit un gémissement et serra les poings autour des grains du chapelet, si fort que ses jointures blanchirent.

      D’un coup d’œil éloquent, le médecin lui renouvela son invitation à ne pas intervenir.

      «Vous pouvez répéter?» demanda-t-il en se retournant vers sa patiente.

      «Martina» martela Elga. «Ma fille s’appelait Martina et elle est morte elle aussi dans ce maudit accident.»

      L’autre la scruta longuement en silence, lissant ses moustaches d’un geste nerveux. Il paraissait chercher dans les yeux de son interlocutrice la question la plus appropriée pour poursuivre l’interrogatoire.

      «Vous êtes sûre de bien vous souvenir?» bredouilla-t-il enfin.

      «Si je me souviens bien? Vous me demandez vraiment si je me souviens bien? La femme cracha ces mots comme des graines indigestes, puis ferma les yeux et continua, comme en transe. Deux ans sont passés et pas un seul jour ne s’est écoulé depuis sans revivre cet enfer. Je ne peux plus fermer les yeux sans que les images reviennent me hanter. Chaque scène est gravée dans mon cœur. Nous étions tous les trois fatigués mais heureux. On revenait d’une balade dans les bois. Martina était assise à l’arrière dans la voiture, un panier plein de mûres sur les genoux, elle en était folle et était au septième ciel parce qu’on en avait récolté beaucoup ce jour-là. Andrea la suppliait de lui en faire goûter au moins une et elle continuait à refuser en riant. Je me laissais bercer par leurs rires et les notes de Lullaby qui passait à la radio. Je regardais par la fenêtre pour profiter des couleurs du coucher de soleil qui commençait… J’ai vu le ciel virer au rose avant que la calèche ne sorte de nulle part. Elle était majestueuse, noire, ornée de frises dorées, comme une calèche d’autrefois ou un corbillard, de ceux qu’on n’utilise plus. L’instant d’avant, il n’y avait rien, celui d’après elle nous coupait la route… Je crois que j’ai entendu le hennissement des chevaux qui se cabraient avant de réaliser que la voiture se renversait… J’ai crié le prénom de ma fille, mais je ne sais pas si elle m’a répondu, parce que l’instant suivant je volais et tout est devenu noir, comme les chevaux de ce carrosse infernal…»

      «Tu inventes tout. Aucune calèche ne vous a coupé la route» assena Elisa en interrompant le cours des souvenirs. Sa voix atone ne laissait transparaître aucune émotion, mais elle avait l’air effarée. Elle était restée silencieuse jusqu’à présent et semblait maintenant incapable de se retenir davantage.

      Elga ouvrit les yeux, comme émergeant d’un cauchemar.

      «Qu’est-ce que tu en sais? Tu n’y étais pas.»

      «La route était déserte, répliqua la mère impassible. Andrea s’est peut-être endormi ou a fait un malaise soudain, il a simplement perdu le contrôle de la voiture et conduisait à une vitesse inadmissible. Il n’y a pas eu de collision.»

      «Conneries! Tu racontes un paquet


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