Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito


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Abruzzo toussota pour rappeler l’attention à lui, mais sa tentative fut ignorée. Elisa s’approcha de sa fille, lui prit la main, indifférente à la perfusion. «Ma chérie, elle essaya de la calmer en changeant de registre, tu es perdue, mais nous t’aiderons. Je prie beaucoup et tu verras que Jésus aussi t’aidera.»

      Elga retira sa main si violemment que l’aiguille sauta. Un filet rouge lui coula le long du bras. « Je ne suis pas croyante et personne ne peut m’apporter l’aide dont j’ai besoin. Mon mari et ma fille ne sont plus là et aucun dieu ne peut me les rendre.

      «Ta fille n’est pas morte. Rea est ici dehors, elle t’attend et a vraiment besoin de toi…»

      «Rea?» De rouge, son visage devint cireux. Le médecin intervint alors avec plus de fermeté. Délicatement, il prit Elisa par les épaules et l’éloigna du lit. «S’il vous plaît, calmez-vous et évitez d’interférer. Cela ne fait que compliquer les choses, dit-il d’un ton doux mais ferme. Maintenant, si vous le voulez bien, allez me chercher du désinfectant et un peu de coton pour nettoyer son bras.»

      La femme obéit sans répliquer.

      «Elle a dit Rea?» demanda Elga quand sa mère fut sortie.

      Le médecin retourna s’asseoir.

      «Ce prénom ne vous dit rien?»

      «La petite fille qui s’est faufilée dans la maison cette nuit et qui disait être ma fille s’appelait comme ça mais… Elle était vraiment ici?»

      «Voilà, voyons… Vous vous souvenez d’avoir été dans le coma après l’accident?»

      «Évidemment que je m’en souviens, mais je ne vois pas le rapport avec ma question.»

      «Vous êtes restée entre la vie et la mort durant plusieurs mois et nous avons tous craint de vous perdre, au point que votre mère a crié au miracle quand vous vous êtes réveillée. En homme de sciences, je ne crois pas aux miracles, mais vous avez eu énormément de chance, c’est certain. Beaucoup ne s’en sortent pas dans une telle situation. Votre capacité de récupération a été surprenante. Votre corps ne conserve aucune trace de cette vilaine expérience et on peut dire pareil de vos facultés intellectuelles. Toutefois, votre psychisme a subi des blessures difficiles à soigner. Vous avez vécu un traumatisme important et… Et…»

      Elga vit quelques gouttes de transpiration briller sur le front de l’homme et ressentit sa difficulté à terminer sa phrase.

      «Qu’essayez-vous de me dire?» le pressa-t-elle.

      «Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé quand vous avez revu votre fille après votre réveil?»

      «Vous plaisantez? Ma fille était morte et enterrée, comment aurais-je pu la revoir?»

      Le docteur Abruzzo secoua la tête.

      «Vous avez dit quelque chose de similaire ce jour-là mais…»

      «Écoutez, comme vous le savez, j’ai passé six mois totalement inconsciente. J’ai été expulsée de la voiture tout de suite après l’impact et je n’ai pas pu voir ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas vu mon mari et ma fille mourir et je n’ai pas vu leur corps non plus, parce qu’il était déjà sous terre à mon réveil. C’est ma mère qui m’a dit sans trop prendre de gants qu’ils n’étaient plus là et je vous garantis que j’ai eu du mal à m’en convaincre. Elle m’a expliqué que la voiture avait pris feu et qu’Andrea et Martina étaient morts dans les flammes… Elle n’a pas raté l’occasion de le souligner quand j’ai découvert qu’elle les avait fait enterrer et que j’étais furieuse. Elle savait très bien que je les aurais fait incinérer, nous avions abordé le sujet plusieurs fois par le passé et on s’était violemment disputées. En bonne catholique, elle est opposée à la crémation et, comme il fallait s’y attendre, le moment venu, elle a saisi la balle au bond pour faire à sa façon, se fichant de ma volonté. “Ils étaient de toute façon carbonisés, quelle différence ça fait?” C’est ainsi qu’elle a commenté ma rage… Ma mère peut être très cynique parfois… J’ai désiré de tout mon être que quelqu’un d’autre soit sous ces pierres tombales. Vous n’imaginez pas combien de fois j’ai rêvé de voir revenir… Martina surtout… Maintenant, essayez de deviner comment je me suis sentie quand j’ai trouvé cette fillette dans ma cuisine. Pendant un instant, j’ai vraiment espéré que l’impossible s’était réalisé, à part que… Ma petite fille était complètement différente. Si vous me dites simplement que ma fille est vivante et que, qui sait pour quelle raison absurde, je me suis convaincue du contraire, je pourrais l’accepter. En fait, je vais vous dire plus, je ferais tout pour y croire parce que je ne peux rien imaginer de plus beau. Mais je sais parfaitement comment était ma petite et je connais son prénom. Je ne peux pas me tromper sur ça…»

      «Maman, tu te sens mieux maintenant?» Rea entra dans la pièce, interrompant le discours à mi-chemin. Elle tenait un flacon de désinfectant; Elisa la suivait silencieusement avec un étrange sourire sur le visage.

      Le regard d’Elga se remplit de terreur, comme si elle avait vu un fantôme. «Tu n’es pas ma fille! Ce n’est pas TOI ma fille!» commença-t-elle à hurler, en proie à la panique.

      La petite fondit en larmes, laissa tomber la bouteille et courut se réfugier dans les bras de sa grand-mère.

      Le docteur Abruzzo bondit sur ses pieds, clairement énervé. Il ramassa le flacon d’alcool sur le sol, et rejoignit la femme. « Vous êtes contente maintenant?

      «Elle n’est pas guérie, n’est-ce pas? Tout est redevenu comme avant» commenta-t-elle d’un air accablé.

      «Ce n’est pas le moment, vous comprenez? Occupez-vous plutôt de la petite» répliqua-t-il en lui montrant la porte.

      Chapitre 5

      All my senses rebel [4] under the scrutiny of their persistent gaze. It took a lifetime to get here, A journey I’ll never make again.

       The Trial - Dead can dance

      

      L’orage avait cessé depuis peu. Iuri inspira à fond en sortant de la loge du gardien et se dirigea à pas lents vers la fontaine située au-delà de l’entrée du cimetière monumental. Il tenait de la main droite un bouquet de chrysanthèmes et une cannette vide de l’autre. Il la remplit en faisant attention à ne pas se mouiller et emprunta le petit escalier qui conduisait à la zone souterraine. Si les décès le permettaient, il aimait commencer sa journée de cette façon. Un café en compagnie du brave Filippo et une promenade entre les tombes de gens qu’il n’avait jamais connus de leur vivant mais qui, depuis quelque temps, soulageaient sa solitude. Un nom, deux dates, parfois une épitaphe et une photo étaient tout ce qu’il connaissait d’eux. Ils semblaient pourtant le scruter depuis ces images et, dans certains cas, lui sourire. Iuri aimait s’arrêter sur les détails et imaginer leur existence. Les pierres tombales étaient comme des livres codés qui, si on savait les lire attentivement, révélaient bien plus qu’on ne pouvait le penser.

      Giovanni Liuzzi, par exemple, était né en 1920 et décédé en 1943. Sur la photo en noir et blanc qui le représentait, il portait un uniforme militaire. Lire l’inscription “tombé au champ d’honneur” gravée sur la plaque de marbre était inutile pour deviner qu’il s’agissait d’une victime de la dernière guerre mondiale. À en juger par son regard triste, en opposition avec le sourire qu’il affichait, il n’avait pas dû s’enrôler le cœur léger. Comment l’en blâmer d’ailleurs?

      Iuri posa la cannette et le bouquet de chrysanthèmes au sol, changea l’eau dans le vase posé sur la tombe, remplaça l’unique fleur sèche par un chrysanthème frais et passa à la suivante. Il répéta l’opération en l’honneur du petit Matteo, décédé en 1971 à seulement dix-huit mois. Le bas-relief d’un petit ange veillait sur son portrait. “Ne le réveillez pas, laissez-le dormir”


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