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couleuvres;

      J'ai porté deuils sur deuils; j'ai mis oeuvres sur oeuvres;

      Vous ayant oublié, je ne le cache pas,

      Marquis; soudain j'entends dans ma maison un pas,

      C'est le vôtre, et j'entends une voix, c'est la vôtre,

      Qui m'appelle apostat, moi qui me crus apôtre!

      Oui, c'est bien vous; ayant peur jusqu'à la fureur,

      Fronsac vieux, le marquis happé par la Terreur,

      Haranguant à mi-corps dans l'hydre qui l'avale.

      L'âge ayant entre nous conservé l'intervalle

      Oui fait que l'homme reste enfant pour le vieillard,

      Ne me voyant d'ailleurs qu'à travers un brouillard,

      Vous criez, l'oeil hagard et vous fâchant tout rouge:

      «Ah çà! qu'est-ce que c'est que ce brigand? Il bouge!»

      Et du poing, non du doigt, vous montrez vos aïeux;

      Et vous me rappelez ma mère, furieux.

      -Je vous baise, ô pieds froids de ma mère endormie! -

      Et, vous exclamant: «Honte! anarchie! infamie!

      Siècle effroyable où nul ne veut se tenir coi!»

      Me demandant comment, me demandant pourquoi,

      Remuant tous les morts qui gisent sous la pierre,

      Citant Lambesc, Marat, Charette et Robespierre,

      Vous me dites d'un ton qui n'a plus rien d'urbain:

      «Ce gueux est libéral! ce monstre est jacobin!

      Sa voix à des chansons de carrefour s'éraille.

      Pourquoi regardes-tu par-dessus la muraille?

      Où vas-tu? d'où viens-tu? qui te rend si hardi?

      Depuis qu'on ne t'a vu, qu'as-tu fait?»

      J'ai grandi.

      Quoi! parce que je suis né dans un groupe d'hommes

      Qui ne voyaient qu'enfers, Gomorrhes et Sodomes,

      Hors des anciennes moeurs et des antiques fois;

      Quoi! parce que ma mère, en Vendée autrefois,

      Sauva dans un seul jour la vie à douze prêtres;

      Parce qu'enfant sorti de l'ombre des ancêtres,

      Je n'ai su tout d'abord que ce qu'ils m'ont appris,

      Qu'oiseau dans le passé comme en un filet pris,

      Avant de m'échapper à travers le bocage,

      J'ai dû laisser pousser mes plumes dans ma cage;

      Parce que j'ai pleuré, – j'en pleure encor, qui sait? -

      Sur ce pauvre petit nommé Louis Dix-Sept;

      Parce qu'adolescent, âme à faux jour guidée,

      J'ai trop peu vu la France et trop vu la Vendée;

      Parce que j'ai loué l'héroïsme breton,

      Chouan et non Marceau, Stofflet et non Danton,

      Que les grands paysans m'ont caché les grands hommes,

      Et que j'ai fort mal lu, d'abord, l'ère où nous sommes,

      Parce que j'ai vagi des chants de royauté,

      Suis-je à toujours rivé dans l'imbécillité?

      Dois-je crier: Arrière! à mon siècle; – à l'idée:

      Non! – à la vérité: Va-t'en, dévergondée! -

      L'arbre doit-il pour moi n'être qu'un goupillon?

      Au sein de la nature, immense tourbillon,

      Dois-je vivre, portant l'ignorance en écharpe,

      Cloîtré dans Loriquet et muré dans Laharpe!

      Dois-je exister sans être et regarder sans voir?

      Et faut-il qu'à jamais pour moi, quand vient le soir,

      Au lieu de s'étoiler le ciel se fleurdelise?

III

      Car le roi masque Dieu même dans son église,

      L'azur.

IV

      Écoutez-moi. J'ai vécu; j'ai songé.

      La vie en larmes m'a doucement corrigé.

      Vous teniez mon berceau dans vos mains, et vous fîtes

      Ma pensée et ma tête en vos rêves confites.

      Hélas! j'étais la roue et vous étiez l'essieu.

      Sur la vérité sainte, et la justice, et Dieu,

      Sur toutes les clartés que la raison nous donne,

      Par vous, par vos pareils, – et je vous le pardonne,

      Marquis, – j'avais été tout de travers placé.

      J'étais en porte-à-faux, je me suis redressé.

      La pensée est le droit sévère de la vie.

      Dieu prend par la main l'homme enfant, et le convie

      A la classe qu'au fond des champs, au sein des bois,

      Il fait dans l'ombre à tous les êtres à la fois.

      J'ai pensé. J'ai rêvé près des flots, dans les herbes,

      Et les premiers courroux de mes odes imberbes

      Sont d'eux-mêmes en marchant tombés derrière moi.

      La nature devient ma joie et mon effroi;

      Oui, dans le même temps où vous faussiez ma lyre,

      Marquis, je m'échappais et j'apprenais à lire

      Dans cet hiéroglyphe énorme: l'univers.

      Oui, j'allais feuilleter les champs tout grands ouverts;

      Tout enfant, j'essayais d'épeler cette bible

      Où se mêle, éperdu, le charmant au terrible:

      Livre écrit dans l'azur, sur l'onde et le chemin,

      Avec la fleur, le vent, l'étoile; et qu'en sa main

      Tient la création au regard de statue;

      Prodigieux poëme où la foudre accentue

      La nuit, où l'océan souligne l'infini.

      Aux champs, entre les bras du grand chêne béni,

      J'étais plus fort, j'étais plus doux, j'étais plus libre;

      Je me mettais avec le monde en équilibre;

      Je tâchais de savoir, tremblant, pâle, ébloui,

      Si c'est Non que dit l'ombre à l'astre qui dit Oui;

      Je cherchais à saisir le sens des phrases sombres

      Qu'écrivaient sous mes yeux les formes et les nombres;

      J'ai vu partout grandeur, vie, amour, liberté;

      Et j'ai dit: – Texte: Dieu; contre-sens: royauté. -

      La nature est un drame avec des personnages:

      J'y vivais: j'écoutais, comme des témoignages,

      L'oiseau, le lys, l'eau vive et la nuit qui tombait.

      Puis je me suis penché sur l'homme, autre alphabet.

      Le mal m'est apparu, puissant, joyeux, robuste,

      Triomphant; je n'avais qu'une soif: être juste;

      Comme on arrête un gueux volant sur le chemin,

      Justicier indigné, j'ai pris le coeur humain

      Au collet, et j'ai dit: Pourquoi le fiel, l'envie,

      La


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