Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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qu’elle vit partir sans regret ; elle en faisait peu d’usage, et son mari avait une belle bibliothèque, où il permit à ses sœurs de prendre quelques ouvrages favoris qui leur manquaient : ce fut tout ce qu’elles eurent de lui, avec une légère invitation de différer leur départ autant que cela leur conviendrait. J’ai promis à mon père, dit-il avec quelque embarras, de vous aider dans toutes les occasions, et je veux tenir ma promesse ; ainsi vous pouvez rester chez moi jusqu’à ce que tout soit prêt à Barton pour vous recevoir. Alors seulement madame Dashwood comprit qu’elle n’avait plus rien à en attendre. Il lui offrit encore de lui acheter (très-bon marché) les chevaux et le carosse que son mari lui avait laissés et qui, dit-il, ne seraient plus à son usage, puisque sans doute elle n’aurait point d’équipage. Madame Dashwood aurait voulu pouvoir lui dire qu’à son âge elle pouvait encore moins s’en passer, et qu’elle voulait l’emmener ; mais la prudente Elinor lui fit sentir qu’un équipage consumerait la moitié au moins de leur revenu, et ne convenait guère dans une simple petite demeure. Elle céda, ainsi que pour le nombre de leurs domestiques, qui fut fixé à trois femmes et un valet-de-chambre, qu’elles choisirent parmi leurs anciens serviteurs, qui tous auraient voulu les suivre. Le laquais et une des femmes furent envoyés avec les effets pour préparer la maison à recevoir leur maîtresse.

      Comme lady Middleton était entièrement inconnue à madame Dashwood, elle préféra d’aller directement s’établir à la chaumière, plutôt que d’être en visite au château de Barton-Parke. Il lui tardait à présent d’être chez elle ; elle ne voulait plus avoir d’obligation à personne pour son entretien ; elle se voyait en perspective heureuse, tranquille, n’entendant plus aucun propos désagréable, et ne regrettait plus aucune de ces jouissances de luxe. Comment aurait-elle envié quelque chose à son beau-fils, il ne cessait de se plaindre des dépenses excessives que lui coûtait à présent l’entretien d’une grande maison, d’un nombreux domestique : un homme riche, répétait-il, est condamné d’avoir sans cesse sa bourse à la main, et c’est très-désagréable. Pauvre John ! disait madame Dashwood, il semble avoir bien plus d’envie d’augmenter son argent que d’en donner.

      Le jour de leur départ arriva enfin, et quoique bien aise à quelques égards de s’éloigner de Norland, bien des larmes furent versées en le quittant. Cher, cher Norland, disait Maria en se promenant seule la veille de son départ sur le boulingrin devant la maison, demeure si long-temps celle du bonheur quand cesserai-je de vous regretter ? quand apprendrai-je à me trouver bien ailleurs ? Hélas ! mes pieds ne fouleront plus ce gazon, mes yeux ne verront plus cette contrée où j’étais autrefois si heureuse ! Et vous beaux arbres, je ne verrai plus le balancement de votre feuillage, je ne me reposerai plus sous votre bienfaisant ombrage : je pars, je vous quitte, et ici tout restera de même, aucune feuille ne séchera par mon absence, aucun oiseau n’interrompra son chant ; que vous importe qui vous voie, qui vous entende. Désormais personne, non personne au monde ne vous verra, ne vous entendra avec autant de plaisir que moi. Ainsi Maria excitait elle-même sa sensibilité et son chagrin, et versait des larmes amères sur tout ce qu’elle laissait, pendant qu’Elinor, qui regrettait bien autre chose que des arbres et des oiseaux, s’efforçait de surmonter, ou du moins de cacher ses regrets pour ne pas affliger sa mère.

      CHAPITRE VI.

       Table des matières

      La première partie de leur voyage se passa dans une disposition mélancolique qui leur convenait trop bien pour être un sentiment pénible ; mais en avançant dans la contrée qu’elles devaient habiter, un intérêt, une curiosité bien naturelle surmonta leur tristesse, et la vue de la charmante vallée de Barton, la changea presque en gaîté. C’est un pays cultivé, agréable, bien boisé, et riche en beaux pâturages. Après l’avoir traversé pendant un mille, elles arrivèrent à leur maison : une petite cour gazonnée la séparait du chemin ; une jolie porte à clair-voie en fermait l’entrée. La maison, à laquelle sir Georges avait donné le nom trop modeste de Chaumière, n’était ni grande ni ornée, mais commode et bien arrangée ; le bâtiment régulier, le toît point couvert en chaume, mais en belle ardoise ; les contrevents n’étaient pas peints en vert, ni les murailles couvertes de chèvrefeuille ; elle avait plutôt l’air d’une jolie ferme ou petite maison de campagne. Une allée au rez-de-chaussée traversait la maison, et conduisait de la cour au jardin. De chaque côté de l’entrée il y avait deux chambres environ de seize pieds en carré, et derrière se trouvaient la cuisine et les escaliers ; quatre chambres à coucher et deux cabinets dans le haut formaient le reste de la maison : elle était bâtie depuis peu d’années, et très-propre. En comparaison de l’immense château de Norland, c’était sans doute une chétive demeure ; mais si ce souvenir fit couler quelques larmes, elles furent bientôt séchées. En entrant dans la maison, chacune d’elles s’efforça de paraître heureuse et contente, et bientôt elles le furent en effet ; la joie avec laquelle leurs bons domestiques les reçurent, en les félicitant de leur heureuse arrivée dans cette jolie habitation, dont ils étaient enchantés, se communiqua à leur cœur. Au grand château de Norland ils étaient confondus dans le nombre des serviteurs ; dans cette petite maison, plus rapprochés de leurs maîtresses, ils devenaient presque des amis. La saison aussi contribuait à égayer leur établissement, on était au commencement de septembre, le temps était beau et serein, ce qui n’est point indiffèrent. Un beau jour, un ciel pur et sans nuage répandent un charme de plus sur les objets qu’on voit pour la première fois ; on reçoit d’abord une impression favorable qui ne s’efface plus dans la suite.

      La situation de la maison était charmante, des collines s’élevaient immédiatement derrière et la garantissaient du vent du nord ; des deux côtés s’étendaient des plaines, les unes ouvertes et cultivées, d’autres boisées. Le beau village de Barton était situé sur une de ces collines, et faisait une vue très agréable des fenêtres de la maison ; au devant elle était plus étendue et commandait la vallée entière, et même la contrée adjacente. Les collines rapprochées de la chaumière terminaient le vallon dans cette direction ; mais sous un autre nom il s’étendait au-delà et se laissait apercevoir entre les deux pentes des collines les plus escarpées, ce qui formait en face de la chaumière un point de vue enchanteur.

      Madame Dashwood fut d’abord très satisfaite de la maison sous tous les rapports ; ce qui manquait même à quelqu’un accoutumé à plus de grandeur et d’élégance, était pour elle une source de jouissances. Un de ses plus grands plaisirs était d’augmenter et d’embellir ses demeures ; comme dans ce moment elle venait de vendre son équipage et quelques meubles de trop, elle avait de l’argent tout prêt pour suppléer à ce qui pouvait manquer aux appartemens. Pour la maison elle-même (disait-elle) il est sûr qu’elle est trop petite pour notre famille ; mais nous tâcherons de nous y arranger pour le moment ; la saison est trop avancée pour rien entreprendre. Mais si j’ai assez d’argent au printemps, et j’ose répondre que j’en aurai, nous pourrons alors penser à bâtir : ces chambres ne sont, ni l’une ni l’autre, assez grandes pour y rassembler tous les amis qui viendront chez moi, comme je l’espère ; mais j’ai dans l’esprit de réunir ce passage, et même une partie de l’une des chambres avec l’autre, pour avoir un joli salon. Le reste servira d’antichambre en ajoutant une aîle à la maison ; on aurait de plus dans le bas un petit salon lorsqu’on n’est qu’en famille : au-dessus une chambre à coucher, une de domestique dans la mansarde, et nous aurons alors une charmante petite maison. Il serait à souhaiter aussi que l’escalier fût plus beau, mais on ne peut pas tout avoir, quoique je suppose qu’il ne serait pas difficile de l’élargir. Enfin nous verrons ce que j’aurai devant moi au printemps, et je m’arrangerai en conséquence pour mon plan.

      En attendant que ces réparations pussent se faire, sur un revenu de cinq cents pièces par une femme qui n’en avait jamais économisé une en sa vie, elles furent assez sages pour se contenter de la maison telle qu’elle était. Elinor laissa sa mère s’amuser de ses projets, et, sans la contredire, se promit bien qu’ils ne seraient pas exécutés. Chacune d’elles se mit à s’arranger de son mieux ; leurs livres et leurs jolis meubles


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