Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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contente, si heureuse, si amicale, qu’on était d’abord avec elle aussi à son aise qu’avec une ancienne connaissance ; sa manière était un peu commune, et contrastait plaisamment avec celle de sa fille. Elle se mit d’abord sur le ton de la plaisanterie avec les jeunes Dashwood ; elle leur parla d’amour, de mariage, leur demanda si elles avaient laissé leur cœur à Sussex, et prétendait les avoir vues rougir.

      Maria souffrait pour sa sœur, et la regardait de manière à l’embarrasser beaucoup plus que les railleries de madame Jennings.

      Le colonel Brandon, l’ami de sir Georges, ne lui ressemblait pas plus que lady Middleton ne ressemblait à sa mère. Il était grave et silencieux ; sa figure n’avait rien de déplaisant, malgré l’opinion de Maria, qui lui trouvait, disait-elle, toute la mine d’un vieux célibataire ; il n’avait cependant que trente-cinq ans, mais c’est être vieux en effet pour une fille de dix-huit ans. D’ailleurs le soleil de l’Inde, où il avait séjourné long-temps et fait la guerre, avait bruni son teint, ce qui avec sa gravité lui donnait l’air plus âgé. Mais sans être beau, sa physionomie avait quelque chose de sensible, qui le rendait intéressant, et toute sa manière avait de la noblesse. Il plut beaucoup à Elinor, quoiqu’il fît peu d’attention à elle, et qu’il regardât souvent Maria, dont la figure était en effet plus frappante. Il parla fort peu, mais son silence même et sa gravité étaient plus agréables aux dames Dashwood, que les plaisanteries un peu trop familières de madame Jennings, la joie un peu trop bruyante de son gendre, et la froide insipidité de lady Middleton, qui n’était occupée que du service de sa table. Ses idées prirent un instant un autre cours par l’entrée bruyante de ses quatre enfans, qui se jetèrent tous à-la-fois sur elle, déchirèrent sa robe, se disputèrent, pleurèrent, firent un tapage affreux, et occupèrent à eux seuls la compagnie pendant le temps qu’ils en firent partie. À défaut d’autres amusemens, leur père joua avec eux, et l’on n’eut un peu de repos que lorsque l’heure de leur coucher arriva.

      Dans la soirée on découvrit que Maria était musicienne et on la pria de se mettre au piano ; l’instrument fut ouvert, et chacun l’entoura en préparant d’avance ses éloges. On la pria de chanter, ce qu’elle fit très-bien, et à la requête de sir Georges, elle chanta à livre ouvert un épithalame dont on avait composé la musique et les paroles pour son mariage, et qui depuis lors était resté dans la même position sur le piano. Lady Middleton raconta que le jour de ses noces, elle avait donné un beau concert très bien exécuté ; sa mère ajouta qu’elle avait beaucoup de talent, et que c’était grand dommage qu’elle l’eût négligé. Lady Middleton répondit d’un ton glacé, qu’elle aimait la musique avec passion, mais qu’une maîtresse de maison, une mère de famille, n’avait plus un seul moment à y donner.

      Le jeu de Maria fut extrêmement applaudi, mais sir Georges exprimait son admiration si haut et frappait si fort des mains, même pendant le chant, qu’à peine on pouvait l’entendre. Lady Middleton lui imposait silence, s’étonnait qu’on pût dire un mot quand on entendait une musique aussi délicieuse qui captivait toute son attention et demandait ensuite à Maria un air qu’elle venait de finir, sans que lady Middleton l’eût remarqué. Madame Jennings aussi fut très-vive dans ses applaudissemens ; mais on voyait que sans s’y entendre du tout elle était vraiment amusée et contente et qu’elle voulait encourager la jeune musicienne. Le colonel Brandon seul fit peu d’éloges, mais il avait l’air ému et touché. Maria le remarqua au son de sa voix, lorsqu’il lui fit un léger compliment, et lui en sut plus de gré que s’il avait exprimé, comme les autres, un ravissement exagéré et sans goût ni connaissance de l’art. Elle vit qu’il aimait réellement la musique pour la musique elle-même, et s’il n’y mettait pas l’enthousiasme qui pouvait répondre au sien, elle n’en accusa que son âge. Il sent encore, disait-elle à sa sœur, le charme d’une bonne musique, mais il n’en est plus transporté comme on l’est dans la jeunesse ; et c’est tout simple, on se calme avec les années, et moi-même si j’arrive une fois à trente cinq ans, je deviendrai peut-être plus raisonnable, mais il y a encore bien du temps jusqu’à ce que j’aie atteint et l’âge et la froideur du bon colonel Brandon.

      CHAPITRE VIII.

       Table des matières

      Madame Jennings était veuve d’un homme qui avait fait une grande fortune dans le commerce ; elle en avait eu un ample douaire, et deux filles riches et jolies, qui furent bientôt mariées. Elle venait de marier la cadette depuis quelques mois, et n’avait plus rien à faire que de marier le reste du monde : car selon elle, il n’y avait de bonheur sur la terre que dans un bon mariage. D’après cette opinion, et la bonté de son cœur, elle n’était occupée qu’à projeter des noces entre les jeunes gens de sa connaissance ; elle y mettait un zèle et une activité extrêmes, et faisait tout ce qui dépendait d’elle, pour amener, disait-elle, les choses à bien. Elle avait une habileté remarquable pour découvrir les attachemens réciproques, même avant ceux qui devaient les éprouver ; elle avait plus d’une fois pris la rougeur de la vanité pour celle de l’amour, en disant à l’oreille d’une jeune personne, que monsieur un tel, avait une ardente passion pour elle, qu’elle en était sûre, etc., etc. Le jour même de son arrivée, en suivant les regards du colonel Brandon, et en l’examinant pendant que Maria chantait, elle eut le prompt discernement de découvrir qu’il en était passionnément amoureux. Le second jour la confirma dans cette idée. Il ne lui parlait point et la regardait souvent ; signe certain d’amour : il ne louait pas son chant, mais il écoutait avec attention ; signe d’amour. Une fois elle avait entendu un soupir étouffé, elle en était sûre, et alors il n’y eut plus le moindre doute. Ce sera, dit-elle, un charmant mariage des deux côtés, car il est riche et elle est belle. Depuis que madame Jennings avait appris à connaître le colonel chez son gendre, elle avait un vif désir de le marier, et dès qu’elle voyait une jeune fille, elle avait envie de lui procurer un bon mari. Elle trouvait ici une double jouissance, pour elle-même dans le plaisir de railler le colonel quand il était au Park, et Maria quand elle allait à la chaumière. Le colonel répondait peu de chose, peut-être était-il flatté, peut-être indifférent ; mais Maria ne comprit pas d’abord ce que madame Jennings voulait dire, et quand enfin cette dernière se fut expliquée plus clairement, elle ne savait si elle devait rire de cette absurdité ou se mettre en colère de ce qui lui paraissait une impertinence, non pas pour elle ; il lui était assez égal d’avoir fait ou non la conquête du vieux colonel : mais elle trouvait mauvais qu’on ne respectât pas son âge, et croyait que les railleries de madame Jennings ne pouvaient porter que sur lui. Ce n’est peut-être pas la faute de ce bon colonel s’il n’est pas marié, disait-elle à sa mère et à sa sœur, et c’est bien mal à madame Jennings de se moquer ainsi de lui.

      Madame Dashwood qui n’avait que cinq ans de plus que le colonel, ne le trouvait pas aussi vieux qu’il le paraissait à la jeune imagination de sa fille ; elle voulut justifier au moins madame Jennings de l’intention de jeter du ridicule sur son âge.

      — Mais au moins, maman, dit Maria, vous ne pouvez nier l’absurdité de cette accusation, et si ce n’est pas méchanceté, c’est du moins profonde bêtise. Le colonel Brandon est peut-être un peu moins âgé que madame Jennings, mais il est assez vieux pour être mon père ; et même en supposant qu’un homme puisse encore être amoureux à son âge, ce n’est du moins pas le colonel qui a l’air si grave, si sérieux, et qui sent déjà les infirmités de la vieillesse.

      — Les infirmités ! s’écria Elinor ! où prenez-vous cela, Maria ? le colonel Brandon infirme ! Je peux aisément supposer qu’il vous paraisse plus vieux qu’à ma mère, mais non pas que vous le trouviez infirme ; il a l’air de la meilleure santé.

      — Ne l’avez-vous pas entendu se plaindre hier de rhumatisme ? N’est-ce pas la maladie la plus commune aux vieillards ? N’a-t-il pas dit qu’il voulait mettre une veste de flanelle ? et la flanelle ne vous présente-t-elle pas l’idée de la vieillesse et de tous les maux qui en sont la suite ? Pour moi, je le vois d’abord avec la veste de flanelle, la


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