Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

Читать онлайн книгу.

Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


Скачать книгу
et mélancolique par momens lorsqu’elle se laissait aller à ses pensées. Pour s’en distraire elle exécuta avec courage le plan qu’elle s’était tracé d’études et de lectures suivies, où souvent elle associait sa jeune sœur ; elle fit aussi les longues promenades qu’elle avait méditées, mais avec une de ses sœurs, et ne cherchant plus la solitude. Elles rencontrèrent plusieurs fois, dans leurs excursions, la parente et future héritière de madame Smith, qui se promenait de son côté en cherchant des fleurs pour un herbier. La botanique était une des études que Maria avait commencées, et à laquelle elle se livrait avec la vivacité qu’elle mettait à tout. Ce même but dans leurs courses les rapprocha ; elles se parlèrent ; et mesdemoiselles Dashwood trouvèrent qu’elle méritait tous les éloges que le vicaire en avait faits à leur mère ; elle était jeune et jolie, ou plutôt très-agréable. Elle était simple, modeste, timide, mais lorsqu’elle fut familiarisée avec ses nouvelles connaissances, elle parla bien et avec un son de voix très-doux. Elles auraient voulu l’engager à venir à la chaumière ; mais elle ne quittait madame Smith que pour des quarts d’heures pendant son sommeil, et leurs rencontres même furent toujours assez courtes. Maria qui lui avait parlé avec un peu de peine la première fois, en était à présent enchantée. Je n’aurais jamais cru, disait-elle à Elinor, me plaire autant avec quelqu’un qui me parle d’Altenham, et qui demeure avec madame Smith. Mais du moins elle ne lui parlait pas de Willoughby, et c’était assez naturel.

      Elinor commençait à s’impatienter de ne rien savoir d’Edward. Elle n’en avait pas entendu parler depuis qu’elle avait quitté Londres ; elle ignorait s’il était consacré, s’il était marié. Ni madame Jennings, ni son frère à qui elle écrivait quelquefois, ne lui en parlaient. Seulement, dans la première lettre qu’elle avait reçue de madame Dashwood, il y avait celle phrase : « Nous ne savons rien de notre infortuné Edward, et nous ne pouvons faire aucune enquête sur un sujet prohibé dans notre famille ; mais de ce silence même nous concluons qu’il est encore à Oxford. » Voilà tout ce qu’elle en avait appris dans cette correspondance, rendue plus fréquente par la maladie de Maria. Dans les autres lettres, le nom même d’Edward ne se trouvait pas. Elle était donc à cet égard condamnée à une complète ignorance.

      Thomas, leur domestique, fut envoyé un matin à Exceter pour des commissions ; il revint au moment du dîner, et tout en le servant il rendait compte à ses maîtresses des affaires dont il avait été chargé. Quand il eut fini il dit encore : Je suppose que vous savez, mesdames, que M. Ferrars est marié avec la plus jeune des demoiselles Stéeles, mademoiselle Lucy.

      Maria tressaillit et tourna les yeux sur Elinor qui pâlissait excessivement. Dieu ! ma sœur, s’écria Maria, et en disant cela, elle tomba elle-même sur le dossier de sa chaise, avec un violent tremblement nerveux. Mme Dashwood, dont le regard s’était aussi porté sur Elinor, et qui l’avait vue pâlir, eut encore l’effroi de l’état de Maria, et ne savait à laquelle de ses filles aller. Maria cependant demandait des secours plus pressans. La tremblante Elinor se leva pour les donner, mais elle fut obligée de se rasseoir. Thomas sonna la femme de chambre, qui, avec l’aide de madame Dashwood et d’Emma, conduisit Maria dans sa chambre. Elle fut bientôt mieux ; et sa mère la laissant aux soins d’Emma, revint auprès d’Elinor. Quoique très-troublée encore, cette dernière avait repris un peu de son courage et commençait à questionner Thomas. Sa mère s’en chargea pour elle ; et elle en fut bien aise : sa voix n’était pas encore très-rassurée.

      — Qui vous a dit que M. Ferrars était marié, Thomas ? demanda madame Dashwood.

      — J’ai vu M. Ferrars moi-même, madame, ce matin à Exceter et sa dame aussi ; ils étaient ensemble dans une chaise de poste arrêtée devant la nouvelle auberge de Londres. J’étais allé là pour faire un message de Sally à son frère, qui est un des postillons. Je regardai par hasard dans cette chaise et je reconnus à l’instant mademoiselle Lucy Stéeles. Elle me regardait aussi : j’ôtai bien vite mon chapeau. Elle m’a reconnu et m’a appelé, et s’est informée de vous, madame, et de vos jeunes demoiselles, principalement de mademoiselle Maria. Elle m’a chargé de vous faire ses complimens à toutes les trois et ceux de M. Ferrars, et de vous dire combien ils étaient fâchés de n’avoir pas le temps de vous voir, mais qu’ils étaient très-pressés d’aller plus loin…je ne sais où…… qu’ils y resteraient quelque temps ; mais qu’à leur retour ils viendraient bien sûrement vous visiter.

      — Mais vous a-t-elle dit qu’elle était mariée, Thomas ?

      — Oui, madame ; et comme je la nommais miss Stéeles, elle sourit et me dit qu’elle avait changé de nom depuis que je ne l’avais vue. Madame sait bien comme elle est toujours affable, celle jeune dame, comme elle parle à tout le monde, même aux domestiques ! Elle n’est pas fière du tout, quoiqu’elle soit très-belle, et pas plus depuis qu’elle est madame Ferrars que lorsqu’elle était miss Stéeles.

      — Et son mari était dans la chaise avec elle, dites-vous ?

      — Oui, madame, je l’ai vu appuyé comme cela sur la portière ; mais il ne m’a rien dit. Il n’est pas comme sa femme ; il n’aime pas à causer, comme madame sait.

      Le cœur d’Elinor pouvait aisément comprendre qu’Edward n’eût rien à dire à Thomas ; et madame Dashwood donna la même explication à son silence.

      — Est-ce qu’il n’y avait personne autre dans la chaise ?

      — Non, madame ; seulement eux deux.

      — Savez-vous d’où ils venaient ?

      — Ils venaient de Londres, à ce que miss Lucy… madame Ferrars, veux je dire, m’a fait l’honneur de m’apprendre. Elle m’a dit aussi où ils allaient ; mais je ne puis me le rappeler… à… à… ; ce nom m’est échappé. Mais ils n’y resteront pas long-temps. Elle m’a bien promis… m’a ordonné de vous promettre de sa part, et de celle de son mari ; qu’ils vous verraient bientôt.

      Madame Dashwood regarda sa fille avec anxiété ; elle l’a trouva plus calme qu’elle ne l’espérait. Elinor souriait, mais avec un peu d’amertume ; elle reconnut Lucy toute entière à ce message, car elle était bien sûre qu’Edward ne pouvait désirer de la voir. Ils vont sans doute chez leur oncle Pratt, près de Plymouth, dit-elle à voix basse à sa mère, et bien sûrement ils ne viendront point ici.

      Thomas semblait avoir tout dit, et cependant Elinor avait l’air de désirer encore quelque chose. Le cœur de madame Dashwood la devina.

      — Les avez-vous vus partir ? demanda-telle encore.

      — Non, madame ; j’ai seulement vu arriver les chevaux de poste ; mais je craignais d’arriver trop tard pour servir à table, et je ne me suis pas arrêté plus long-temps.

      — M. Ferrars avait-il l’air bien portant ?

      — Oui, madame, comme à l’ordinaire. Je ne l’ai pas, il est vrai, beaucoup regardé ; mais madame Ferrars est à merveille ; c’est une très-jeune et très-belle dame ! Elle avait un chapeau noir tout garni de plumes, et un bel habit de voyage qui lui allait très-bien. Ah ! qu’elle a l’air heureux et content d’être mariée celle-là !

      Madame Dashwood ne demanda plus rien. Thomas avait desservi la table. Maria avait fait dire qu’elle ne voulait plus rien. Elinor n’avait pas plus d’envie de manger ; et le dîner retourna à l’office sans qu’on y eût touché. Emma elle-même, malgré l’appétit de quatorze ans, était trop inquiète de ses sœurs pour s’occuper du dîner. Elle aimait tendrement Maria, et préféra rester auprès d’elle. Madame Dashwood leur envoya un peu de dessert et de vin, et resta seule avec Elinor. Elles furent assez long-temps en silence, occupées des mêmes pensées. Madame Dashwood craignait de hasarder une remarque, ou d’offrir une consolation. Malgré l’empire que sa fille aînée avait sur elle-même, et qu’elle tâchait d’exercer dans ce moment autant qu’il lui était possible, il était facile à sa mère de s’apercevoir qu’elle souffrait beaucoup. Elle vit alors que cette intéressante jeune personne s’était efforcée, en parlant de son chagrin, d’en


Скачать книгу