Orgueil et Préjugés (Edition bilingue: français-anglais). Джейн ОÑтин
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Charlotte n’avait pas eu le temps de répondre qu’elles étaient rejointes par Kitty, pressée de lui annoncer la même nouvelle. Enfin, dans la salle à manger, Mrs. Bennet, qu’elles y trouvèrent seule, reprit le même sujet et réclama l’aide de miss Lucas en la priant d’user de son influence pour décider son amie à se plier aux vœux de tous les siens.
– Je vous en prie, chère miss Lucas, dit-elle d’une voix plaintive, faites cela pour moi ! Personne n’est de mon côté, personne ne me soutient, personne n’a pitié de mes pauvres nerfs.
L’entrée de Jane et d’Elizabeth dispensa Charlotte de répondre.
– Et justement la voici, poursuivit Mrs. Bennet, aussi tranquille, aussi indifférente que s’il s’agissait du shah de Perse ! Tout lui est égal, pourvu qu’elle puisse faire ses volontés. Mais, prenez garde, miss Lizzy, si vous vous entêtez à repousser toutes les demandes qui vous sont adressées, vous finirez par rester vieille fille et je ne sais pas qui vous fera vivre lorsque votre père ne sera plus là. Ce n’est pas moi qui le pourrai, je vous en avertis. Je vous ai dit tout à l’heure, dans la bibliothèque, que je ne vous parlerais plus ; vous verrez si je ne tiens point parole. Je n’ai aucun plaisir à causer avec une fille si peu soumise. Non que j’en aie beaucoup à causer avec personne ; les gens qui souffrent de malaises nerveux comme moi n’ont jamais grand goût pour la conversation. Personne ne sait ce que j’endure ! Mais c’est toujours la même chose, on ne plaint jamais ceux qui ne se plaignent pas eux-mêmes.
Ses filles écoutaient en silence cette litanie, sachant que tout effort pour raisonner leur mère ou pour la calmer ne ferait que l’irriter davantage. Enfin les lamentations de Mrs. Bennet furent interrompues par l’arrivée de Mr. Collins qui entrait avec un air plus solennel encore que d’habitude.
Sur un signe, les jeunes filles quittèrent la pièce et Mrs. Bennet commença d’une voix douloureuse :
– Mon cher Mr. Collins...
– Ma chère madame, interrompit celui-ci, ne parlons plus de cette affaire. Je suis bien loin, continua-t-il d’une voix où perçait le mécontentement, de garder rancune à votre fille. La résignation à ce qu’on ne peut empêcher est un devoir pour tous, et plus spécialement pour un homme qui a fait choix de l’état ecclésiastique. Ce devoir, je m’y soumets d’autant plus aisément qu’un doute m’est venu sur le bonheur qui m’attendait si ma belle cousine m’avait fait l’honneur de m’accorder sa main. Et j’ai souvent remarqué que la résignation n’est jamais si parfaite que lorsque la faveur refusée commence à perdre à nos yeux quelque chose de sa valeur. J’espère que vous ne considérerez pas comme un manque de respect envers vous que je retire mes prétentions aux bonnes grâces de votre fille sans vous avoir sollicités, vous et Mr. Bennet, d’user de votre autorité en ma faveur. Peut-être ai-je eu tort d’accepter un refus définitif de la bouche de votre fille plutôt que de la vôtre, mais nous sommes tous sujets à nous tromper. J’avais les meilleures intentions : mon unique objet était de m’assurer une compagne aimable, tout en servant les intérêts de votre famille. Cependant, si vous voyez dans ma conduite quelque chose de répréhensible, je suis tout prêt à m’en excuser.
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XXI
La discussion provoquée par la demande de Mr. Collins était maintenant close. Elizabeth en gardait seulement un souvenir pénible et devait encore supporter de temps à autre les aigres allusions de sa mère. Quant au soupirant malheureux, ses sentiments ne s’exprimaient point par de l’embarras ou de la tristesse, mais par une attitude raide et un silence plein de ressentiment. C’est à peine s’il s’adressait à Elizabeth, et les attentions dont il la comblait auparavant se reportèrent sur miss Lucas dont la complaisance à écouter ses discours fut un soulagement pour tout le monde et en particulier pour Elizabeth.
Le lendemain, la santé et l’humeur de Mrs. Bennet ne présentaient aucune amélioration et Mr. Collins, de son côté, continuait à personnifier l’orgueil blessé. Elizabeth s’était flattée de l’espoir que son mécontentement le déciderait à abréger son séjour, mais ses plans n’en paraissaient nullement affectés ; il s’était toujours proposé de rester jusqu’au samedi et n’entendait pas s’en aller un jour plus tôt.
Après le déjeuner les jeunes filles se rendirent à Meryton pour savoir si Mr. Wickham était de retour. Comme elles entraient dans la ville, elles le rencontrèrent lui-même et il les accompagna jusque chez leur tante où son regret d’avoir manqué le bal de Netherfield et la déception que tout le monde en avait éprouvée, furent l’objet de longs commentaires. À Elizabeth pourtant, il ne fit aucune difficulté pour avouer que son absence avait été volontaire.
– À mesure que la date du bal se rapprochait, dit-il, j’avais l’impression de plus en plus nette que je ferais mieux d’éviter une rencontre avec Mr. Darcy. Me trouver avec lui dans la même salle, dans la même société pendant plusieurs heures, était peut-être plus que je ne pouvais supporter ; il aurait pu en résulter des incidents aussi désagréables pour les autres que pour moi-même.
Elizabeth approuva pleinement son abstention. Ils eurent tout le loisir de s’étendre sur ce sujet, car Wickham et un de ses camarades reconduisirent les jeunes filles jusqu’à Longbourn et, pendant le trajet, il s’entretint surtout avec Elizabeth. Touchée d’un empressement aussi flatteur, elle profita de l’occasion pour le présenter à ses parents.
Peu après leur retour, un pli apporté de Netherfield fut remis à Jane qui l’ouvrit aussitôt. L’enveloppe contenait une feuille d’un charmant papier satiné couverte d’une écriture féminine élégante et déliée. Elizabeth vit que sa sœur changeait de couleur en lisant et qu’elle s’arrêtait spécialement à certains passages de la lettre. Jane, d’ailleurs, reprit vite son sang-froid et se joignit à la conversation générale avec son entrain habituel. Mais, dès que Wickham et son compagnon furent partis, elle fit signe à Elizabeth de la suivre dans leur chambre. À peine y étaient-elles qu’elle dit en lui tendant la lettre :
– C’est de Caroline Bingley, et la nouvelle qu’elle m’apporte n’est pas sans me surprendre. À l’heure qu’il est ils ont tous quitté Netherfield et sont en route pour Londres, sans idée de retour. Écoutez plutôt.
Elle lut la première phrase qui annonçait la résolution de ces dames de rejoindre leur frère et de dîner ce même soir à Grosvenor Street, où les Hurst avaient leur maison. La lettre continuait ainsi : « Nous ne regretterons pas grand-chose du Hertfordshire, à part votre société, chère amie. Espérons cependant que l’avenir nous réserve l’occasion de renouer nos si agréables relations et, qu’en attendant, nous adoucirons l’amertume de l’éloignement par une correspondance fréquente et pleine d’abandon. »
Cette grande tendresse laissa Elizabeth très froide. Bien que la soudaineté de ce départ la surprît, elle n’y voyait rien qui valût la peine de s’en affliger. Le fait que ces dames n’étaient plus à Netherfield n’empêcherait vraisemblablement point Mr. Bingley d’y revenir et sa présence, Elizabeth en était persuadée, aurait vite consolé Jane de l’absence de ses sœurs.
– C’est dommage, dit-elle après un court silence, que vous n’ayez pu les revoir avant leur départ ; cependant il nous est peut-être permis d’espérer que l’occasion de vous retrouver se présentera plus tôt que miss Bingley ne le prévoit. Qui sait si ces rapports d’amitié qu’elle a trouvés si agréables ne se renoueront pas plus intimes encore ?... Mr. Bingley ne se laissera pas retenir longtemps à Londres.
– Caroline déclare nettement qu’aucun d’eux ne reviendra à Netherfield de tout l’hiver. Voici ce qu’elle dit : « Quand mon frère nous a quittés hier, il pensait pouvoir