LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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et où ses complices devaient lui téléphoner.

      Dès son arrivée à Paris, Beautrelet prit toutes les précautions nécessaires pour n’être pas suivi. Il sentait que l’heure était grave. Il marchait sur la bonne route qui le conduisait vers son père ; une imprudence pouvait tout gâter.

      Il entra chez un de ses camarades de lycée et en sortit, une heure après, méconnaissable. C’était un Anglais d’une trentaine d’années, habillé d’un complet marron à grands carreaux, culotte courte, bas de laine, casquette de voyage, la figure colorée et un petit collier de barbe rousse.

      Il enfourcha une bicyclette à laquelle était accroché tout un attirail de peintre et fila vers la gare d’Austerlitz.

      Le soir, il couchait à Issoudun. Le lendemain, dès l’aube, il sautait en machine. À sept heures, il se présentait au bureau de poste de Châteauroux et demandait la communication avec Paris. Obligé d’attendre, il liait conversation avec l’employé et apprenait que l’avant-veille, à pareille heure, un individu, en costume d’automobiliste, avait également demandé la communication avec Paris.

      La preuve était faite. Il n’attendit pas davantage.

      L’après-midi, il savait, par des témoignages irrécusables, qu’une limousine, suivant la route de Tours, avait traversé le bourg de Buzançais, puis la ville de Châteauroux et s’était arrêtée au-delà de la ville, sur la lisière de la forêt. Vers dix heures, un cabriolet, conduit par un individu, avait stationné auprès de la limousine, puis s’était éloigné vers le sud par la vallée de la Bouzanne. À ce moment, une autre personne se trouvait aux côtés du conducteur. Quant à l’automobile, prenant le chemin opposé, elle s’était dirigée vers le nord, vers Issoudun.

      Isidore découvrit aisément le propriétaire du cabriolet. Mais ce propriétaire ne put rien dire. Il avait loué sa voiture et son cheval à un individu qui les avait ramenés lui-même le lendemain.

      Enfin, le soir même, Isidore constatait que l’automobile n’avait fait que traverser Issoudun, continuant sa route vers Orléans, c’est-à-dire vers Paris.

      De tout cela, il résultait, de la façon la plus absolue, que le père Beautrelet se trouvait aux environs. Sinon, comment admettre que des gens fissent près de cinq cents kilomètres à travers la France pour venir téléphoner à Châteauroux et remonter ensuite, à angle aigu, sur le chemin de Paris ? Cette formidable randonnée avait un but précis : transporter le père Beautrelet à l’endroit qui lui était assigné. « Et cet endroit est à portée de ma main, se disait Isidore en frissonnant d’espoir. À dix lieues, à quinze lieues d’ici, mon père attend que je le secoure. Il est là. Il respire le même air que moi. »

      Tout de suite, il se mit en campagne. Prenant une carte d’état-major, il la divisa en petits carrés qu’il visitait tour à tour, entrant dans les fermes, faisant causer les paysans, se rendant auprès des instituteurs, des maires, des curés, bavardant avec les femmes. Il lui semblait qu’il allait sans retard toucher au but et ses rêves s’amplifiant ce n’est plus son père qu’il espérait délivrer mais tous ceux que Lupin tenait captifs, Raymonde de Saint-Véran, Ganimard, Herlock Sholmès peut-être, et d’autres, beaucoup d’autres. Et en arrivant jusqu’à eux, il arriverait en même temps jusqu’au cœur même de la forteresse de Lupin, dans sa tanière, dans la retraite impénétrable où il entassait les trésors qu’il avait volés à l’univers.

      Mais, après quinze jours de recherches infructueuses, son enthousiasme finit par décliner, et très vite il perdit confiance. Le succès tardant à se dessiner, du jour au lendemain presque il le jugea impossible et, bien qu’il continuât à poursuivre son plan d’investigations, il eût éprouvé une véritable surprise si ses efforts eussent abouti à la moindre découverte.

      Des jours encore s’écoulèrent, monotones et découragés. Il sut par les journaux que le comte de Gesvres et sa fille avaient quitté Ambrumésy et s’étaient installés aux environs de Nice. Il sut aussi l’élargissement du sieur Harlington, dont l’innocence éclata, conformément aux indications d’Arsène Lupin.

      Il changea son quartier général, s’établissant deux jours à La Châtre, deux jours à Argenton. Même résultat.

      À ce moment, il fut près d’abandonner la partie. Évidemment le cabriolet qui avait emmené son père n’avait dû fournir qu’une étape à laquelle une autre étape, fournie par une autre voiture, avait succédé. Et son père était loin. Il songea au départ.

      Or, un lundi matin, il aperçut, sur l’enveloppe d’une lettre non affranchie qu’on lui renvoyait de Paris, il aperçut une écriture qui le bouleversa. Son émotion fut telle, durant quelques minutes, qu’il n’osait ouvrir, par peur d’une déception. Sa main tremblait. Était-ce possible ? N’y avait-il pas là un piège que lui tendait son infernal ennemi ? D’un coup il décacheta. C’était bien une lettre de son père, écrite par son père lui-même. L’écriture présentait toutes les particularités, tous les tics de l’écriture qu’il connaissait si bien. Il lut :

       Ces mots te parviendront-ils, mon cher fils ? Je n’ose le croire.

       Toute la nuit de l’enlèvement nous avons voyagé en automobile, puis le matin en voiture. Je n’ai rien pu voir. J’avais un bandeau sur les yeux. Le château où l’on me détient doit être, à en juger par sa construction et par la végétation du parc, au centre de la France. La chambre que j’occupe est au second étage, une chambre à deux fenêtres dont l’une, presque bouchée par un rideau de glycines. L’après-midi, je suis libre, à certaines heures, d’aller et venir dans ce parc, mais sous une surveillance qui ne se relâche pas.

       À tout hasard, je t’écris cette lettre et je l’attache à une pierre. Peut-être un jour pourrai-je la jeter pardessus les murs, et quelque paysan la ramassera-t-il. Ne t’inquiète pas. On me traite avec beaucoup d’égards.

       Ton vieux père qui t’aime bien et qui est triste de penser au souci qu’il te donne.

       Beautrelet.

      Aussitôt Isidore regarda les timbres de la poste. Ils portaient Cuzion (Indre). L’Indre ! Ce département qu’il s’acharnait à fouiller depuis des semaines !

      Il consulta un petit guide de poche qui ne le quittait pas. Cuzion, canton d’Eguzon… Là aussi il avait passé.

      Par prudence, il rejeta sa personnalité d’Anglais, qui commençait à être connue dans le pays, se déguisa en ouvrier, et fila sur Cuzion, village peu important, où il lui fut facile de découvrir l’expéditeur de la lettre.

      Tout de suite, d’ailleurs, la chance le servit.

      – Une lettre jetée à la poste mercredi dernier ? s’écria le maire, brave bourgeois auquel il se confia, et qui se mit à sa disposition… Écoutez, je crois que je peux vous fournir une indication précieuse… Samedi matin, un vieux rémouleur qui fait toutes les foires du département, le père Charel que j’ai croisé au bout du village, m’a demandé : « Monsieur le maire, une lettre qui n’a pas de timbre, ça part tout de même ? – Dame ! – Et ça arrive à destination ? – Parbleu, seulement il y a un supplément de taxe à payer, voilà tout. »

      – Et il habite, le père Charel ?

      – Il habite là-bas, tout seul… sur le coteau… la masure après le cimetière… Voulezvous que je vous accompagne ?

      C’était une masure isolée, au milieu d’un verger qu’entouraient de hauts arbres. Quand ils pénétrèrent, trois pies s’envolaient de la niche même, où le chien de garde était attaché. Et le chien n’aboya pas et ne bougea pas à leur approche.

      Très étonné, Beautrelet s’avança. La bête était couchée sur le flanc, les pattes raidies, morte.

      En hâte, ils coururent vers la maison.


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