LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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à dire au roi de France, à quoi ses juges répondent : Oui, nous savons de quoi il est question, et c’est pourquoi, Jeanne, vous périrez.

       – Par la vertu de l’Aiguille, jure quelquefois le bon roi Henri IV.

       Auparavant, François 1er, haranguant les notables du Havre en 1520, prononça cette phrase que nous transmet le journal d’un bourgeois d’Honfleur :

       Les rois de France portent des secrets qui règlent la conduite des choses et le sort des villes.

       Toutes ces citations, Monsieur le Directeur, tous les récits qui concernent le Masque de fer, le capitaine des gardes et son arrière-petit-fils, je les ai retrouvés aujourd’hui dans une brochure écrite précisément par cet arrière-petit-fils et publiée en juin 1815, la veille ou le lendemain de Waterloo, c’est-à-dire en une période de bouleversements où les révélations qu’elle contenait devaient passer inaperçues.

       Que vaut cette brochure ? Rien, me direz-vous, et nous ne devons lui accorder aucune créance. C’est là ma première impression ; mais quelle ne fut pas ma stupeur, en ouvrant les Commentaires de César au chapitre indiqué, d’y découvrir la phrase relevée dans la brochure ! Même constatation en ce qui concerne le traité de Saint-Clair-sur-Epte, la chronique saxonne, l’interrogatoire de Jeanne d’Arc, bref tout ce qu’il m’a été possible de vérifier jusqu’ici.

       Enfin, il est un fait plus précis encore que relate l’auteur de la brochure de 1815. Pendant la campagne de France, officier de Napoléon, il sonna un soir, son cheval ayant crevé, à la porte d’un château où il fut reçu par un vieux chevalier de Saint-Louis. Et il apprit coup sur coup en causant avec le vieillard que ce château, situé au bord de la Creuse, s’appelait le château de l’Aiguille, qu’il avait été construit et baptisé par Louis XIV, et que, sur son ordre exprès, il avait été orné de clochetons et d’une flèche qui figurait l’aiguille. Comme date il portait, il doit porter encore 1680.

       1680 ! Un an après la publication du livre et l’emprisonnement du Masque de fer. Tout s’expliquait : Louis XIV, prévoyant que le secret pouvait s’ébruiter, avait construit et baptisé ce château pour offrir aux curieux une explication naturelle de l’antique mystère. L’Aiguille creuse ? Un château à clochetons pointus, situé au bord de la Creuse et appartenant au roi. Du coup on croyait connaître le mot de l’énigme et les recherches cessaient !

       Le calcul était juste, puisque, plus de deux siècles après, M. Beautrelet est tombé dans le piège. Et c’est là, Monsieur le Directeur, que je voulais en venir en écrivant cette lettre. Si Lupin sous le nom d’Anfredi a loué à M. Valméras le château de l’Aiguille au bord de la Creuse, s’il a logé là ses deux prisonniers, c’est qu’il admettait le succès des inévitables recherches de M. Beautrelet, et que, dans le but d’obtenir la paix qu’il avait demandée, il tendait précisément à M. Beautrelet ce que nous pouvons appeler le piège historique de Louis XIV.

       Et par là nous sommes amenés à ceci, conclusion irréfutable, c’est que lui, Lupin, avec ses seules lumières, sans connaître d’autres faits que ceux que nous connaissons, est parvenu, par le sortilège d’un génie vraiment extraordinaire, à déchiffrer l’indéchiffrable document ; c’est que Lupin, dernier héritier des rois de France, connaît le mystère royal de l’Aiguille creuse.

      Là se terminait l’article. Mais depuis quelques minutes, depuis le passage concernant le château de l’Aiguille, ce n’était plus Beautrelet qui en faisait la lecture. Comprenant sa défaite, écrasé sous le poids de l’humiliation subie, il avait lâché le journal et s’était effondré sur sa chaise, le visage enfoui dans ses mains.

      Haletante et secouée d’émotion par cette incroyable histoire, la foule s’était rapprochée peu à peu et maintenant se pressait autour de lui. On attendait avec une angoisse frémissante les mots qu’il allait répondre, les objections qu’il allait soulever.

      Il ne bougea pas.

      D’un geste doux, Valméras lui décroisa les mains et releva sa tête.

      Isidore Beautrelet pleurait.

      7

       Le Traité de l’Aiguille

      Table des matières

      Il est quatre heures du matin. Isidore n’est pas rentré au lycée. Il n’y rentrera pas avant la fin de la guerre sans merci qu’il a déclarée à Lupin. Cela, il se l’est juré tout bas, pendant que ses amis l’emportaient en voiture, tout défaillant et meurtri. Serment insensé ! Guerre absurde et illogique ! Que peut-il faire, lui, enfant isolé et sans armes, contre ce phénomène d’énergie et de puissance ? Par où l’attaquer ? Il est inattaquable. Où le blesser ? Il est invulnérable. Où l’atteindre ? Il est inaccessible.

      Quatre heures du matin… Isidore a de nouveau accepté l’hospitalité de son camarade de Janson. Debout devant la cheminée de sa chambre, les coudes plantés droit sur le marbre, les deux poings au menton, il regarde son image que lui renvoie la glace.

      Il ne pleure plus, il ne veut plus pleurer, ni se tordre sur son lit, ni se désespérer, comme il le fait depuis deux heures. Il veut réfléchir, réfléchir et comprendre.

      Et ses yeux ne quittent pas ses yeux dans le miroir, comme s’il espérait doubler la force de sa pensée en contemplant son image pensive, et trouver au fond de cet être-là l’insoluble solution qu’il ne trouve pas en lui. Jusqu’à six heures il reste ainsi. Et c’est peu à peu que, dégagée de tous les détails qui la compliquent et l’obscurcissent, la question s’offre à son esprit toute sèche, toute nue, avec la rigueur d’une équation.

      Oui, il s’est trompé. Oui, son interprétation du document est fausse. Le mot « aiguille » ne vise point le château des bords de la Creuse. Et, de même, le mot « demoiselles » ne peut pas s’appliquer à Raymonde de Saint-Véran et à sa cousine, puisque le texte du document remonte à des siècles.

      Donc tout et à refaire. Comment ?

      Une seule base de documentation serait solide : le livre publié sous Louis XIV. Or, des cent exemplaires imprimés par celui qui devait être le Masque de fer, deux seulement échappèrent aux flammes. L’un fut dérobé par le capitaine des gardes et perdu. L’autre fut conservé par Louis XIV, transmis à Louis XV, et brûlé par Louis XVI. Mais il reste une copie de la page essentielle, celle qui contient la solution du problème, ou du moins la solution cryptographique, celle qui fut portée à Marie-Antoinette et glissée par elle sous la couverture de son livre d’heures.

      Qu’est devenu ce papier ? Est-ce celui que Beautrelet a tenu dans ses mains et que Lupin lui a fait reprendre par le greffier Brédoux ? Ou bien se trouve-t-il encore dans le livre d’heures de Marie-Antoinette ?

      Et la question revient à celle-ci : « Qu’est devenu le livre d’heures de la reine ? »

      Après avoir pris quelques instants de repos, Beautrelet interrogea le père de son ami, collectionneur émérite, appelé souvent comme expert à titre officieux, et que, récemment encore, le directeur d’un de nos musées consultait pour l’établissement de son catalogue.

      – Le livre d’heures de Marie-Antoinette ? s’écria-t-il, mais il fut légué par la reine à sa femme de chambre, avec mission secrète de le faire tenir au comte de Fersen. Pieusement conservé dans la famille du comte, il se trouve depuis cinq ans dans une vitrine.

      – Dans une vitrine ?

      – Du musée Carnavalet, tout simplement.

      – Et ce musée sera ouvert ?…

      – D’ici vingt minutes.

      À


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