L'hôtel hanté. Уилки Коллинз

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L'hôtel hanté - Уилки Коллинз


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docteur Wybrow, c'était la sûreté de son diagnostic, la perspicacité, sans rivale parmi ses confrères, avec laquelle il prévoyait les maladies dont ceux qui venaient le consulter pouvaient être atteints dans un temps plus ou moins éloigné.

      «Je suis à votre disposition, répondit-il, je vais essayer de découvrir ce que vous avez.»

      Il posa quelques-unes de ces questions que les médecins ont l'habitude de faire; la patiente répondit promptement et avec clarté; sa conclusion fut que cette dame étrange était, au moral comme au physique, en parfaite santé. Il se mit ensuite à examiner les principaux organes de la vie. Ni son oreille ni son stéthoscope ne lui révélèrent rien d'anormal. Avec cette admirable patience et ce dévouement à son art qui l'avaient distingué dès le temps où il étudiait la médecine, il continua son examen, toujours sans résultat. Non seulement il n'y avait aucune prédisposition à une maladie du cerveau, mais il n'y avait même pas le plus léger trouble du système nerveux.

      «Aucun de vos organes n'est atteint, dit-il; je ne peux même pas me rendre compte de votre extrême pâleur. Vous êtes pour moi une énigme.

      —Ma pâleur n'est rien, répondit-elle avec un peu d'impatience. Dans ma jeunesse, j'ai failli mourir empoisonnée; depuis, mes couleurs n'ont jamais reparu, et ma peau est si délicate qu'elle ne peut supporter le fard. Mais ceci n'a aucune importance. Je voulais avoir votre opinion, je croyais en vous, et maintenant je suis toute désappointée.» Elle laissa tomber sa tête sur sa poitrine.—Et c'est ainsi que tout cela finit, dit-elle en elle-même amèrement.

      Le docteur parut touché; peut-être serait-il plus exact de dire que son amour-propre de médecin était un peu blessé.

      «Cela peut encore se terminer comme vous le voulez, dit-il, si vous prenez la peine de m'aider un peu.»

      Elle releva la tête. Ses yeux étincelaient.

      «Expliquez-vous; comment puis-je vous aider?

      —Avouez, madame, que vous venez chez moi un peu comme un sphinx. Vous voulez que je découvre l'énigme avec le seul secours de mon art. La science peut faire beaucoup, mais non pas tout. Voyons, quelque chose doit vous être arrivé, quelque chose qui n'a aucun rapport à votre état de santé et qui vous a effrayée; sans cela, vous ne seriez jamais venue me consulter. Est-ce la vérité?

      —C'est la vérité, dit-elle vivement. Je recommence à avoir confiance en vous.

      —Très bien. Vous ne devez pas supposer que je vais découvrir la cause morale qui vous a mise dans l'état où vous êtes: tout ce que je puis faire, c'est de voir qu'il n'y a aucune raison de craindre pour votre santé, et, à moins que vous ne me preniez comme confident, je ne puis rien de plus.»

      Elle se leva, fit le tour de la chambre.

      «Supposons que je vous dise tout, répondit-elle. Mais faites bien attention que je ne nommerai personne.

      —Je ne vous demande pas de noms, les faite seuls me suffisent.

      —Les faits sont de peu d'importance, reprit-elle, je n'ai que des impressions personnelles à vous révéler, et vous me prendrez probablement pour une folle imaginaire, quand vous m'aurez entendue. Qu'importe! Je vais faire mon possible pour vous contenter. Je commence par les faits, puisque vous le voulez. Mais croyez-moi, cela ne vous servira pas à grand'chose.»

      Elle s'assit de nouveau et commença avec la plus grande sincérité la plus étrange et la plus bizarre de toutes les confessions qu'eût jamais entendues le docteur.

      II

      «Je suis veuve, monsieur, c'est un fait: je vais me remarier, c'est encore un fait».

      Elle s'arrêta et sourit à quelque pensée qui lui traversa l'esprit. Ce sourire fit mauvaise impression sur le docteur Wybrow: il avait quelque chose de triste et de cruel à la fois, il se dessina lentement sur ses lèvres et disparut soudain.

      Le docteur se demanda s'il avait bien fait de céder à son premier mouvement. Il songea avec un certain regret à ses malades qui l'attendaient.

      La dame continua:

      «Mon prochain mariage, dit-elle, se rattache à une circonstance assez délicate. Le gentleman dont je dois être la femme était engagé à une autre personne, quand le hasard fit qu'il me rencontra à l'étranger. Cette personne, faites bien attention, est de sa famille. C'est sa cousine. Je lui ai innocemment volé son fiancé, j'ai détruit toutes les espérances de sa vie. Innocemment, dis-je, parce qu'il ne m'a révélé son engagement antérieur qu'après que je lui ai eu moi-même accordé ma main. Quand nous nous revîmes en Angleterre, et quand il craignit sans doute que l'affaire ne vînt à ma connaissance, il m'avoua la vérité. Naturellement je fus indignée. Il avait une excuse toute prête: il me montra une lettre de sa cousine lui rendant sa parole. Je n'ai jamais rien lu de plus noble, d'un esprit plus élevé. J'en pleurai, moi, qui n'ai pas trouvé de larmes à verser sur mes propres douleurs! Si la lettre lui avait laissé l'espoir d'être pardonné, j'aurais positivement refusé de l'épouser. Mais la fermeté de cette lettre sans colère, sans un mot de reproche, faisant au contraire des souhaits pour son bonheur, la fermeté dont elle était empreinte ne pouvait lui laisser d'espoir. Il me supplia d'avoir pitié de lui, de ne pas oublier son amour pour moi. Vous savez ce que sont les femmes. Moi aussi j'eus le coeur tendre, je donnai mon consentement, et dans huit jours—je tremble quand j'y songe—nous serons mariés.»

      Elle tremblait réellement; elle fut obligée de s'arrêter quelques instants avant de reprendre. Le docteur, attendant toujours la révélation de quelque fait important, commençait à craindre d'avoir à subir un long récit.

      «Pardonnez-moi, madame, dit-il, de vous rappeler que j'ai des personnes souffrantes qui attendent _ma _visite; plus vite vous arriverez au but, mieux cela vaudra pour mes malades et pour moi».

      L'étrange sourire si triste et si froid reparut sur les lèvres de l'inconnue:

      «Rien de ce que je dis n'est inutile, vous le verrez vous-même dans un moment.»

      Elle continua en ces termes:

      «Hier,—ne craignez pas une longue histoire, monsieur,—hier même, je venais de prendre part à un de vos _lunch _anglais, lorsqu'une dame qui m'était tout à fait inconnue arriva. Elle était en retard: nous avions déjà quitté la table, nous étions dans le salon. Elle prit par hasard une chaise à côté de la mienne; on nous présenta l'une à l'autre. Je connaissais son nom, elle connaissait aussi le mien. C'était la femme à laquelle j'avais volé son fiancé, la femme qui avait écrit la lettre dont je vous ai parlé. Écoutez, maintenant! vous vous êtes montré impatient parce que je ne vous ai pas intéressé jusqu'à présent; si je vous ai donné quelques détails, c'était pour vous prouver que je n'ai jamais eu contre cette dame le moindre sentiment d'hostilité. J'avais pour elle de la sympathie, je l'admirais presque, je n'avais donc rien à me reprocher à son égard. Retenez-le bien, c'est fort important, comme vous le verrez tout à l'heure. Quant à elle, je sais que les circonstances qui ont dicté ma conduite lui ont été expliquées dans tous leurs détails, je sais qu'elle ne me blâme en aucune façon. Et maintenant que vous savez tout, expliquez-moi, si vous le pouvez, pourquoi, quand je me suis levée et que mes yeux ont rencontré les siens, pourquoi j'ai senti un manteau de glace m'envelopper, un frisson parcourir mes membres, une peur mortelle s'abattre sur moi pour la première fois de ma vie».

      Le docteur commençait à s'intéresser au récit.

      «Y avait-il donc, demanda-t-il, dans l'air ou dans l'attitude de cette dame quelque chose qui ait pu vous frapper?

      —Rien, répondit-on brusquement. Voici son portrait: une Anglaise comme elles le sont toutes, avec des yeux bleus, froids et clairs, le teint rosé, les manières pleines de politesse et de froideur, la bouche grande et réjouie, des joues et un menton gros, et c'est tout.

      —Quand vos yeux se sont rencontrés, y avait-il dans son regard une expression quelconque qui vous ait frappée?


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