Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne. Hugo Grotius

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Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne - Hugo Grotius


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autres nouvellement nez croître de jour en jour. Tantôt l'on a ajoûté aux navires quantité de piéces & d'instrumens qui les rendent plus parfaits, tantôt les joueurs d'instrumens ont inventé des sons mélodieux &c. Virgile. Ecl. 6. Siléne commença à chanter comment tous les élemens, & le monde entier dans sa naissance, avaient été composez de ces principes (c'est-à-dire des atomes.) Géorg. liv. I. «Jupiter mit fin à l'heureuse abondance qui régnoit avant son tems, afin que la nécessité obligeât l'homme à inventer divers Arts, à chercher le blé dans les sillons, & à tirer des veines des cailloux le feu qui y est caché. Alors les fleuves commencèrent à sentir le poids des arbres creusez & travaillez en forme de navires. Alors le Pilote étudia le rang des Etoiles, apella les unes Pleïades, les autres Hyades, quelques autres Ourse. Alors on trouva l'invention de prendre les animaux au lacet & à la glu, & d'entourer les bois avec des chiens. Alors on commença à jetter des filets dans les rivières & dans la mer même. Alors on profita de la dureté du fer, & au lieu qu'auparavant on fendoit le bois avec des coins, on commença à le couper avec des scies. Enfin plusieurs autres Arts commencérent à paroître». Horace Sat. 3. du liv I. Après avoir réprésenté les premiers hommes dans leur naissance, comme assez semblables à des bêtes, fait voir par quels progrès ils vinrent à un état plus policé & mieux réglé. Sénèque dans un endroit cité par Lactance assure que la Philosophie n'est pas encore vieille de mille ans. Tacite Ann. 3. dit «que les hommes de la premiére Antiquité ne savoient ce que c'étoit de loix & d'Empires, & que les loix ne furent introduites, & les Empires ne se formèrent, qu'après que l'ambition & la violence eurent succédé à la modération & à l'honnêteté.» Ce qui a obligé Aristote à croire & à soutenir l'éternité du genre humain & par conséquent du Monde, a été l'absurdité de l'opinion de Platon, qui disoit, à la vérité, que le Monde avoit eu un commencement, mais qui prétendoit qu'il avoit été engendré, & non pas créé. L'un & l'autre de ces deux Philosophes ont eu raison & ne l'ont pas eu à divers égards. Platon avoit raison de nier l'éternité du Monde, mais il se trompoit en disant qu'il avoit été formé par voye de génération. Aristote raisonnoit juste, lors qu'il rejettoit cette génération; mais il raisonnoit mal, lors qu'il concluoit de l'absurdité de cette doctrine, qu'il faloit donc que le Monde fût sans commencement. Que l'on prenne ce que l'un & l'autre ont eu de bon, & l'on tombera dans l'opinion des Juifs & des Chrétiens. Il semble néanmoins qu'Aristote n'ait pas été tout à fait content de son hypothèse. Il en parle fort souvent d'une maniére à faire voir qu'il étoit fort irrésolu là-dessus. Dans la préface du second livre qu'il a fait des Cieux, il dit qu'il n'a pas de démonstration de ce qu'il avance sur ce sujet, mais une simple persuasion. Dans le premier livre de ses Topiques chapitre 9. il met la question de l'éternité du Monde au rang de celles sur lesquelles on peut disputer de part & d'autre avec probabilité. Et dans le 3. liv. de la génération des animaux, il supose qu'ils ont pu avoir un commencement, & là-dessus il tâche à découvrir de quelle maniére ils ont pu avoir été engendrez.

       Réponse à l'objection, que si Dieu étoit la cause de tout, il seroit l'auteur du mal.

      VIII. Mais ne semble-t-il pas que, s'il y avoit un Dieu auteur de toutes choses, & infiniment bon, on ne verroit pas dans le monde tant de miséres & tant de désordres? Je répons qu'il y a de deux sortes de maux, le mal moral, c'est-à-dire, le crime, & le mal physique, c'est-à-dire, la misére. A l'égard du premier, il est sûr qu'on ne peut l'atribuer à Dieu sans blesser sa sainteté. Nous avons dit qu'il est l'auteur de toutes choses, mais ce n'est que de celles qui subsistent réellement: & rien n'empêche que les choses qui subsistent réellement, n'en produisent d'autres qui ne sont que de purs accidens & de pures maniéres d'être, tel qu'est ce qu'il y a de criminel dans les méchantes actions: de sorte qu'il n'est pas besoin de remonter jusqu'à Dieu pour en trouver la source. Lors qu'il créa l'Homme & les Intelligences qui sont au-dessus de l'homme, il leur donna une liberté qui les rendait capables du bien & du mal. Mais quoique cette liberté se puisse déterminer au mal, elle n'est pas cependant mauvaise en elle-même. Pour ce qui est du mal physique qui est proprement ce que nous apellons douleur, il n'y a aucun inconvénient à dire qu'il vient de Dieu; puis qu'il s'en sert ou à corriger l'Homme, ou à le punir. Et bien loin que cette espéce de mal répugne à sa bonté, on peut dire qu'il l'employe souvent par un principe d'amour pour les hommes; de la même manière que les Médecins prescrivent aux malades des remédes désagréables au goût, mais nécessaires pour leur guérison.

       Réfutation de l'opinion de deux premiers principes

      IX. Il faut réfuter en passant l'opinion de ceux qui établissent deux premiers Principes, l'un bon, & l'autre mauvais.

       Que Dieu gouverne toutes choses. x. Preuve.

      X: S'il est vrai, comme nous l'avons établi, que Dieu a créé le Monde, il n'est pas moins constant, qu'il le gouverne par sa Providence. Sa bonté l'y oblige: sa science infinie & sa toute-puissance lui en donnent les moyens: l'une lui fait connoître tout ce qui se fait & tout ce qui se doit faire: l'autre le rend capable d'exécuter ce qu'il juge à propos pour conduire & pour régler l'Univers. Avec un degré de sagesse & de bonté infiniment plus petit, les hommes étendent leurs soins sur leurs enfans, & avec quelque chose qui n'est en soi-même ni bonté ni sagesse, mais qui en réprésenté assez bien les démarches, les bêtes mêmes savent élever & conserver leurs petits. Il faut rapeller ici ce que nous avons dit de certains mouvemens peu naturels, que l'on remarque dans le Monde, mais qui servent bien mieux à sa conservation que d'autres plus naturels, & plus simples.

       Que Dieu gouverne toutes les choses sublunaires.

      XI. La Terre & toutes les choses sublunaires étant l'ouvrage du Créateur, aussi bien que le Ciel, & tous les corps célestes, cette même raison fait voir combien est mal fondée l'opinion de ceux, qui reconnoissant une Providence, la renferment dans l'étendue des Cieux. Il ne seroit pas même dificile de prouver, que la Terre est plus particuliérement que le Ciel, l'objet des soins de la Providence. Le cours des Astres est si conforme aux besoins de l'Homme, qu'on peut dire qu'ils ont été créez pour lui. Or lequel est le plus digne des soins de Dieu, ou la Fin, ou les moyens qui sont destinez à cette fin?

       Que Dieu gouverne les natures particuliéres.

      Il n'y a pas plus de raison à prétendre, que Dieu ne conduit que les natures universelles, & ne touche point aux Êtres Singuliers. Est-ce qu'il ne les connnoît pas? C'est ce que quelques-uns disent, mais si cela est, comment se connoît-il lui-même? De plus, nous avons prouvé que la science de Dieu est nécessairement infinie: elle s'étend donc à tous les Êtres particuliers. Or si Dieu les connoit tous, pourquoi ne les gouverneroit-il pas tous? Cela paroît encore par ces fins tant particuliéres, que générales, que nous avons découvertes dans chaque partie du Monde. Sans toutes ces considérations, une seule raison sufit. C'est que les natures universelles ne subsistent que dans les Êtres particuliers. Si donc Dieu abandonne les Êtres particuliers, il faut aussi qu'il abandonne le genre; s'il conserve & gouverne


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