Expérience, force et espoir. Anonyme
Читать онлайн книгу.parlé de remède religieux universel, ne m’a pas parlé de mon salut. Plus tard, il a demandé à d’autres anciens alcooliques de venir me rendre visite.
Quelques jours plus tard, mon copain alcoolique a été libéré et peu après, on m’a permis de rentrer à la maison. Par l’entremise de l’homme qui m’avait parlé du programme la première fois, j’ai fait la connaissance de plusieurs autres membres du groupe d’anciens alcooliques. Ils m’ont raconté leur expérience. Plusieurs avaient été des gens fortunés et en vue. Certains étaient même tombés plus bas que moi.
Le mercredi soir suivant mon congé, je me suis re-trouvé, un peu honteux mais très intéressé, à une réunion dans une maison privée de cette ville. Il y avait une quarantaine de personnes. Pour la première fois, j’ai vu un mouvement que je ne connaissais pas en pleine action. On le sentait. J’ai appris que je pouvais, moi aussi, en faire partie, que je pouvais obtenir l’abstinence et la santé mentale si je suivais quelques préceptes, simples dans leur énoncé, mais qui avaient des conséquences profondes si on les suivait. Au fond de moi, j’ai compris qu’il ne suffisait pas d’y manifester un intérêt que pour la forme. Encore ignorant, encore un peu sceptique, mais très sérieux, j’ai décidé d’essayer honnêtement.
C’était il y a deux ans. Ça n’a pas été facile. Le nouveau mode de vie était étrange au début, mais je ne pensais qu’à cela. Parfois, les progrès étaient lents ; j’avançais avec hésitation entre les difficultés du chemin. Cependant, chaque fois que j’ai douté et que la tentation a été forte et que le vieux désir revenait, je savais où aller pour obtenir de l’aide. En aidant les autres, j’ai aussi pris de la force et j’ai fait des progrès.
Aujourd’hui, en suivant ce programme, j’ai atteint un niveau de bonheur et de satisfaction que je n’avais jamais connu auparavant. Le succès matériel n’est pas important. Je sais par contre que je pourrais faire face à mes besoins.
Je m’attends à rencontrer des difficultés chaque jour de ma vie ; je m’attends à rencontrer des obstacles, mais aujourd’hui, les choses sont différentes. J’ai découvert une nouvelle façon de vivre chaque jour qui a fait ses preuves.
* NdT : Terme utulisé à l’époque pour désigner l’alcool.
LE VENDEUR
J’ai appris à boire comme un professionnel au moment où les lois du pays disaient que je n’avais pas le droit, et ce qui a d’abord été un caprice de jeune homme est devenu une habitude qui m’a éventuellement collée aux talons et m’a presque coûté ma carrière.
Mon adolescence s’est déroulée sans histoire. J’ai grandi sur une ferme mais je n’entrevoyais pas y passer ma vie. Je voulais être un homme d’affaires, j’ai suivi des cours de gestion au collège, j’ai acheté un camion et un étal au marché de la ville voisine et je me suis lancé en affaires. J’achetais des produits agricoles à la ferme de mes parents et je les vendais aux clients de la ville qui étaient nombreux et avaient beaucoup d’argent.
J’ai connu la vie normale d’un fils de fermier. Mes parents étaient exceptionnellement compréhensifs. Mon père a été un grand ami jusqu’à sa mort. Je mettais en pratique la théorie des affaires que j’avais apprise au collège et j’étais mieux préparé que mes concurrents à réussir matériellement. Rapidement, j’ai pris de l’expansion et j’ai été présent sur tous les marchés de la ville et de la ville voisine. En 1921, nous avons eu un avant-goût de la dépression à venir et mes clients ont disparu. J’ai dû fermer mes étals un à un et j’ai finalement été totalement ruiné. Étant un jeune homme qui avait commencé à faire quelques affaires tout en buvant socialement, j’avais maintenant du temps et je semblais en prendre de plus en plus.
Après un an de travail en usine, au cours de laquelle je me suis marié, j’ai trouvé un travail de commis dans une épicerie. Mon épicier-employeur était un expert fabricant de vin et j’avais libre accès à sa cave. Le travail était extrêmement monotone, confiné derrière un comptoir toute la journée, moi qui avais l’habitude de me promener d’un étal à l’autre surveillant mes affaires, de rencontrer des gens et de préparer ce qui, à mon avis, était un brillant avenir. Je considère également comme événement important la mort de mon père qui m’a beaucoup manqué.
Je buvais du vin, et de l’alcool à l’occasion. J’ai quitté l’épicerie pour retourner au commerce des produits agricoles et de retour dans le monde, j’ai repris de l’alcool et j’ai eu mon premier avertissement qu’il serait préférable que j’arrête avant qu’il ne soit trop tard.
Je cherchais une entreprise qui me permettrait de me refaire financièrement, et j’ai trouvé du travail avec une société nationale de biscuits. On m’a attribué un bon territoire, composé de plusieurs villes importantes et j’ai immédiatement commencé à faire beaucoup d’argent. Rapidement, je suis devenu le vendeur-étoile de la société et j’avais la réputation d’un bon brasseur d’affaires. Évidemment, je buvais avec mes meilleurs clients, car mon territoire comprenait plusieurs endroits favorables aux affaires. Je gardais le contrôle et au début, je rentrais rarement avec des effets visibles de ma consommation.
J’avais une brasserie privée à la maison qui produisait environ 15 gallons par semaine, et je buvais presque tout moi-même. Manifestation typique de mon attitude face à l’alcool, lorsqu’un incendie a menacé de détruire totalement ma maison et mon garage, je me suis précipité à la cave pour sauver mes biens les plus précieux, un tonneau de vin et toute la bière que j’ai pu emporter, et je me suis fâché quand ma femme a suggéré que je devrais plutôt tenter de sauver les biens de la maison avant qu’elle ne soit totalement détruite par le feu.
Je me suis rapidement lassé de ma fabrication de bière domestique et j’ai commencé à ramener à la maison des bouteilles de whiskey de contrebande très fort. J’ai d’abord bu un demi-litre chaque soir avant de me permettre un plein litre après le dîner. Pendant un certain temps, j’espaçais mes consommations sur la route et je ne buvais presque pas en matinée. J’avais hâte de rentrer à la maison pour boire. Rapidement, j’ai commencé à boire toute la journée.
Les gérants de grandes surfaces et les gros clients étaient à la fois mes invités et mes hôtes et nous faisions de temps à autres de grandes fêtes. Enfin, suivant une réorganisation de l’entreprise, je me suis retrouvé avec un bien mauvais territoire. J’ai donné un avis de deux semaines à l’entreprise et j’ai quitté mon emploi. J’avais acheté une maison, mais au cours de l’année et demie qui a suivi, j’ai eu peu de revenus et je l’ai perdue. Je me suis contenté d’à peine de quoi vivre et acheter mon alcool. Je me suis ensuite retrouvé à l’hôpital quand ma voiture a été démolie par un camion. Cette perte et mes blessures ajoutées aux plaintes de ma femme m’ont en quelque sorte dessaoulé pour un temps. En sortant de l’hôpital, je suis demeuré abstinent pendant six semaines et j’avais décidé d’arrêter de boire.
Je suis retourné dans le domaine où j’avais connu du succès comme vendeur, mais avec une autre entreprise. Au début de ce nouvel emploi, j’ai discuté avec ma femme et je lui ai fait des promesses solennelles. Je ne toucherais plus à une goutte d’alcool.
À cette époque, la Prohibition était chose du passé et les clubs et bars où j’étais connu comme un bon client qui dépensait beaucoup sont devenus mes clients à leur tour. J’ai développé les affaires jusqu’à ce que je redevienne un vendeur-étoile, mais après quatre mois dans ce nouvel emploi j’ai fait une rechute. Il n’est pas inhabituel dans la vie d’un buveur qu’après quelque temps d’abstinence, il se dise qu’il « peut en prendre un peu. » Très rapidement, l’alcool est redevenu la chose la plus importante de ma vie et les jours se ressemblaient, je buvais sans arrêt dans chaque club et bar sur ma route. Chaque soir, je rentrais au bureau très éméché, ayant de la difficulté à garder mon équilibre. J’ai commencé à recevoir des avertissements, on m’a congédié, puis réembauché.