Les trois hommes en Allemagne. Джером К. Джером

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Les trois hommes en Allemagne - Джером К. Джером


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jamais coupée d'une note discordante, me rendrait fou. Sans doute, suis-je un être particulier; il y a des moments où je ne me comprends plus. Il m'arrive alors de me détester.

      Souvent un petit discours de cette sorte, faisant allusion à des émotions indescriptibles et occultes, avait ému Ethelbertha; mais ce soir-là elle parut étrangement insouciante. Touchant le paradis et son effet sur moi, elle me conseilla de ne pas trop m'en tourmenter: c'était toujours folie d'aller au-devant d'ennuis qui peut-être n'arriveraient jamais. Que je fusse un garçon un peu étrange, ce n'était pas ma faute et, du moment que d'autres consentaient à me supporter, toute dissertation à ce sujet était vaine. Quant à la monotonie de la vie, comme c'était une épreuve commune, là-dessus nous pouvions du moins sympathiser.

      —Tu ne te doutes pas combien quelquefois j'ai envie, continua Ethelbertha, de m'échapper, de m'éloigner, même de toi; mais, sachant que c'est impossible, je ne m'arrête pas à cette éventualité.

      Jamais je n'avais entendu Ethelbertha parler ainsi; elle m'étonnait et me chagrinait profondément.

      —Ce n'est pas une remarque très affable, remarquai-je, ni bien digne d'une épouse.

      —J'en conviens, admit-elle, et c'est bien pour cela que je ne l'avais pas formulée jusqu'ici. Vous autres, hommes, vous ne comprendrez jamais que, si vif que puisse être l'amour d'une femme, il y ait des moments où elle s'en fatigue. Tu ne sais pas combien de fois j'ai souhaité de pouvoir mettre mon chapeau et sortir sans entendre tes: «Où vas-tu? Pourquoi vas-tu là? Combien de temps resteras-tu dehors et quand seras-tu rentrée?» Tu ne sais pas combien souvent l'envie me démange de commander un dîner que j'aimerais et que les enfants aimeraient aussi, et qui aurait le don de te faire mettre ton chapeau pour aller dîner au club. Oh! inviter une amie qui me plaît et que je sais te déplaire, aller voir des gens que j'aimerais voir, aller me coucher quand j'aurais sommeil et me lever à mon gré! Deux personnes vivant ensemble sont forcées de se sacrifier mutuellement leurs désirs. C'est quelquefois un bienfait de se relâcher un peu de la tension journalière.

      Plus tard seulement, ruminant les paroles d'Ethelbertha, je suis arrivé à en comprendre la sagesse; mais, je le confesse, sur le moment, je me sentis blessé au vif.

      —Si tu désires, dis-je, être débarrassée de moi...

      —Voyons, ne fais pas l'imbécile, protesta Ethelbertha: je voudrais seulement être débarrassée de toi un pauvre moment, juste de quoi oublier les deux ou trois petites imperfections qui te sont inhérentes, juste assez longtemps pour me rappeler quel charmant garçon tu es par ailleurs et me réjouir d'avance de ton retour.

      Le ton d'Ethelbertha me choquait. Elle paraissait animée d'un esprit de frivolité s'accordant mal avec le sujet de notre conversation. Je n'aimais pas du tout—et ce n'était guère le genre d'Ethelbertha—qu'elle considérât gaîment une séparation de trois à quatre semaines. Ce voyage ne me tentait plus. J'y aurais renoncé, si je ne m'étais pas senti engagé vis-à-vis de George et de Harris. Je ne pouvais pas maintenant changer d'avis: c'était une question de dignité.

      —Très bien, Ethelbertha, répondis-je, j'agirai selon ton vœu. Tu tiens à être débarrassée de ma présence pendant quelque temps: tu seras satisfaite; mais, si ce n'est pas chez ton mari curiosité impertinente, je voudrais bien savoir ce que tu comptes faire pendant mon absence.

      —Nous louerons cette villa de Folkestone et je m'y rendrai avec Kate. Et, si tu veux être gentil, tu engageras Harris à aller avec toi: Clara pourra alors se joindre à nous. Toutes trois nous avons ensemble passé de bons moments avant qu'on ait pensé à vous autres: ce serait délicieux de les faire revivre. Crois-tu pouvoir persuader Mr Harris de partir avec toi?

      Je répondis que j'essaierais.

      —Tu es un bon garçon. Fais de ton mieux. Peut-être George se laissera-t-il convaincre aussi.

      Je répondis que je n'en voyais pas la nécessité, vu que, George étant célibataire, personne ne profiterait de son absence. Mais jamais femme ne comprit l'ironie. Ethelbertha remarqua simplement qu'il serait peu aimable de partir sans lui. Soit, je pressentirais George.

      Je rencontrai Harris au club et lui demandai où il en était.

      —Oh! ça va très bien, me dit-il. Elle ne fait aucune difficulté pour mon départ.

      Mais il y avait, dans sa façon de parler, un petit rien qui me fit soupçonner une satisfaction incomplète. Je réclamai de plus amples détails.

      —Elle s'est montrée un agneau quand je lui ai parlé de notre projet: elle déclare l'idée de George excellente et pense que ce voyage me fera du bien.

      —Tout cela me semble parfait, mais qu'est-ce qui n'a pas marché?

      —Rien n'a mal marché à ce sujet; mais ensuite elle parla d'autre chose.

      —J'y suis! dis-je.

      —Oui, il y a sa vieille marotte touchant la salle de bains.

      —J'en ai déjà entendu parler: elle a même poussé Ethelbertha dans cette voie.

      —Eh bien, je vais être obligé de la faire réinstaller immédiatement: je ne pouvais le lui refuser, puisqu'elle avait été si accommodante pour le reste. J'en aurai pour 100 livres au bas mot.

      —Tant que cela?

      —Pas un penny de moins: le devis déjà se monte à 60 livres.

      Je l'écoutais avec compassion.

      —Et puis ce fut le tour du fourneau de cuisine, continua Harris. Tout ce qui a cloché dans cette maison au cours des dernières années est imputable à ce fourneau.

      —Je connais cela, dis-je, j'ai habité dans sept maisons depuis que je suis marié et chaque fourneau a été plus mauvais que son devancier. Celui que nous avons en ce moment est non seulement insuffisant, il est encore malveillant. Il sait quand nous donnons un dîner et alors, pour faire des farces, il s'éteint.

      —Nous en aurons un neuf, dit Harris (mais il le dit sans aucune fierté). Clara estime qu'il nous en coûtera beaucoup moins de faire exécuter ces deux travaux d'un coup. Je suppose que si une femme désirait une tiare en diamants, elle trouverait moyen d'expliquer que c'est pour économiser le prix d'un chapeau.

      —A combien estimez-vous les réparations de votre fourneau? demandai-je. (Je commençais à m'intéresser à la chose.)

      —Je ne sais pas exactement. Je suppose que j'en aurai encore pour une vingtaine de livres. Nous nous mîmes ensuite à parler du piano... Avez-vous pu jamais remarquer qu'il existât une différence entre deux pianos?

      —Certainement. Ils ont des sons plus forts les uns que les autres, mais on finit par s'y habituer.

      —Le soprano de mon piano est en mauvais état. Mais, au fait, qu'est-ce que le soprano d'un piano?

      —Ce sont, expliquai-je, les tons aigus de l'instrument, la partie du clavier qui piaille comme si on lui marchait sur la queue. Les beaux morceaux finissent toujours par une fioriture sur ces notes-là.

      —Elles pêchent quant à l'harmonie, celles de notre vieux piano. Il faudra que je le mette à la nursery et que j'en achète un neuf pour le salon.

      —Et quoi encore? m'enquis-je.

      —Rien. Elle m'a semblé incapable de découvrir autre chose pour le moment.

      —Vous verrez quand vous rentrerez qu'elle aura trouvé autre chose.

      —Que sera-ce?

      —Une villa à Folkestone pour la saison.

      —Pourquoi cette villa à Folkestone?

      —Pour y vivre cet été.

      —Elle est invitée par sa famille à passer les vacances avec les enfants dans le pays de Galles, protesta Harris.

      —Il se


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