Histoire de ma Vie, Livre 1 (Vol. 1 – 4). Жорж Санд

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Histoire de ma Vie, Livre 1 (Vol. 1 – 4) - Жорж Санд


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laisser abattre? N'est-il pas plus beau de s'élever sur ses propres revers, que de tomber, par sa faute, du faîte des hauteurs où le hasard vous avait placé? Les commencemens de cette carrière ne peuvent paraître repoussans qu'à un esprit vulgaire; mais toi, tu n'auras pas honte d'être la mère d'un brave soldat. Les armées sont très bien disciplinées maintenant. Les officiers sont tous gens de mérite, n'aie donc pas peur. Il ne s'agit pas d'aller se battre tout de suite, mais de passer quelque temps aux études du manége. Ce sera d'autant moins désagréable que tu m'en as fait apprendre plus, peut-être, qu'on n'en a à me montrer.

      «Je n'ai pas besoin de me vanter de cela, mais je ne ferai point un apprentissage qui compromette mes os, ni qui apprête à rire aux assistans. Tu peux du moins être bien tranquille là-dessus. Adieu, maman, donne-moi ton avis sur toutes mes réflexions, et songe que du chagrin de notre séparation peut résulter un grand bien pour nous deux. Adieu encore, ma bonne mère, je t'embrasse de toute mon ame.

      «J'embrasse Deschartres et je l'engage à mettre un peu plus de colophane à son archet pour éviter les couacs et les riquiquis. Allons, ris donc, ma bonne mère!»

      La vie des grands hommes modestes est inédite en grande partie. Combien de mouvemens admirables n'ont eu pour témoins que Dieu et la conscience. La lettre qu'on vient de lire en offre un qui me pénètre profondément. Voilà ce Latour-d'Auvergne, ce premier grenadier de France, ce héros de bravoure et de simplicité, qui peu de temps après partit lui-même comme simple soldat, quoique ses cheveux blancs ne lui rendissent pas la nouvelle loi applicable... Il faut rappeler cette aventure que plusieurs personnes ont peut-être oubliée. Il avait un vieux ami, octogénaire qui ne vivait que du travail de son petit-fils. La loi de la conscription frappe sur ce jeune homme. Aucun moyen alors de se racheter. Latour-d'Auvergne obtient comme une faveur spéciale du gouvernement, en récompense d'une vie glorieuse, de partir comme simple soldat pour remplacer l'enfant de son ami. Il part, il se couvre d'une gloire nouvelle, il meurt sur le champ d'honneur, sans avoir jamais voulu accepter aucune récompense, aucune dignité!.. Eh bien, voilà cet homme, avec de tels sentimens, avec le projet déjà arrêté peut-être de se faire conscrit (à 55 ans), à la place d'un pauvre jeune homme, qui se trouve en présence d'un autre jeune homme, lequel hésite devant la nécessité de se faire soldat. Il examine attentivement cet enfant gâté qu'une tendre mère voudrait soustraire aux rigueurs de la discipline et aux dangers de la guerre. Il interroge son regard, son attitude. On sent que s'il découvre en lui un lâche cœur, il ne s'y intéressera pas et le fera rougir d'être le petit-fils d'un illustre militaire. Mais un mot, un regard de cet enfant lui suffisent pour pressentir en lui un homme, et tout aussitôt il le prend en amitié, il lui parle avec douceur, et condescend, par de généreuses promesses, à la sollicitude de sa mère. Il sait que toutes les mères ne sont pas des héroïnes, il devine que celle-là ne peut pas adorer la République, que ce jeune homme a été élevé avec des délicatesses infinies, qu'on a de l'ambition pour lui et qu'on ne saurait prendre pour modèle l'antique dévoûment d'un Latour-d'Auvergne. Mais ce Latour-d'Auvergne semble ignorer la sublimité de son propre rôle. Il en tire si peu de vanité qu'il ne le rappelle pas aux autres. Il n'exige de personne le même degré de vertu. Il peut aimer, estimer encore ceux qui aspirent au bien-être et aux honneurs qu'il méprise. Il entre dans leurs projets, il caresse leurs espérances, il travaillera à les réaliser, tout comme le ferait un homme ordinaire qui apprécierait les douceurs de la vie et les sourires de la fortune; et, comme s'il se parlait à lui-même, pour amoindrir son mérite à ses propres yeux, et pour se préserver de l'orgueil, il se résume en disant: On peut concilier la gloire et le devoir, le plaisir de servir sa patrie avec éclat et les lois de la justice et de la raison.

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      1

      Cette première partie de l'ouvrage a été écrite en 1847.

      2

      On eût dit sensibilité au siècle dernier, charité antérieurement, fraternité il y a cinquante ans.

      3

      Voici le fait comme je l'ai trouvé dans les notes de ma grand'mère: «Francueil, mon mari, disait un jour à Jean-Jacques: Allons aux Français, voulez-vous? — Allons, dit Rousseau, cela nous fera toujours bailler une heure ou deux. C'est peut-être la seule repartie qu'il ait eue en sa vie; encore n'est-elle pas énormément spirituelle. C'est peut-être ce soir-là que Rousseau vola 3 livres 10 sols à mon mari. Il nous a toujours semblé qu'il y avait eu de l'affectation à se vanter de cette escroquerie; Francueil n'en a gardé aucun souvenir, et même il pensoit que Rousseau l'avoit inventée pour montrer les susceptibilités de sa conscience et pour empêcher qu'on ne crût aux fautes dont il ne se confesse pas. Et puis d'ailleurs quand cela seroit, bon Jean-Jacques! il vous faudroit aujourd'hui faire claquer votre fouet un peu plus fort pour nous faire seulement dresser les oreilles!

      4

      Il paraît que cette prodigieuse histoire est la chose la plus ordinaire du monde, car, depuis que j'ai écrit ce volume, nous en avons vu d'autres exemples. Une couvée de rossignols de muraille, élevée par nous, et commençant à peine à savoir manger, nourrissait avec tendresse tous les petits oiseaux de son espèce que l'on plaçait dans la même cage.

      5

      L'anecdote est assez curieuse: la voici racontée par Voltaire, Histoire de Charles XII: «Auguste aima mieux recevoir des lois dures de son vainqueur que de ses sujets. Il se détermina à demander la paix au roi de Suède, et voulut entamer avec lui un traité secret. Il fallait cacher cette démarche au sénat, qu'il regardait comme un ennemi encore plus intraitable. L'affaire était très délicate; il s'en reposa sur la comtesse de Kœnigsmark, Suédoise d'une grande naissance, à laquelle il était alors attaché. C'est elle dont le frère est connu par sa mort malheureuse, et dont le fils a commandé les armées en France avec tant de succès et de gloire. Cette femme, célèbre dans le monde par son esprit et par sa beauté, était plus capable qu'aucun ministre de faire réussir une négociation. De plus, comme elle avait du bien dans les Etats de Charles XII, et qu'elle avait été longtemps à sa cour, elle avait un prétexte plausible d'aller trouver ce prince. Elle vint donc au camp des Suédois en Lithuanie, et s'adressa d'abord au comte Piper, qui lui promit trop légèrement une audience de son maître. La comtesse, parmi les perfections qui la rendaient une des plus aimables personnes de l'Europe, avait le talent singulier de parler les langues de plusieurs pays qu'elle n'avait jamais vus, avec autant de délicatesse que si elle y était née. Elle s'amusait même quelquefois à faire des vers français qu'on eût pris pour être d'une personne née à Versailles. Elle en composa pour Charles XII, que l'histoire ne doit point omettre. Elle introduisait les dieux de la fable, qui tous louaient les différentes vertus de Charles. La pièce finissait ainsi:

      «Enfin,


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