La Cité Ravagée. Scott Kaelen

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La Cité Ravagée - Scott Kaelen


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le respect qui est dû à ma position."

      "Oh," dit Shade avec un sourire séduisant, "mais je respecte tout à fait ta position." Elle glissa le bout de sa langue entre ses dents. "Toutes tes positions."

      Eriqwyn l'écarta de son chemin et partit en trombe.

      "À bientôt !" lui lança Shade.

      Avançant dans l'herbe encore détrempée de la pluie de la veille, Dagra saisit son pendentif Avato entre les mains et murmura une prière aux Dyades et aux prophètes. À l'ouest, une chaîne de collines emplissait l'horizon, laissant par endroit deviner l'océan au-delà. À l'est, des roseaux et des herbes marécageuses se dessinaient à travers la lande brumeuse, comme de minuscules clochers d'églises, tandis que des essaims fantomatiques de lucioles flottaient au-dessus du voile blanc.

      Ils avaient longé le marais jusqu'à la fin de la journée précédente et, quand il fit finalement place à une terre plus ferme un peu plus au sud, Jalis annonça une pause pour la nuit et ils avaient dormi à la belle étoile. Depuis le lever du jour, ils avaient gardé un rythme régulier, espérant venir à bout de ce vaste marais pour pouvoir retourner à l'intérieur des terres et rejoindre la Route du Royaume. Alors que la première heure du matin se fondait dans la deuxième, puis la troisième, Dagra avait cette impression de plus en plus oppressante qu'une présence emplissait la lande.

      Ce n'était pas les grands espaces qui le tracassaient, ni la possibilité d'un danger physique ; il était un sabreur après tout, et si les choses prenaient un tour qu'il n'aimait pas, il pouvait s'en retourner. Ce qui le troublait, c'était l'atmosphère impie qui s'était fait ressentir dès leur entrée dans les Terres Mortes, et qui n'avait fait que s'alourdir. Il pouvait à peine percevoir la présence des Dyades ici à l'intérieur du Plateau de Scapa. Son seul espoir était qu'Aveia entendit encore ses prières et que son compagnon Svey'Drommelach l'écoutât aussi depuis le Royaume des Esprits ; c'était déconcertant et, Dagra l'admit à regret, ironique que ses espoirs l'emportaient sur ses prières dans ce lieu où les Dyades n'avaient jamais régné, ce lieu qui était le domaine d'une déesse primitive que l'on ne vénérait plus depuis longtemps.

      "Avant le Soulèvement," dit Dagra, plus à lui-même qu'à ses camarades, "ils ont arrêté de brûler les morts. Ils se contentaient de les enterrer et de les laisser se putréfier." Il frissonna. "Pratique impie."

      "Les choses étaient semblables dans l'Arkh avant l'émergence des Dyades," dit Jalis. "Dans certaines contrées, les gens enterrent leurs mort sans les brûler, dans ces endroits où ils préfèrent vénérer les Liés et les Non-Liés aux Dyades."

      "Quelle que soit la coutume, ça ne m'a jamais vraiment posé de problème," commenta Oriken. "Ce qui t'arrive après ta mort t'importe-t-il autant ?"

      "Les morts devraient être brûlés et leurs cendres devraient être dispersées dans le vent," insista Dagra. "On devrait laisser les os retourner à la terre et l'esprit dans les airs." Ajoutant une suite à sa prière en silence, il lâcha son pendentif et regarda au-delà de Jalis vers les hautes terres de l'ouest. À ce moment-là, il aperçut le coin supérieur d'une construction en pierre entre les collines lointaines.

      Jalis l'avait également aperçue. Elle s'arrêta et posa son bardas au sol. "C'est un château ?"

      "J'en doute," dit Oriken. "Trop petit."

      "Ça a l'air plus grand que ce ringfort qu'on avait vu aux abords." Dagra fronça les sourcils en observant ce bloc gris qui était aussi haut qu'il était large. "Pas de fenêtre au niveau inférieur. Qui voudrait bien vivre dans un tel endroit ?"

      "Je ne crois pas que ça ait été construit pour son confort," dit Oriken. "C'est plus probablement une ancienne garnison."

      "Hmm." Jalis avait la carte dans sa main et elle planta son doigt dessus. "C'est là. La Citadelle Valekha." Elle étudia la carte. "Ça veut dire qu'on est à mi-chemin de Lachyla, enfin un peu moins."

      "Presque le point de non-retour", marmonna Dagra. "Quand la destination est plus proche que le point de départ, ce qui est raisonnable, c'est d'aller de l'avant."

      Oriken dit en soulevant un sourcil. "Est-ce de l'enthousiasme que j'entends ?"

      Dagra ronchonna. "De la détermination, plutôt."

      "Attendez." Jalis fixa la forteresse du regard tout en rangeant sa carte et en réajustant son sac sur l'épaule. "J'ai cru voir un mouvement."

      "Oui, c'est bien ce que tu as vu," dit Dagra tout en repartant le long du marais. "C'est la traînée de poussière que je laisse derrière moi. Allez, on s'en va de cet endroit."

      "Dag a raison," dit Oriken tout en se dépêchant de le rattraper. "On ne sait pas ce qu'il y a là-bas, mais ce n'est pas notre destination. Après les cravants et l'ermite qu'on a rencontrés, je ne suis franchement pas curieux.

      Jalis hocha la tête. "D'accord."

      Une fois bien éloignés de la forteresse, Dagra lança un regard méfiant par-dessus son épaule. La Citadelle Valekha. Pourquoi avaient-ils des noms aussi sinistres à l'époque ? À mesure qu'ils continuaient, la silhouette de la forteresse se réduisit derrière les collines au-delà desquelles une bande scintillait à l'horizon : le soleil se reflétait sur l'océan. "Il y avait longtemps que je n'avais vu l'Océan Echilan," dit-il avec nostalgie.

      "Ouais." Oriken soupira, puis partit d'un grand rire. "Tu te souviens quand on est allés jusqu'au bout du Mont Sentinelle ?"

      Dagra hocha la tête. "On est allé par-dessus les contreforts pour voir aussi loin que possible au-dessus de l'eau ?"

      "On ne pouvait grimper plus haut."

      "Et il n'y avait rien que ces satanées vagues à perte de vue."

      Oriken rit. "C'est vrai. C'était la fin un peu décevante d'une aventure autrement géniale. Tes grands-parents étaient morts d'inquiétude."

      "Ils ne m'avaient plus quittés pendant toute une semaine. Oui, je me souviens."

      "Messieurs, je déteste mettre fin à l’évocation de vos souvenirs mais on dirait bien que les marécages sont de retour."

      Dagra regarda devant eux et vit qu'elle avait raison. Sa détermination vacilla. Bien que le brouillard des marais se dissipât, les signes annonciateurs d'un sol infesté de tourbières étaient visibles non seulement sur leur gauche mais aussi devant eux, faisant obstacle à leur chemin. À un demi-kilomètre de distance, une ligne vert sombre de conifères marquait le retour de la terre ferme. "Si on continue vers l'ouest, peut-être que les marécages rétréciront aux abords du littoral."

      "Voilà qui est bien dit." Oriken donna une tape sur l'épaule de Dagra. "On trouvera un chemin. On finit toujours par trouver. Pas vrai ?"

      "Ouais", grogna Dagra. "On finit toujours par trouver."

      Ils finirent par trouver ce qu'ils cherchaient juste à l'approche du littoral. À cinq cents mètre le long du marais, ils trouvèrent un passage à gué fait de troncs d'arbres à demi-engloutis qui avaient été jetés sur la surface en rangées de trois.

      "Eh bien, voilà !" dit Oriken avec un sourire. "Quelqu'un a eu une généreuse idée."

      "Les dieux en soient remerciés," dit Dagra. "Mais je ne vais pas rester à attendre qui a fait ça." Il posa un pied sur le premier tronc à demi-submergé pour tester sa stabilité. "Ça m'a l'air assez ferme." Il avança de quelques pas, trouva son équilibre, puis se dirigea vers le tronc suivant.

      Jalis sauta avec légèreté sur le morceau de bois. "Ce passage a l'air vieux de plusieurs décennies, peut-être même d’un bon siècle, et il a probablement été jeté sur les ruines d'un gué plus ancien. Quiconque l'a construit est mort depuis longtemps."

      "Cent ans, un jour, les dieux voient l'avenir et mettent les pièces en place," dit Dagra. "Ils nous mettent à l'épreuve mais ils nous aident


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