Programme des Épouses Interstellaires Coffret. Grace Goodwin

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Programme des Épouses Interstellaires Coffret - Grace Goodwin


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peu à peu mon corps.

      Ils se trompent. Leur lenteur me permet de reprendre des forces. Mes muscles affaiblis se gorgent d’adrénaline. Je serre les poings, prêt à bondir.

      Le Drover ne me regarde jamais en face, il tient son pistolet laser d’une main et de l’autre, utilise une clé pour défaire la chaîne qui entrave mes poignets. Sa puanteur âcre et amère me remplit les narines. La sueur et des huiles amères me brûlent le nez. Ces bâtards sont pires que des animaux, ils sont prêts à tuer pour le moindre kopeck. Je vais me battre contre lui mais pas ici, pas sous la tente. Il faut que je sache combien ils sont. Je sais en gros combien ils sont, je les ai comptés lorsqu’ils m’ont traîné dans une autre tente pour me battre. Les Drovers qui m’ont amené là-bas ne font pas partie d’un groupe très étendu, ils vivent sous les tentes d’un campement nomade.

      On me décoche un coup entre les épaules, je tombe à l’extérieur, il fait frais. Dehors, je ne vois que de faibles lanternes accrochées à des pieux en bois. Tout est calme, hormis la respiration des nox, les grands animaux dont ils se servent comme moyen de transport. Les bêtes gigantesques sont enfermées dans un enclos non loin de là. Ce calme ne me dit rien qui vaille. Les Drovers ne parlent pas pour rien, ils ne sont pas sociables pour deux sous, aucun bruit ne provient des tentes, d’autres ennemis sont embusqués, hormis celui qui me pousse devant lui.

      Le sable est chaud sous mes pieds nus. J’avance précautionneusement, je reste sur mes gardes et surveille les alentours. Je pourrais facilement me débarrasser de ce Drover si j’agis sans bruit.

      Je pivote avant d’arriver à la tente, mon coude heurte son poignet et dévie la trajectoire du pistolet laser pointé sur moi. Son bras se retrouve contre ma hanche, le pistolet bloqué. S’il tire, tout le campement l’entendra. Je dois faire vite. Vif comme l’éclair, je lève les bras au-dessus de ma tête et passe mes mains liées autour de son cou. Il est petit, comme tous les Drovers, je le dépasse largement. Je passe mes mains autour de son cou et serre. Je le soulève vers le ciel sombre, pète sa trachée, étouffant son appel au secours. La douleur qui vrille mon épaule gauche me fait grimacer mais je continue. Je ne relâche pas ma prise, l’étrangle, tourne brusquement sa tête et brise sa nuque.

      Je dénoue mes bras et le laisse s’affaler dans le sable. Mort. Je me penche pour ramasser son pistolet laser et scrute le périmètre. Mon genou droit me fait un mal de chien. Je respire par à-coups, j’essaie de faire le moins de bruit possible en dépit de la douleur lancinante. Personne.

      Je le fouille et trouve les clés de mes menottes. Je libère mes poignets le plus rapidement possible et jette au loin les courroies en cuir, le sable mouvant du désert les recouvrira bientôt. Je me tiens à l’écart de la lumière des lanternes, je me fie au bruit des nox, ils constituent ma seule chance de m’échapper. J’ouvre facilement l’enclos de fortune, me dirige vers l’animal le plus à l’écart et trouve un seau rempli d’eau. Je me fiche que le nox ait bu dedans. J’ai quasiment pas bu depuis le début de ma captivité. Je me laisse tomber sur mon genou valide, je prends l’eau dans mes mains et bois. Ma soif étanchée, je me lève et tire l’animal par sa longe. Je défais la corde qui ferme l’enclos et attire le nox à l’extérieur. Je m’éloigne suffisamment du campement afin qu’aucun grognement ou signe de protestation de l’animal n’alerte mes ennemis, et me hisse sur son dos.

      La douleur me coupe le souffle et attise mes blessures. J’ai le genou en vrac, une entorse probablement. Un doigt cassé. Des commotions. Plusieurs côtes cassées. Ils ont lacéré mes cuisses au couteau, mon dos porte les marques du fouet. Je suis brûlant de fièvre, sûrement un poison Drover ou une infection, je n’en sais rien. Des couleurs bougent devant mes yeux et se détachent sur la noirceur de la nuit du désert, l’animal avance en ondulant sous mes jambes. Je plante les talons dans les flancs poilus de l’animal et lutte pour rester conscient, le gentil géant progresse à pas lents en plein désert.

      Je meurs de faim et je suis déshydraté. Je dois rejoindre l’Avant-poste Deux et le terminal de téléportation avant de succomber, tomber dans le sable et me faire piétiner par le nox. C’est le seul chemin pour rentrer, pour demander de l’aide. Pour retrouver Natalie.

       Natalie, planète Terre, Novembre

      Je m’assois par terre dans la salle de bain et m’agrippe aux toilettes. La nausée m’a tirée d’un sommeil agité il y une heure environ. J’ai l’estomac vide, mon malheur n’est pas terminé pour autant. Je me sens vraiment mal. Bon sang je déteste avoir la nausée. La porcelaine froide soulage ma peau moite. En temps normal, j’aurais été plus que gênée d’éprouver une quelconque amitié pour une cuvette de chiottes.

      Je suis revenue sur Terre depuis deux semaines. Deux semaines que la Gardienne Egara m’a trouvée inconsciente sur la plateforme de téléportation. Elle est restée bête en me voyant là. Je croyais n’être restée que deux jours sur Trion. Mais d’après un espace temporel des plus farfelus qui m’échappe totalement, j’ai quitté la Terre depuis onze semaines. Ça fait onze semaines qu’elle m’a téléportée sur ma nouvelle planète, chez Roark, mon nouveau partenaire. Elle me supposait définitivement installée. L’union idéale.

      Heureuse.

      Je l’ai été, durant quelques heures. Ces deux semaines m’ont paru une éternité. Ça fait deux semaines que j’attends que Roark vienne me chercher. Oui, la doctoresse dit qu’il a été tué lorsque les Drovers ont attaqué les gardes, je ne la crois pas. Roark a dit qu’il viendrait me chercher, qu’il ne lui arriverait rien. Il me l’a promis.

      Le temps passe et je me sens seule. Le centre de Recrutement des Epouses ne m’a rien dit, Trion n’a envoyé aucun message me concernant. La gardienne Egara m’a juré qu’elle me contacterait dès qu’elle aurait des nouvelles de Roark.

      Je l’ai appelée tous les jours … rien. Pas de nouvelles. La gardienne a même envoyé une demande d’information au gouvernement de leur planète. Ils lui ont seulement dit qu’un massacre avait eu lieu sur l’Avant-poste Deux et qu’il n’y avait aucun survivant.

      Aucun survivant, sauf moi.

      Mon humeur balance entre folie et tristesse. Folle qu’il m’ait laissée en plan, qu’il ait choisi ses parents plutôt que moi. Je suis passée en deuxième, il a préféré protéger ses parents et les gens du campement, il m’a écartée, il avait des choses plus importantes à faire. Il s’est comporté exactement comme les gens dans ma vie. Comme mes parents. J’étais leur enfant, ils m’ont jetée dans des internats pour que je ne gêne pas leur petite vie. Comme Curtis, mon stupide fiancé, qui couchait avec d’autres nanas parce qu’il avait pas le temps d’apprendre à me connaître ou qu’il n’en avait pas envie, il se fichait de savoir s’il me rendait heureuse.

      Ma colère a raison de mon énergie, je sombre dans le désespoir. Je déteste Roark, sa mort me met en colère. J’espérais qu’il viendrait me chercher, j’aurais pu l’engueuler, lui dire que j’avais failli mourir de chagrin, et l’embrasser éperdument.

      Au bout de quatorze jours, j’ai arrêté de me raconter des histoires. Il ne viendra pas. Il est mort.

      J’ai appelé mes parents—ils sont dans une villa en Sardaigne—pour leur annoncer mon retour sur Terre. Ils sont restés stupéfaits, ils se sont toujours demandés pourquoi j’étais partie. Apparemment, ils n’ont jamais trouvé mon mot, ils ignoraient que j’étais partie à des années-lumière de la Terre avec un extraterrestre canon. Ils s’en fichent, ils n’ont jamais demandé à personne si je reviendrais un jour.

      Ils ne comprennent pas le mot échec. Ils n’en ont pas besoin. Tout le monde sait sur la planète que les épouses ne reviennent jamais. Sauf moi.

      Je les ai toujours déçus. Ils ne savent évidemment pas que la gardienne Egara fut elle aussi une épouse et qu’elle est veuve. Je n’ai pas pris


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