Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1 - George Gordon Byron


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ont encore été fameux chez les Français. Ils ont Joubert, Hoche, Marceau, Lannes, Dessaix, Moreau et bien d'autres guerriers dont l'ancienne et prodigieuse renommée n'est pas même entièrement oubliée; mais mes rimes ne s'arrangent pas de leurs noms.

      4. Il y eut un tems où Nelson était le dieu de la guerre des Anglais, il devrait l'être encore; mais le vent a changé. On ne dit plus un mot de Trafalgar, son souvenir repose dans l'urne de notre héros. L'armée de terre est devenue l'objet de la faveur publique; ce qui donne de l'humeur à nos gens de mer. D'ailleurs le prince est tout pour le service de terre, il ne se rappelle plus Duncan, Nelson, Howe et Jervis.

      5. Il y eut des braves avant Agamemnon15; et depuis, il s'est rencontré une foule de gens sages et hardis comme lui, bien qu'ils ne lui ressemblassent pas en tout. Mais comme ils n'ont pas brillé sous la plume du poète, ils ont été oubliés. Moi, je ne condamne personne: mais pour mon nouveau poème, je ne vois personne aujourd'hui qui me convienne. Je prends donc, comme je l'ai dit, mon ami Don Juan.

      6. Bien des poètes héroïques se lancent in medias res (Horace prescrit même cette route à l'Épopée): alors, quand vous le jugez à propos, votre héros raconte par forme d'épisode ce qui lui est advenu précédemment, tandis qu'il est assis à son aise, après dîner, aux côtés de sa maîtresse, dans quelque agréable asile, palais, jardin, grotte ou paradis, dont l'heureux couple fait bientôt une taverne.

      7. C'est la méthode ordinaire, mais non la mienne. Je veux commencer par le commencement, et la régularité de mon plan m'interdit comme une énorme faute, toute espèce d'écarts. Je débuterai donc par un fil (dussé-je mettre une demi-heure à l'étendre) qui vous apprendra quelque chose du père de Don Juan, et de sa mère, si vous l'aimez mieux.

      8. Il naquit à Séville, agréable cité, fameuse par ses oranges et ses femmes. – Qui ne l'a pas vue est bien à plaindre; le proverbe le dit, et je suis de son avis. De toutes les villes d'Espagne, c'est la plus jolie, si ce n'est Cadix; – mais vous verrez bientôt. Les parens de Don Juan vivaient près de la rivière dont le noble cours s'appelle Guadalquivir.

      9. Son père avait nom José, – Don de race, véritable hidalgo, franc de toute souillure de sang maure ou hébreu, et traçant sa généalogie à travers les gentilshommes les plus Visigoths de l'Espagne. Jamais cavalier ne monta à cheval, ou une fois monté ne redescendit à terre comme José, qui engendra notre héros, qui engendra – mais c'est encore dans l'avenir. – Bon, pour mémoire16.

      10. Sa mère était une dame savante, fameuse par ses connaissances dans toutes les branches de sciences qui ont un nom dans les idiomes chrétiens. Ses vertus seules pouvaient égaler son esprit; elle surprenait les plus habiles, et les gens de bien eux-mêmes ressentaient une secrète envie en voyant ses bonnes œuvres surpasser en tout genre les leurs.

      11. Sa mémoire était une mine; elle savait par cœur tout Caldéron, et la plus grande partie de Lopez: si quelque acteur eût oublié son rôle, elle aurait pu lui tenir lieu du livre du souffleur. Pour elle l'art de Feinaigle17 aurait été inutile, et elle l'eût obligé de fermer sa classe. – Il n'eût jamais formé une mémoire aussi belle que celle qui ornait le cerveau de Donna Inès.

      12. Sa science favorite était celle des mathématiques; sa plus belle vertu était la magnanimité: son esprit (elle visait quelquefois à l'esprit) était tout attique, ses paroles graves se perdaient dans le sublime; enfin, sur tous les points, c'était bien ce que j'appelle un prodige. – Sa robe du matin était de basin, celle du soir était de soie, ou en été de mousseline, et autres tissus desquels je ne veux pas m'embarrasser davantage.

      13. Elle savait le latin, c'est-à-dire l'oraison dominicale; et de la langue grecque – l'alphabet, j'en suis presque sûr: par-ci, par-là, elle lisait quelques romans français, bien qu'elle ne parlât pas purement cette langue. Quant à l'espagnol qui lui était naturel, elle y mettait peu de soin, au moins sa conversation était-elle obscure. Ses pensées étaient des théorèmes et ses paroles de vrais problèmes, comme si elle eût cru que le mystère devait les ennoblir18.

      14. Elle aimait les langues anglaise et hébraïque, et elle disait qu'il y avait entre elles de l'analogie; elle le prouvait en citant quelque chose des Saintes-Écritures: mais je laisse les preuves à ceux qui les ont vues. Je lui entendis dire, et on ne peut le révoquer en doute, chacun en pensera ce qu'il lui plaira: «Il est étrange que le nom hébreu, qui signifie God, soit toujours employé en anglais pour gouverner Damne19.

      15......

      ......

      .......

      16. Enfin, c'était un système ambulant, – les Nouvelles de miss Edgeworth, ou les livres sur l'éducation de mistress Trimmer, échappés de leur reliure: ou bien, «la femme de Celebs20» partie à la recherche des amans. C'était la morale pour la première fois personnifiée, et chez laquelle l'envie n'aurait pu découvrir une seule paille. Les autres pouvaient se partager les défauts féminins; pour elle, elle n'en avait pas un seul, – le pire de tous.

      17. Oh! elle était parfaite, au-dessus de tout parallèle, – de toute comparaison, avec la plus sainte des femmes de ce tems. Elle prévalait tellement sur les puissances de l'enfer que son ange-gardien s'était dispensé de la surveiller. Même ses plus légers mouvemens étaient aussi réguliers que celui des meilleures montres de Harrison. Rien sur la terre ne pouvait la surpasser en vertus, excepté, «ô Macassar, ton huile incomparable21!!!»

      18. Elle était parfaite: mais comme la perfection est insipide dans ce monde corrompu, dans lequel nos grands parens n'apprirent à se caresser qu'après avoir été exilés de leurs premiers bosquets, où tout était paix, innocence et bénédiction (j'admire ce qu'ils faisaient pendant douze heures), Don José, en digne enfant d'Ève, allait souvent ravir çà et là différens fruits sans la permission de sa femme.

      19. C'était un mortel d'un naturel insouciant, peu curieux du savoir et des savans, allant toujours où l'appelait son inclination, et ne songeant pas que sa dame pût s'en inquiéter. Le monde, comme c'est l'usage, toujours méchamment disposé à voir un royaume ou un ménage bouleversés, murmurait qu'il avait une maîtresse; quelques-uns en comptaient deux: mais pour les querelles domestiques une seule pouvait suffire.

      20. Or, Donna Inès, avec tout son mérite, avait une haute opinion de tout ce qu'elle valait; et certes, pour supporter l'abandon, il faudrait une sainte. Inès l'était bien dans son système de conduite, mais elle avait un diable d'esprit: quelquefois elle mêlait à la réalité ses propres illusions, et elle laissa passer peu d'occasions de faire tomber dans le piége son légitime seigneur.

      21. C'était une chose facile avec un homme souvent dans son tort et jamais sur ses gardes: même les plus sages, quelle que soit leur vertu, ont des momens, des heures, des jours si malencontreux, que vous pourriez les abattre avec l'éventail de leurs femmes; souvent aussi les dames frappent trop fort, et l'éventail, sous leurs jolies mains, s'effile en lame de couteau. Comment et pourquoi? on ne le sait jamais bien.

      22. C'est pitié que des doctes vierges se marient avec des personnes sans instruction, ou qui, malgré leur bonne famille et leur éducation, restent au-dessous des conversations scientifiques. Je ne puis en dire beaucoup sur ce sujet, moi brave homme et de plus célibataire. Mais vous, époux de dames beaux-esprits, informez-vous au juste si elles ne vous ont pas toutes menés par le nez?

      23. Don José et sa femme se querellèrent. —Pourquoi? Pas un ne le devinait, bien que plusieurs milliers de curieux essayassent de l'apprendre, ce qui sûrement leur importait aussi peu qu'à moi. Je déteste le vice ignoble de la curiosité: mais si j'ai quelque talent remarquable, c'est celui d'arranger les affaires de tous mes amis, n'ayant pour mon compte aucun embarras domestique.

      24. J'intervins donc, et avec les meilleures intentions;


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<p>15</p>

Vixere fortes ante Agamemnona, etc.

(Horace.)
<p>16</p>

Ici, comme dans la plupart de ses ouvrages, Lord Byron, sous des noms supposés, rappelle l'histoire de sa vie. Nous renvoyons les lecteurs aux passages des Mémoires du capitaine Medwine, dans lesquels Lord Byron parle de sa femme et de leur séparation. On trouve ici, dans Inès, le portrait de Lady Byron, et dans les chagrins de José tous ceux que le mariage fit éprouver à Byron lui-même.

<p>17</p>

Inventeur de la mnémotechnique.

<p>18</p>

«Lady Byron, disait Lord Byron, avait de bonnes idées, mais ne pouvait les exprimer. Ses lettres étaient toujours énigmatiques, souvent inintelligibles; elle avait des principes classés mathématiquement.»

(Les Conversations.)
<p>19</p>

Je suis, en hébreu, signifie aussi, Dieu, God. Il est probable que le poète a eu surtout en vue de se moquer d'une célèbre blue (peut-être Lady Byron), en rappelant ici une de ses singulières réflexions.

<p>20</p>

Titre d'un roman moral de Miss Anna More.

<p>21</p>

Voyez la Notice qui accompagne ordinairement la bouteille de l'huile incomparable de Macassar.

(Note de Byron.)