Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1 - George Gordon Byron


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de campagne. Ici nous laisserons raconter madame Belloc qui entendit tous les détails de l'entrevue, de la bouche même de M. Det Striitz.

      «M. Det Striitz y alla le lendemain, et trouva Lord Byron devant une table, examinant une carte de la Grèce. Il se leva et lui fit l'accueil le plus favorable… Il adressa à cet officier plusieurs questions sur la situation des Grecs. «Il parlait avec tant de feu, me dit le colonel, que j'avais quelquefois de la peine à suivre le cours de ses idées; je m'efforçai cependant de le mettre au fait de tout ce qu'il désirait savoir.» Après être entré dans une foule de particularités, il retint à dîner le colonel, et en sortant de table il prit son bras et le conduisit dans le parc qui entourait la maison. «Tout d'un coup, au détour d'une allée, il s'arrête brusquement et me dit: Pensez-vous que ma présence pût être utile aux Grecs? me verraient-ils avec plaisir? Je ne pouvais croire qu'il voulût échanger l'existence agréable qu'il menait pour une vie de privations, d'inquiétudes et de dangers. Je n'hésitai pourtant pas à répondre que sa présence serait pour les Grecs un bienfait, et qu'il était digne de travailler à une régénération que ses écrits avaient en partie commencée. Je le voudrais de grand cœur, répondit-il; mais je crains que mes moyens ne soient en disproportion avec ma tâche. Enfin, je ferai ce que je pourrai. Mon projet d'aller en Grèce ne date pas d'aujourd'hui; je le nourris depuis long-tems. Je ne suis plus indécis sur mon voyage; mais ce qui m'importe, c'est de le rendre utile. Et le lendemain matin, en me revoyant, il me dit encore: «Je n'ai pu dormir cette nuit que d'un sommeil agité. Je me voyais toujours à la tête des braves Souliotes, ou à côté d'un de leurs intrépides chefs, combattant les Turcs sans vouloir leur faire grâce, et il se pourrait que mon rêve se réalisât un jour; car je n'irai pas en Grèce pour y être oisif. Je veux me faire faire des armes avant de partir.»

      Deux mois s'étaient à peine écoulés depuis cette entrevue, quand il s'embarqua à Livourne accompagné du comte de Gamba et de ses compatriotes sir Edouard Trelawney, Hamilton Browne, etc. Dans les derniers jours d'août le vaisseau jeta l'ancre dans un des ports de Céphalonie.

      Céphalonie est l'une des îles ioniennes laissées sous la protection du gouvernement anglais, depuis le traité de paix de 1814. Lord Byron qui n'ignorait pas, en se dévouant désormais à la cause des Grecs, les dissentions déplorables qui régnaient parmi eux, craignit, s'il descendait de prime abord sur le théâtre de l'insurrection, de ne servir qu'un parti en voulant soutenir la cause commune. Il connaissait les Grecs, leur turbulence, leur jalouse indépendance, leur misère et leur avidité; il n'ignorait pas que déjà ces défauts, suite naturelle du genre de vie des Arnautes, avaient fait retourner sur leurs pas un grand nombre d'Européens accourus en Grèce dans l'espoir chimérique d'avoir pour compagnons des milliers d'Aristides ou de Périclès. Ces dissentions, ces motifs de découragemens, voilà ce que Byron voulait essayer de détruire en se rendant en Grèce; mais il fallait avant tout qu'il connût l'exacte situation des choses.

      Les Grecs venaient de commencer la troisième campagne sous d'heureux auspices. Tandis que l'armée des deux pachas Yussuf et Mustapha était taillée en pièces dans les défilés des Thermopyles par le brave Odysseus, l'ancien Péloponèse était presque entièrement affranchi du joug des Turcs; mais, du côté de l'Étolie, une nouvelle armée, commandée par le pacha de Scutari, s'avançait jusqu'aux murs de Missolonghi, et cette ville importante et tous les ports de la Grèce occidentale étaient déjà bloqués par les armées de terre et de mer des Turcs.

      Byron commença par envoyer sur le continent MM. Trelawney et Browne, avec la mission d'explorer l'état de tous les partis. En attendant leur retour, il fixa son séjour dans la petite ville de Metaxata, qui devint aussitôt, pour ainsi dire, le point central du gouvernement grec, tant était grande la réputation qui le précédait.

      Elle grandissait encore tous les jours; ceux qui l'approchaient, Anglais, Français, Allemands et Grecs, ne se lassaient pas d'admirer la profondeur de ses plans et la magnanimité de ses intentions. Sans cesse appliqué à rechercher des instructions positives, il écoutait avec attention les rapports les plus contradictoires: il répandait l'or à pleines mains, mais avec discernement.

      Voici la source de tout l'argent qu'il prodiguait: «J'ai écrit, dit-il dans une lettre du 13 octobre 1823, à notre ami D. Kinnaird, le priant de m'envoyer tous les crédits qu'il pourra réunir. De plus, j'ai en avance une année de revenu et la vente d'une terre par-devers moi. – Jusqu'à ce que les Grecs trouvent un emprunt, il est probable que je serai leur meilleur banquier, c'est-à-dire tant que ma signature aura cours. Répétez-lui cela, et dites-lui que je vais tirer, d'une manière effrayante sur M. R***. Je ne lésine pas quand nos braves se décident à reprendre les armes; et s'ils persévèrent ils seront encore mieux venus. Ils ont eu hors de ma poche, et d'un seul coup, quatre mille livres sterlings (outre quelques distributions partielles), et le prochain déboursé sera au moins aussi considérable. Et comment pourrais-je, dites-moi, leur refuser s'ils se battent? et si je suis avec eux? etc.»

      Cependant il reçut des nouvelles de M. Trelawney. Ce loyal ambassadeur avait assisté au congrès de Salamis, et l'on y avait décidé qu'Odysseus marcherait sur Négrepont, Colocotroni sur Patras, et que Mavrocordato serait chargé de défendre Missolonghi. «Si cette ville tombe, écrivait Trelawney, Athènes et des milliers de têtes sont en péril. Il faut que la flotte secoure cette ville. Je donnerais ma tête à monnayer pour sauver cette clef de la Grèce.» Byron comprit ce langage; il fit équiper deux navires ioniens et quitta Céphalonie le 29 décembre, faisant voile pour Missolonghi. Le 31, à la hauteur de Zante, ils furent rencontrés par un corsaire turc. Le premier navire, sur lequel il était, parvint à l'éviter; le second, qui transportait le comte Gamba et plusieurs domestiques de Lord Byron, fut moins heureux: les captifs furent conduits à Patras, devant Yussouf-Pacha. Grâces au sang-froid de Gamba qui, en réclamant hautement le privilége des pavillons anglais, parvint à intimider le chef musulman, il leur fut permis de se rendre à Missolonghi; mais, à leur grand étonnement, ils n'y trouvèrent pas Lord Byron. Les vents contraires l'avaient forcé de s'arrêter sur des rochers situés à quelques milles de Missolonghi; et en se remettant en mer, son navire avait touché un bas-fond. Heureusement, Mavrocordato envoya bientôt à sa rencontre plusieurs bateaux qui le prirent à bord, avec sa suite, et le conduisirent à Missolonghi.

      Lord Byron fut reçu, par les Grecs, au milieu des transports de joie et de reconnaissance. Il profita de ces premiers instans d'enivrement pour servir la cause de l'humanité. Le jour de son arrivée, un Turc, tombé entre les mains de quelques bateliers, allait expirer dans les tourmens: Byron le fait venir et s'empresse de réclamer sa grâce; mais il avait affaire à des hommes peu accoutumés à de semblables rémissions, et sa demande ne fut pas accueillie. Alors il soustrait à toutes les recherches le prisonnier, et quand les Grecs furieux viennent le réclamer à grands cris: «Vous me tuerez, leur dit-il, avant de me forcer à vous livrer cet homme. Barbares que vous êtes, comment osez-vous agir ainsi, et vous dire chrétiens?» Il garda chez lui, pendant quelque tems, le Turc que la frayeur avait rendu malade, puis il profita de la première occasion pour le renvoyer, guéri, à Patras où demeurait sa famille.

      Ce n'est pas tout. À quelques jours de là il obtint encore du prince Mavrocordato la délivrance de plusieurs autres prisonniers, qu'il fit habiller à ses frais et reconduire au pacha de Scutari. Ces Turcs remirent, de sa part, à leur maître une lettre dont nous citerons les dernières phrases: «Si cette circonstance trouve place dans votre souvenir, j'ose prier Votre Hautesse de traiter les Grecs qui pourraient, par la suite, tomber en votre pouvoir, avec humanité: j'insiste d'autant plus sur ce point, que les horreurs de la guerre sont déjà assez grandes sans les aggraver, des deux côtés, par des cruautés inutiles. – Missolonghi, 23 janvier 1834.» C'est, je crois, la première et la seule fois que la plume de Lord Byron ait tracé l'expression de formes obséquieuses et suppliantes.

      Je passe sous silence d'autres traits nombreux du même genre. Il eut, d'ailleurs, moins de peine à ramener à des sentimens généreux les Grecs altérés de vengeance, que les officiers européens, à des plans sages et raisonnables. Certes, il ne fallait pas une grande profondeur de jugement pour sentir que, dans les circonstances présentes, les premiers besoins des Grecs étaient des canons, des vaisseaux, des munitions de guerre de toute espèce, et peut-être


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