Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн ОÑтин
Читать онлайн книгу.et il était si plein de vos mérites, que je ne sais ce qu’il ne m’a pas dit de vous.
Je suis bien flattée de son suffrage ; il me paraît un excellent homme, et il me plaît beaucoup.
— Et à moi aussi, je vous assure ; c’est un charmant homme que le colonel Brandon. C’est seulement grand dommage qu’il soit si sombre et si ennuyeux. Maman dit qu’il était aussi amoureux de votre sœur ; moi je ne puis le croire, il est si grave ; je ne l’ai jamais vu amoureux de personne.
— Est-ce que M. Willoughby est répandu dans la bonne société de Sommerset-Shire, dit encore Elinor ?
— Oh oui ! très répandu : je ne crois pas cependant que beaucoupde gens le connaissent ; Haute-Combe est si loin et il y est si peu ; mais on le trouve très-agréable, je vous assure ; personne n’est plus aimé que lui de toutes les femmes ; vous pouvez le dire à votre sœur. Elle est bien heureuse d’avoir fait sa connaissance ; il est si riche ! Au reste elle est très-belle aussi, et rien n’est trop beau pour elle. Cependant, je vous assure que je vous trouve, moi, presque aussi jolie qu’elle, et M. Palmer aussi ; car il disait hier au soir qu’il ne pouvait pas vous distinguer. Quant à moi je vous admire beaucoup toutes deux ; je suis charmée d’avoir fait votre connaissance, et j’espère vous revoir souvent. Il me vient une charmante pensée ; il faut à présent que vous épousiez le colonel Brandon : ne le voulez-vous pas ? cela peut fort bien aller à présent.
Elinor ne put s’empêcher de rire. Pourquoi à présent demanda-t-elle ?
— Pourquoi ? ah ! je sais bien pourquoi je dis cela, et je veux bien vous le dire ; c’est qu’à présent je suis mariée : voyez, c’est l’intime ami de mon beau-frère. Sir Georges et maman s’étaient mis dans la tête qu’il devait m’épouser ; ma sœur aussi le désirait beaucoup ; c’était une affaire arrangée. Mais le colonel n’en parla point ; sans quoi on nous aurait mariés immédiatement. Maman dit cependant que j’étais trop jeune ; et aussitôt après M. Palmer me fit la cour, et je l’aime beaucoup mieux ; il est si drôle M. Palmer, c’est justement le mari qu’il me fallait pour être heureuse.
Elinor cessa l’entretien sans avoir rien appris de ce qu’elle voulait savoir, et fatiguée de tout ce qu’elle avait entendu.
CHAPITRE XXI.
Les Palmer repartirent le jour suivant ; et la famille de Barton-Park et celle de Barton-Chaumière, restèrent seules chacune chez soi, à la grande satisfaction de la dernière. Mais ce ne fut pas pour long-temps. Ces dames avaient à peine eu celui d’oublier la joyeuse madame Palmer et son rude amour, et de réfléchir à la différence d’humeur de ce couple, (ce qui ne se trouve au reste que trop souvent dans le mariage) que sir Georges et madame Jennings leur procurèrent matière à d’autres observations.
Il leur était impossible de ne pas chercher une société nouvelle ; et pour se désennuyer dans leur solitude, ils firent un matin une excursion à Exeter ; ils rencontrèrent là par hasard deux parentes éloignées de madame Jennings ; mais ce fut assez pour que sir Georges les invitât tout de suite à venir passer quelque temps au Parc. Extrêmement flattées d’être appelées cousines par un baronnet et de faire la connaissance de leur illustre parente, lady Middleton, elles n’eurent rien de plus pressé que d’accepter l’invitation pour le lendemain, et de laisser les amis obscurs chez qui elles logeaient.
Lady Middleton fut au désespoir, au retour de son mari, d’apprendre qu’elle allait avoir chez elle, à sa table, dans son élégant salon, deux provinciales qu’elle ne connaissait point, qui sans doute seraient gauches, mal mises et qui auraient mauvaise tournure. En vain son mari et sa mère la rassuraient et lui disaient que mesdemoiselles Stéeles étaient deux charmantes personnes. Elle se défiait de leur goût, et tremblait de les voir arriver. Ce titre de cousine qui n’était point du bon ton, et qu’elles lui donneraient sans doute à tout propos la faisait frémir. Mais qu’y faire ? elles étaient invitées, elles avaient accepté, il fallait bien les recevoir ; lady Middleton s’y résigna. Elle connaissait trop bien l’usage pour manquer à la politesse ; mais elle se promit seulement d’y joindre toute la dignité et la froideur convenable ; elle fut d’ailleurs un peu consolée en apprenant que mesdemoiselles Stéeles étaient jeunes encore et qu’on pouvait au moins les faire danser et les lier avec mesdemoiselles Dashwood, qui ne lui plaisaient pas infiniment.
Elles arrivèrent ; et lady Middleton en fut beaucoup plus contente qu’elle ne se l’était imaginé. Leur toilette n’était pas trop éloignée de la mode ; leur abord fut très poli sans trop d’empressement ; et le terrible mot de cousine ne sortit pas de leur bouche. En échange celui de milady fut souvent répété, avec des extases sans fin sur le goût de ses appartemens, sur la beauté des meubles. Quand ce vint au tour des enfans ce fut un enchantement dont on ne peut se faire d’idée. Jamais elles n’avaient vu d’aussi charmantes petites créatures ; c’étaient vraiment de petits anges. Enfin le hasard les servit si bien pour prendre lady Middleton par ses faibles, qu’avant une heure elle avait fait réparation entière aux protégées de sa mère et de son mari à qui elle déclara que c’étaient les deux plus charmantes jeunes filles qu’il y eût au monde, et les remercia de les avoir invitées. L’éloge et l’hyperbole étaient si rares dans sa bouche, que sir Georges en fut aussi fier que si cela l’eût regardé lui-même, et que, pressé de faire parade de ses aimables cousines et de son discernement, il partit à l’instant pour la Chaumière. Il fallait, toute affaire cessante, apprendre à mesdemoiselles Dashwood l’arrivée des deux plus charmantes filles qu’il y eût au monde. Dans sa joie de l’approbation de sa femme, il menait ses parentes mêmes avant les siennes propres. Elinor sourit à cet éloge qui allait toujours en croissant. — Venez, venez, disait-il ; il faut que vous veniez tout de suite ; vous serez enchantées, ravies ! elles ont gagné le cœur de lady Middleton au premier moment ; ce sera de même avec vous, vous verrez. Lucy, la cadette, qui est très-belle, est aussi gaie qu’agréable ! mes enfans sont déjà autour d’elle comme autour de leur maman. Elles ont rempli leur voiture de joujoux et de bonbons. N’est-ce pas une charmante attention ? elles languissent de vous voir, et vous êtes proches parentes ; elles sont les cousines de ma femme, et vous, les miennes. On leur a dit à Exeter, que vous étiez aussi les plus belles personnes du monde. Je le leur ai confirmé, et j’ai dit bien d’autres choses encore, en sorte qu’elles meurent d’impatience de se lier avec vous… Vous riez, Elinor.
— Oui, sir Georges, j’admire le hasard étonnant qui rassemble à Barton les cinq plus belles personnes de l’univers.
— Eh bien ! vous verrez si je mens, et si ce n’est pas comme je vous le dis. Venez donc, vous regretterez ensuite tous les momens où vous n’aurez pas été ensemble.
Tout ce qu’il put obtenir, ce fut la promesse d’aller le lendemain faire visite aux nouvelles venues. Il s’en alla surpris de cette indifférence. Tout autre que lui aurait soupçonné, qu’elle avait pour motif la rivalité de perfections ; mais sir Georges n’imaginait jamais le mal, et n’en eut pas l’idée. De retour chez lui, il vanta ses cousines aux demoiselles Stéeles avec le même feu, en sorte que chacune d’elles devait s’attendre à voir des êtres parfaits. Mais Elinor qui connaissait l’optimisme du baronnet et son enchantement pour les nouvelles connaissances, rabattait beaucoup de ses éloges, et Maria ne s’en occupait point.
Quand elles arrivèrent le lendemain au Parc pour faire leur visite, sir Georges les présenta les unes aux autres avec la même emphase qu’il avait mise à leurs éloges ; et l’on comprend qu’elles s’examinèrent avec attention.
L’aînée des demoiselles Stéeles, miss Anna, avait près de trente ans, assez d’embonpoint, un de ces visages insignifians qui n’expriment rien du tout, et de qui on n’a rien à dire ni en bien ni en mal. Lucy, le prodige de beauté de sir Georges, était en effet très jolie ; ses traits étaient réguliers,