Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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Elles parlaient avec ravissement des enfans, de leur beauté, de leur intelligence ; elles jouaient avec eux, supportaient tous leurs caprices, répondaient sans se lasser à leurs questions importunes ; avec milady elles admiraient l’arrangement de la maison, la bonté des mets, le goût de sa parure, lui demandaient des patrons de ses broderies, des modèles de ses chiffons, lui offraient de lui aider dans ses ouvrages, ou de faire mille bagatelles pour amuser les enfans. Lady Middleton écoutait complaisamment toutes ces flatteries, et trouvait ses nouvelles cousines toujours plus aimables et d’une affection inépuisable. Les enfans en général tourmentent à proportion de ce qu’on les gâte ; et ceux qui s’occupent sans cesse d’eux et qui cèdent à toutes leurs fantaisies, en sont les premières victimes. Mais les demoiselles Stéeles souffraient tout avec une patience qui leur gagna en entier le cœur de la faible mère. Les rubans de leur ceinture dénoués, leurs cheveux défaits, leurs boucles d’oreilles tordues, leurs bracelets décrochés, toutes leurs bagues tirées de leurs doigts et roulant sur le plancher, leur corbeille d’ouvrage renversée, leurs ciseaux perdus ; tout cela était charmant. Ils avaient une activité adorable, une grâce parfaite dans leurs petits mouvemens. On les laissait grimper sur les genoux, chiffonner les robes ; tout était délicieux ! La maman applaudissait par un sourire, et ne s’étonnait que de l’apathie de mesdemoiselles Dashwood qui ne prenaient nulle part à ces jeux. Pour l’ordinaire elles caressaient les enfans, mais sans s’en laisser tourmenter. Ce jour-là les nouvelles venues s’en emparèrent tellement, et les rendirent si insupportables qu’elles se tinrent prudemment à l’écart.

      Georges est très-gentil, très-animé aujourd’hui, dit lady Middleton en voyant son fils aîné prendre le mouchoir de mademoiselle Anna et le jeter par la fenêtre ; c’est un petit malicieux. Williams sera votre petit amoureux, miss Lucy, je vois cela. L’enfant lui pinçait le bras à lui faire un noir ; il eut un baiser pour récompense de la souffrante Lucy. Et ma chère petite Selina, dit cette dernière, en prenant sur ses genoux une petite fille de trois ans, l’idole de sa mère, et par conséquent la plus méchante. Elle resta par hasard sans bouger pendant deux minutes. Charmante enfant ! est-elle toujours si douce, si tranquille ? c’est un modèle de sagesse. Malheureusement en l’embrassant, une des épingles de Lucy toucha le cou de la petite, et ce modèle de sagesse fit de tels cris et donna des coups si violens de sa petite main sur celle de Lucy, qu’elle fut obligée de la mettre à terre ; mais elle s’y mit aussi à côté d’elle, et la couvrait de baisers en jetant la coupable épingle, et en demandant mille et mille pardons à l’enfant et à sa mère, qui avait couru chercher de l’eau, et qui bassinait la plaie, qu’à peine on pouvait voir, pendant que Lucy, toujours à genoux, donnait à la petite des morceaux de sucre l’un après l’autre. Mais l’enfant voyant ce que lui procuraient ses cris, n’avait garde de se taire ; au contraire elle les redoublait et battait tout le monde avec un de ses petits poings fermés : l’autre était plein de morceaux de sucre. Ses frères voulurent lui en prendre, ils eurent chacun un bon coup de pied. Enfin rien ne pouvant l’appaiser, sa mère se rappela que sa chère petite Selina qui souffrait sûrement beaucoup, aimait passionnément la marmelade d’abricot ; et l’enfant à ce mot ayant cessé ses cris une seconde, elle lui en promit et l’emporta pour lui donner de cet excellent remède. Ses frères qui espéraient en avoir leur part, la suivirent, quoique leur mère leur ordonnât de rester ; et pour quelques momens les jeunes dames furent tranquilles. Charmante petite créature, dit miss Anna, cet accident aurait pu être affreux !

      — Je ne crois pas qu’il y ait danger de mort, dit Maria en souriant ironiquement ; elle en reviendra.

      — Je ne me consolerai jamais d’avoir été la cause de cet accident, dit Lucy ; une enfant si aimable, et que sa mère aime si passionnément ! Quelle femme enchanteresse que lady Middleton ! si belle, si élégante et si sensible ! ne le trouvez-vous pas, mademoiselle ?

      Maria garda le silence ; il lui était impossible de dire ce qu’elle ne pensait pas. Elinor toujours prête à réparer ses impolitesses, loua les grâces et l’air noble de lady Middleton.

      — Et sir Georges, dit l’aînée ; quel homme aimable ! je le crois plein d’esprit ; du moins il en annonce beaucoup.

      — c’est le meilleur des hommes, dit Elinor, toujours de bonne humeur, excellent mari, bon père, bon ami.

      — Et quelle charmante petite famille ! je n’ai jamais vu de plus beaux enfans. On comprend facilement l’excessive tendresse de leur mère pour ces angéliques petites créatures. On pourrait peut-être les trouver un peu gâtés, un peu turbulens ; mais j’aime les enfans pleins de vie et de feu ; je ne puis les supporter timides et tranquilles ; aussi j’adore ceux-ci.

      — c’est ce qui m’a paru, dit Elinor, et je vous trouve heureuse d’avoir ce goût à Barton.

      On se tut sur ce sujet. Après une pause, mademoiselle Stéeles l’aînée demanda brusquement à Elinor : Aimez-vous le Devonshire ? Je suppose que vous avez bien regretté Sussex.

      Un peu surprise de la familiarité de cette question, Elinor répondit seulement, oui, mademoiselle.

      — Je comprends cela ; Norland est une magnifique habitation, et passer de là dans une chaumière, c’est assez triste.

      — Une chaumière telle que celle où notre parent sir Georges Middleton a bien voulu nous placer, ne donne lieu a aucun regret, dit vivement Maria.

      Lucy lança à sa sœur un regard terrassant et se hâta de dire que dans tout ce que sir Georges et milady arrangeaient, on reconnaissait leur goût ; mais qu’ils leur avaient dit que Norland était une des plus belles campagnes de l’Angleterre.

      — Elle est très-belle en effet, dit Elinor, mais je crois qu’il y en a de plus belles encore, et il n’y a que peu ou point de chaumière comme la nôtre.

      — Mais aussi pourquoi lui donner ce nom, dit miss Anna, cela présente une idée ?…

      — Ne voyez-vous pas, ma sœur, dit Lucy, que c’est un nom de fantaisie, un nom romanesque ?

      Anna se tut humblement ; puis elle reprit bientôt ainsi : Aviez-vous des elégans à Sussex ? Je suppose qu’ici ils sont assez rares, et quant à moi je trouve que rien n’embellit plus un séjour que d’y voir beaucoup d’élégans. Cela anime la vie ; ne le trouvez-vous pas aussi ? Encore un regard de Lucy fit baisser les veux à sa sœur. Qu’est-ce que vous voulez dire, Anna ? et sur quoi pensez-vous qu’il n’y ait pas de jeunes gens très-bien à tout égard en Devonshire comme à Sussex ?

      — Je sais bien, Lucy, qu’il y a de très-jolis garçons à Exeter, dit Anna ; mais ils ne sont pas reçus ici ; et je craignais que les demoiselles Dashwood ne s’ennuyassent à Barton si elles n’en voient point ; c’est pourquoi je leur demandais si elles en voyaient beaucoup à Norland. Je voudrais par exemple qu’elles pussent rencontrer M. Rose d’Exeter, le clerc de M. Simpson, vous savez bien, Lucy ; c’est un beau jeune homme celui-là, et tout à-fait élégant. Je pense que si votre frère vous ressemble, il devait être charmant avant d’être marié, et il était si riche ! c’était un merveilleux, n’est-ce pas, un véritable élégant ? j’aurais bien voulu le rencontrer.

      — Je ne puis en vérité vous répondre là-dessus, dit Elinor ; je ne comprends pas parfaitement ce que vous entendez par un merveilleux. Tout ce que je puis vous dire, c’est que si mon frère en était un avant son mariage, il l’est encore, car il n’est pas du tout changé.

      — Ah mon Dieu, quelle idée ! un homme marié élégant ! je ne puis me représenter cela. Les hommes mariés me sont à moi très-indifférens.

      — Mais, Anna, lui dit sa sœur, n’avez-vous rien autre chose à dire que de parler des jeunes gens et des élégans ? Mesdemoiselles Dashwood vont croire que vous n’avez rien autre chose dans l’esprit. Alors changeant de propos elle parla de chiffons, de modes, et d’autres objets aussi intéressans.

      Les deux plus charmantes personnes du monde étaient jugées dans l’esprit d’Elinor et de Maria. La commune familiarité de l’aînée et son mauvais ton, la mirent entièrement


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