Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн ОÑтин
Читать онлайн книгу.Barton ; et les maîtres, et la maison, et les enfans, et les chevaux, et les chiens, et les meubles, et les belles cousines : tout était l’objet des éloges les plus outrés. Il était difficile d’exagérer sur mesdemoiselles Dashwood ; aussi furent-elles déclarées les personnes les plus belles, les plus élégantes, les plus accomplies en tout point qu’il fût possible de voir, et celles dont elles désiraient le plus passionnément faire des intimes amies. Sir Georges ne le désirait pas moins, et fit tout ce qui dépendait de lui pour former cette liaison. Elinor vit qu’elle ne pouvait s’y refuser tout-à-fait ; et qu’il fallait au moins se soumettre à être assises à côté les unes des autres quelques heures dans la journée ; Sir Georges n’en demandait pas plus : dans ses idées d’amitié, il suffisait de se voir en société, et de causer ou de danser ensemble pour être intimes amies. De son côté pour accélérer cette intimité, il confia aux demoiselles Stéeles tout ce qu’il savait ou supposait de la situation des dames de la Chaumière. Et dès leur troisième rencontre, mademoiselle Stéeles l’aînée félicita Elinor sur ce que sa sœur avait fait la conquête du beau, de l’élégant Willoughby. Il est sûr, lui dit-elle, que c’est une chose très-agréable que de se marier jeune avec un si bel homme ; car on m’assure qu’il est vraiment d’une figure remarquable, que c’est un véritable élégant ; et votre sœur est bien heureuse. J’espère que vous trouverez aussi bientôt un bon parti, car il n’est point agréable, je vous assure, de voir passer ses cadettes avant soi : mais peut-être votre choix est-il déjà fait en secret. Elinor se sentit rougir ; elle ne pouvait pas se flatter que sir Georges fut plus discret dans ses soupçons et dans ses conjectures sur elle que sur sa sœur ; il la plaisantait même de préférence depuis la visite d’Edward. Il n’avait jamais dîné ensemble sans qu’il bût à la lettre F. depuis le commencement du dîner jusqu’à la fin, en regardant Elinor. Dès que les miss Stéeles eurent entendu cette plaisanterie, elles furent très-curieuses d’en savoir davantage, et tourmentèrent sir Georges pour qu’il leur dît en entier le nom de l’heureux mortel au sujet duquel il raillait Elinor ; il se fit peu presser, et il eut autant de plaisir à le dire que miss Anna à l’entendre.
— Son nom est Ferrars, dit-il à demi voix ; mais je vous en prie n’en parlez pas, c’est encore un secret.
— Ferrars ! répéta Anna, est-il possible ? Le jeune Ferrars, le frère de votre belle-sœur, miss Elinor, est donc l’heureux mortel dont parle sir Georges ; eh bien ! j’en suis charmée pour plusieurs raisons : c’est un très-agréable jeune homme, je le connais très-bien, c’est un élégant. Cette dénomination ne convenait nullement à Edward, mais c’était le mot favori d’Anna pour parler d’un jeune homme du bon ton. Elinor émue de l’entendre nommer comme son amant avoué, fit peu d’attention à ce mot ; elle fut plus surprise d’entendre Lucy dire assez aigrement à sa sœur, qu’elle contrariait sans cesse. Comment pouvez-vous dire, Anna, que nous le connaissons très-bien ? nous l’avons vu par hasard une fois ou deux chez mon oncle, et ce n’est pas le connaître ? vous savez fort bien que je ne connais pas du tout messieurs Ferrars.
— Elinor écoulait avec attention : Qui était cet oncle ? où demeurait-il ? comment Edward le connaissait-il ? Elle aurait voulu que l’entretien continuât, sans pourtant s’y joindre elle-même ; mais on ne dit rien de plus, et pour la première fois elle trouva madame Jennings bien peu curieuse ou bien discrète. La manière dont Lucy avait parlé d’Edward l’avait frappée et lui donnait l’idée qu’elle savait ou croyait savoir quelque chose à son désavantage. Sa curiosité ne fut point satisfaite, le nom de M. Ferrars ne fut plus prononcé ni par les deux sœurs ni par sir Georges.
CHAPITRE XXII.
Maria ne pouvait avoir la moindre indulgence pour des personnes aussi communes, aussi peu instruites, et qui n’avaient avec elle aucune espèce de rapport d’esprit et de goût ; elle les écoutait à peine, ne leur parlait jamais, et par sa froideur soutenue leur ôta bientôt tout espoir de liaison. Elles se retournèrent entièrement du côté d’Elinor, plus affable et plus honnête, et qui l’était plus encore pour réparer les torts de Maria. Lucy principalement parut s’attacher véritablement à elle, cherchait toutes les occasions de s’en rapprocher, de l’engager dans des conversations particulières, enfin de lui témoigner une amitié à laquelle un bon cœur, tel que celui d’Elinor n’est jamais insensible. Lucy Stéeles d’ailleurs ne manquait pas d’une sorte d’esprit naturel ; ses remarques étaient souvent justes et amusantes, et pour une demi-heure elle pouvait être une compagne assez agréable ; mais elle n’avait aucune des ressources que donne une bonne éducation. Elle était ignorante autant qu’on peut l’être ; toute sa littérature se bornait à quelques mauvais romans ; elle ne pouvait parler sur aucun sujet un peu relevé, et malgré tous ses efforts pour paraître à son avantage, et se mettre autant que possible au niveau d’Elinor, qui tâchait de son côté de se mettre au sien, il y avait trop de distance entr’elles, pour que mademoiselle Dashwood pût jamais en faire une amie. Le manque d’éducation et de connaissances n’aurait pas été peut être un obstacle insurmontable ; un bon cœur, un caractère aimable lui auraient bien vite fait pardonner son ignorance, mais Elinor eut bientôt remarqué chez Lucy un manque de délicatesse, de sincérité, et de cette rectitude de principes qui sont la première base d’une intime liaison. Il lui fut impossible alors de trouver quelque plaisir dans la société d’une personne qui joignait la fausseté à l’ignorance, dont le manque d’instruction rendait l’entretien insipide, et qui par ses basses adulations pour les habitans du Parc, dont elle se moquait ensuite avec Elinor, ôtait à celle ci toute espèce de confiance dans l’amitié qu’elle lui témoignait. Elle aurait voulu en conséquence l’éloigner un peu plus, mais Lucy mettait tant de zèle et d’activité à se rapprocher d’elle, que cela n’était pas facile.
Un jour Lucy l’avait accompagnée du Parc à la Chaumière ; elles étaient seules, et après quelques momens d’hésitation, Lucy dit à Elinor : vous allez trouver ma question bizarre ; dites-moi, je vous en prie si vous connaissez particulièrement la mère de votre belle sœur, madame Ferrars ? Elinor trouva en effet la question extraordinaire, et, sa contenance l’exprima, en répondant qu’elle n’avait jamais vu madame Ferrars.
— En vérité, dit Lucy, c’est étonnant ! je pensais que vous l’aviez vue au moins quelquefois à Norland, et que vous pourriez me donner quelques détails sur sa manière, sur sa tournure, sur son caractère.
— Non, répondit Elinor, en s’efforçant de cacher son opinion réelle sur la mère d’Edward, et n’ayant aucune envie de satisfaire ce qui lui paraissait une impertinente curiosité, non, je ne sais rien d’elle.
— Je vois, lui dit Lucy, en la regardant attentivement, que vous me trouvez très-étrange de vous questionner ainsi sur cette dame ; mais peut être ai-je mes raisons. Je voudrais pouvoir vous les dire, cependant, j’espère que vous me rendrez la justice de croire que ce n’est point une sotte curiosité.
Elinor répondit quelques mots polis. Elles se promenèrent quelques minutes, en gardant le silence. Il fut rompu par Lucy qui renouvela l’entretien, en disant avec hésitation : Je ne puis supporter que vous me soupçonniez d’être une curieuse impertinente ; tout, tout au monde plutôt que d’être mal jugée par une personne dont j’ai une si haute opinion. Et comme je suis sûre de n’avoir rien à risquer en me confiant entièrement à vous, je m’y décide. Je serais charmée aussi d’avoir votre avis sur la manière dont je dois me conduire dans une situation très délicate, très critique ; je suis très fâchée que vous ne connaissiez pas madame Ferrars.
— J’en suis fâchée aussi, dit Elinor, toujours plus étonnée, si mon opinion sur elle pouvait vous être de quelque utilité ; mais je ne puis le comprendre. Je n’ai jamais entendu dire que vous eussiez la moindre relation avec cette famille, et je suis, je l’avoue, un peu surprise de votre excessive curiosité sur le caractère de cette dame.
— Votre surprise est très