Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition. Anonyme

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Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition - Anonyme


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forces du bien qui existent en dehors de nos connaissances théoriques.

      Il y a plusieurs années, l’un des plus importants participants à la rédaction de ce livre s’est trouvé soigné dans notre hôpital et pendant son hospitalisation, il a acquis certaines idées qu’il a immédiatement mises en pratique.

      Plus tard, il a sollicité la permission de raconter son histoire à d’autres patients hospitalisés ici et malgré notre inquiétude, nous avons accepté. L’évolution des cas que nous avons suivis était des plus intéressante ; en fait, plusieurs sont étonnants. La générosité de ces hommes, que nous sommes venus à connaître, l’absence totale d’intérêt pécuniaire et leur esprit de communauté sont en effet une source d’inspiration pour celui qui œuvre depuis longtemps et péniblement dans ce monde de l’alcoolisme. Ils croient en eux-mêmes et encore plus en une Force capable de ramener à la vie normale des alcooliques chroniques autrement voués à une mort certaine.

      Certes, un alcoolique doit être libéré de son besoin physique d’alcool, et cela requiert souvent un traitement à l’hôpital avant que des mesures d’ordre psychologique puissent être pleinement profitables.

      Nous croyons, et nous l’avons dit il y a quelques années, que les effets de l’alcool sur ces alcooliques chroniques sont une manifestation de type allergique ; le phénomène d’un besoin maladif d’alcool se limite à cette catégorie de personnes et ne se produit pas chez les buveurs modérés. Les victimes de cette réaction allergique ne peuvent jamais prendre d’alcool sous quelque forme que ce soit en toute tranquillité ; une fois qu’ils ont contracté l’habitude de boire et découvert qu’ils ne peuvent plus s’en défaire, une fois qu’ils ont perdu confiance en eux-mêmes et en toute valeur humaine, leurs problèmes s’accumulent et deviennent étonnamment difficiles à régler.

      Une approche émotive superficielle suffit rarement. Le message susceptible d’intéresser et de retenir l’attention de ces alcooliques doit être intense et puissant. Dans presque tous les cas, leurs idéaux doivent être fondés sur une force plus grande qu’eux-mêmes s’ils veulent être en mesure de refaire leur vie.

      S’il y en a pour qui nous donnons l’impression de verser dans le sentimentalisme en qualité de psychiatres à la direction d’un hôpital, nous invitons ces gens à venir sur la ligne de front avec nous assister aux tragédies, voir les conjointes désespérées, les jeunes enfants. Qu’ils consacrent une partie de leurs activités quotidiennes et même de leurs heures de sommeil à résoudre ces problèmes ; alors les plus cyniques comprendront pourquoi nous avons accepté et encouragé ce mouvement. Après de nombreuses années d’expérience, il semble que nous n’ayons rien trouvé qui contribue davantage à la réhabilitation de ces hommes que l’action désintéressée qui prend maintenant de plus en plus d’ampleur dans leur milieu.

      Hommes et femmes boivent essentiellement parce qu’ils aiment l’effet produit par l’alcool. L’impression d’évasion qu’il procure est telle que même si les buveurs admettent son effet nuisible sur la santé, ils ne peuvent plus, après un certain temps, différencier ce qui est bon de ce qui ne l’est pas. Pour les alcooliques, la vie qu’ils mènent est la seule qui soit normale. Ils sont impatients, irritables et mécontents aussi longtemps qu’ils ne ressentent pas de nouveau cette sensation d’aise et de confort que leur procurent quelques verres – ces verres que d’autres prennent impunément sous leurs yeux. Après qu’ils ont une fois de plus succombé au désir de boire, comme il arrive à un si grand nombre, et que le phénomène de l’obsession s’accentue, les alcooliques traversent les étapes bien connues de la cuite, dont ils émergent bourrés de remords et fermement résolus à ne plus jamais boire. Ce scénario se répète encore et encore et, à moins que cette personne puisse vivre l’expérience d’un changement psychique total, il y a peu d’espoir qu’elle se rétablisse.

      Par ailleurs, et si étrange que cela puisse paraître à ceux qui ne comprennent pas, une fois qu’un changement psychique s’est produit, cette même personne qui semblait condamnée et dont les problèmes étaient tellement nombreux qu’elle désespérait de les résoudre, réussit soudainement sans difficulté à surmonter son besoin d’alcool simplement en s’efforçant d’observer quelques règles simples.

      Des hommes m’ont lancé cet appel sincère et désespéré : « Docteur, je ne peux continuer ainsi ! J’ai toutes les raisons de tenir à la vie ! Il faut que je cesse de boire, mais j’en suis incapable ! Il faut que vous m’aidiez ! »

      Face à ce problème, il doit arriver parfois qu’un médecin, s’il est honnête avec lui-même, reconnaisse sa propre impuissance. Même s’il donne tout ce qu’il peut, souvent ce n’est pas assez. On a le sentiment que quelque chose au-delà de la force humaine est nécessaire pour produire le changement psychique essentiel. Bien que le nombre de personnes rétablies grâce à l’intervention d’un psychiatre soit considérable, nous, médecins, sommes forcés d’admettre que nous avons marqué très peu de points dans la solution du problème pris dans son ensemble. Nombreux sont les alcooliques qui ne peuvent pas répondre à l’approche psychologique traditionnelle.

      Je ne suis pas d’accord avec ceux qui voient en l’alcoolisme uniquement un problème de maîtrise mentale. J’ai connu plusieurs hommes qui, par exemple, avaient travaillé pendant des mois sur une question ou sur une affaire dont le dénouement, prévu pour un jour précis, devait être en leur faveur. Ces hommes ont pris un verre à environ un jour de la date fixée et dès lors, le besoin irrésistible de boire a pris le dessus sur toute autre chose, de sorte que la rencontre importante n’a jamais eu lieu. Ces hommes ne buvaient pas pour fuir la réalité ; ils buvaient pour satisfaire un besoin de boire au-delà de tout entendement.

      Il arrive souvent que les situations résultant de ce besoin impérieux amènent certains hommes à faire le sacrifice suprême plutôt que de continuer à lutter.

      La classification des alcooliques semble une tâche des plus difficiles, et la faire avec force détails dépasse l’objet de ce livre. Il y a bien sûr les psychopathes, qui sont émotionnellement instables. Nous connaissons bien cette catégorie de patients. Ceux-ci se mettent toujours « au sec pour de bon ». Ils sont rongés par le remords et prennent plusieurs résolutions, mais jamais de décisions.

      Il y a le genre d’homme qui refuse d’admettre son incapacité à prendre de l’alcool. Il pense à diverses façons de boire. Il varie ses consommations ou change d’environnement. Il y a le type d’alcoolique qui demeure convaincu qu’après une longue période d’abstinence, il sera capable de prendre un verre sans risque. On rencontre également le style maniaco-dépressif, qui est peut-être le moins compris par ses amis et sur qui on pourrait écrire tout un chapitre.

      Puis il existe des personnes qui se comportent normalement sur tous les plans, sauf en ce qui concerne l’alcool. Ils sont souvent talentueux, intelligents et aimables.

      Toutes ces personnes, ainsi que beaucoup d’autres, ont un symptôme en commun : elles sont incapables de boire sans contracter un goût immodéré pour l’alcool. Ce phénomène, comme nous l’avons suggéré, pourrait être la manifestation d’une allergie qui différencie ces gens et les place dans un groupe à part. Cette réaction face à l’alcool n’a jamais été enrayée de façon permanente par aucun traitement connu quel qu’il soit. Le seul remède que nous pouvons conseiller est l’abstinence totale.

      Cela nous précipite au milieu d’un chaud débat. De nombreuses opinions ont été émises, les unes en faveur de l’abstinence, les autres contre ; mais dans le milieu médical, l’opinion générale est que la plupart des alcooliques chroniques sont condamnés.

      Quelle est la solution ? Je ne saurais sans doute mieux répondre qu’en décrivant l’une de mes expériences.

      Environ une année auparavant, un homme a été admis à l’hôpital pour alcoolisme chronique. Il s’était partiellement rétabli d’une hémorragie gastrique et semblait présenter des symptômes de détérioration mentale pathologique. Il avait perdu tout ce qui compte dans la vie ; seul le goût de l’alcool


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