L'année terrible. Victor Hugo

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L'année terrible - Victor Hugo


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par le tremblement mystérieux des hommes!

      Dante, Eschyle, écoutez et regardez.

      Ces rois

      Sous leur large couronne ont des fronts trop étroits.

      Vous les dédaigneriez. Ils n’ont pas la stature

      De ceux que votre vers formidable torture,

      Ni du chef argien, ni du baron pisan;

      Mais ils sont monstrueux pourtant, convenez-en.

      Des premiers rois venus ils ont l’aspect vulgaire;

      Mais ils viennent avec des légions de guerre.

      Ils poussent sur Paris les sept peuples saxons.

      Hideux, casqués, dorés, tatoués de blasons,

      Il faut que chacun d’eux de meurtre se repaisse;

      Chacun de ces rois prend pour emblème une espèce

      De bête fauve et fait luire à son morion

      La chimère d’un rude et morne alérion,

      Ou quelque impur dragon agitant sa crinière;

      Et le grand chef arbore à sa haute bannière,

      Teinte des deux reflets du tombeau tour à tour,

      Un aigle étrange, blanc la nuit et noir le jour.

      Avec eux, à grand bruit, et sous toutes les formes,

      Krupps, bombardes, canons, mitrailleuses énormes,

      Ils traînent sous ce mur qu’ils nomment ennemi

      Le bronze, ce muet, cet esclave endormi,

      Qui, tout à coup hurlant lorsqu’on le démusèle,

      Est pris d’on ne sait quel épouvantable zèle

      Et se met à détruire une ville, sans frein,

      Sans trêve, avec la joie horrible de l’airain,

      Comme s’il se vengeait, sur ces tours abattues,

      D’être employé par l’homme à d’infâmes statues;

      Et comme s’il disait: Peuple, contemple en mol

      Le monstre avec lequel tu fais ensuite un roi!

      Tout tremble, et les sept chefs dans la haine s’unissent.

      Ils sont là, menaçant Paris. Ils le punissent.

      De quoi? D’être la France et d’être l’univers,

      De briller au-dessus des gouffres entr’ouverts,

      D’être un bras de géant tenant une poignée

      De rayons, dont l’Europe est à jamais baignée;

      Ils punissent Paris d’être la liberté;

      Ils punissent Paris d’être cette cité

      Où Danton gronde, où luit Molière, où rit Voltaire;

      Ils punissent Paris d’être âme de la terre,

      D’être ce qui devient de plus en plus vivant,

      Le grand flambeau profond que n’éteint aucun vent,

      L’idée en feu perçant ce nuage, le nombre,

      Le croissant du progrès clair au fond du ciel sombre:

      Ils punissent Paris de dénoncer l’erreur,

      D’être l’avertisseur et d’être l’éclaireur,

      De montrer sous leur gloire affreuse un cimetière,

      D’abolir l’échafaud, le trône, la frontière,

      La borne, le combat, l’obstacle, le fossé,

      Et d’être l’avenir quand ils sont le passé.

      Et ce n’est pas leur faute; ils sont les forces noires.

      Ils suivent dans la nuit toutes les sombres gloires,

      Caïn, Nemrod, Rhamsès, Cyrus, Gengis, Timour.

      Ils combattent le droit, la lumière, l’amour.

      Ils voudraient être grands et ne sont que difformes.

      Terre, ils ne veulent pas qu’heureuse, tu t’endormes

      Dans les bras de la paix sacrée, et dans l’hymen

      De la clarté divine avec l’esprit humain.

      Ils condamnent le frère à dévorer le frère,

      Le peuple à massacrer le peuple, et leur misère

      C’est d’être tout-puissants, et que tous leurs instincts,

      Allumés pour l’enfer, soient pour le ciel éteints.

      Rois hideux! On verra, certe, avant que leur âme

      Renonce à la tuerie, au glaive, au meurtre infâme,

      Aux clairons, au cheval de guerre qui hennit,

      L’oiseau ne plus savoir le chemin de son nid,

      Le tigre épris du cygne, et l’abeille oublieuse

      De sa ruche sauvage au creux noir de l’yeuse.

      III

      Sept. Le chiffre du mal. Le nombre où Dieu ramène

      Comme en un vil cachot, toute la faute humaine.

      Sept princes. Wurtemberg et Mecklembourg, Nassau

      Saxe, Bade, Bavière et Prusse, affreux réseau.

      Ils dressent dans la nuit leurs tentes sépulcrales.

      Les cercles de l’enfer sont là, mornes spirales;

      Haine, hiver, guerre, deuil, peste, famine, ennui.

      Paris a les sept nœuds des ténèbres sur lui.

      Paris devant son mur a sept chefs comme Thèbe.

      Spectacle inouï! l’astre assiégé par l’Érèbe.

      La nuit donne l’assaut à la lumière. Un cri

      Sort de l’astre en détresse, et le néant a ri.

      La cécité combat le jour; la morne envie

      Attaque le cratère auguste de la vie,

      Le grand foyer central, l’astre aux astres uni.

      Tous les yeux inconnus ouverts dans l’infini

      S’étonnent; qu’est-ce donc? Quoi! la clarté se voile!

      Un long frisson d’horreur court d’étoile en étoile.

      Sauve ton œuvre, ô Dieu, toi qui d’un souffle émeus

      L’ombre où Léviathan tord ses bras venimeux!

      C’en est fait. La bataille infâme est commencée.

      Comme un phare jadis gardait la porte Scée,

      Un flamboiement jaillit de l’astre, avertissant

      Le ciel que l’enfer monte et que la nuit descend.

      Le gouffre est comme un mur énorme de fumée

      Où fourmille on ne sait quelle farouche armée,

      Nuage monstrueux où luisent des airains;

      Et les bruits


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