L'année terrible. Victor Hugo

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L'année terrible - Victor Hugo


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l’aigle avec le chant de l’alouette;

      On croit voir sur tes burgs croulants la silhouette

      De l’hydre et du guerrier vaguement aperçus

      Dans la montagne, avec le tonnerre au-dessus;

      Rien n’est frais et charmant comme tes plaines vertes;

      Les brèches de la brume aux rayons sont ouvertes,

      Le hameau dort, groupé sous l’aile du manoir,

      Et la vierge accoudée aux citernes le soir,

      Blonde, a la ressemblance adorable des anges.

      Comme un temple exhaussé sur des piliers étranges

      L’Allemagne est debout sur vingt siècles hideux,

      Et sa splendeur qui sort de leurs ombres, vient d’eux.

      Elle a plus de héros que l’Athos n’a de cimes.

      La Teutonie, au seuil des nuages sublimes

      Où l’étoile est mêlée à la foudre, apparaît;

      Ses piques dans la nuit sont comme une forêt;

      Au-dessus de sa tête un clairon de victoire

      S’allonge, et sa légende égale son histoire;

      Dans la Thuringe, où Thor tient sa lance en arrêt,

      Ganna, la druidesse échevelée, errait;

      Sous les fleuves, dont l’eau roulait de vagues flammes,

      Les syrènes chantaient, monstres aux seins de femmes,

      Et le Hartz que hantait Velléda, le Taunus

      Où Spillyre essuyait dans l’herbe ses pieds nus,

      Ont encor toute l’âpre et divine tristesse

      Que laisse dans les bois profonds la prophétesse;

      La nuit, la Forêt-Noire est un sinistre éden;

      Le clair de lune, aux bords du Neckar, fait soudain

      Sonores et vivants les arbres pleins de fées.

      O Teutons, vos tombeaux ont des airs de trophées;

      Vos aïeux n’ont semé que de grands ossements;

      Vos lauriers sont partout; soyez fiers, Allemands.

      Le seul pied des titans chausse votre sandale.

      Tatouage éclatant, la gloire féodale

      Dore vos morions, blasonne vos écus;

      Comme Rome Coclès vous avez Galgacus,

      Vous avez Beethoven comme la Grèce Homère;

      L’Allemagne est puissante et superbe.

      A LA FRANCE

      O ma mère!

       A PRINCE PRINCE ET DEMI

       Table des matières

      L’empereur fait la guerre au roi.

      Nous nous disions:

      –Les guerres sont le seuil des révolutions.–

      Nous pensions:–C’est la guerre. Oui, mais la guerre grande.

      L’enfer veut un laurier; la mort veut une offrande;

      Ces deux rois ont juré d’éteindre le soleil;

      Le sang du globe va couler, vaste et vermeil,

      Et les hommes seront fauchés comme des herbes;

      Et les vainqueurs seront infâmes, mais superbes.–

      Et nous qui voulons l’homme en paix, nous qui donnons

      La terre à la charrue et non pas aux canons,

      Tristes, mais fiers pourtant, nous disions:–France et Prusse!

      Qu’importe ce Batave attaquant ce Borusse!

      Laissons faire les rois; ensuite Dieu viendra.

      Et nous rêvions le choc de Vishnou contre Indra,

      Un avatar couvé par une apocalypse,

      Le flamboiement trouant de toutes parts l’éclipse;

      Nous rêvions les combats énormes de la nuit;

      Nous rêvions ces chaos de colère et de bruit

      Où l’ouragan s’attaque à l’océan, où l’ange,

      Étreint par le géant, lutte, et fait un mélange

      Du sang céleste avec le sang noir du titan;

      Nous rêvions Apollon contre Léviathan;

      Nous nous imaginions l’ombre en pleine démence;

      Nous heurtions, dans l’horreur d’une querelle immense,

      Rosbach contre Iéna, Rome contre Alaric,

      Le grand Napoléon et le grand Frédéric;

      Nous croyions voir vers nous, en hâte, à tire d’ailes

      Les victoires voler comme des hirondelles

      Et, comme l’oiseau court à son nid, aller droit

      A la France, au progrès, à la justice, au droit;

      Nous croyions assister au choc fatal des trônes,

      A la sinistre mort des vieilles Babylones,

      Au continent broyé, tué, ressuscité

      Dans une éclosion d’aube et de liberté,

      Et voir peut-être, après de monstrueux désastres,

      Naître un monde à travers des écroulements d’astres!

      Ainsi nous songions. Soit, disions-nous, ce sera

      Comme Arbelle, Actium, Trasimène et Zara,

      Affreux, mais grandiose. Un gouffre avec sa pente,

      Et l’univers tout près du bord, comme à Lépante,

      Comme à Tolbiac, comme à Tyr, comme à Poitiers;

      La Colère, la Force et la Nuit, noirs portiers,

      Vont ouvrir devant nous la tombe tout grande.

      Il faudra que le Sud ou le Nord y descende;

      Il faudra qu’une race ou l’autre tombe au fond

      De l’abîme où les rois et les dieux se défont.

      Et pensifs, croyant voir venir vers nous la gloire,

      Les chocs comme en ont vu les hommes de la Loire,

      Wagram tonnant, Leipsick magnifique et hideux,

      Cyrus, Sennachérib, César, Frédéric Deux,

      Nemrod, nous frémissions de ces sombres approches…–

      Tout à coup nous sentons une main dans nos poches.

      Il s’agit de ceci: Nous prendre notre argent.

      Certe, on se disait bien: Bonaparte indigent

      Fut un escroc, et doit avoir pour espérance

      De voler l’Allemagne, ayant volé la France;

      Il


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