Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8 - George Gordon Byron


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pas de pleurs.

MARINA

      Laissez-les plutôt couler; il n'a pas pleuré au milieu des tortures, elles ne peuvent ici le déshonorer. Elles soulageront son cœur, – ce cœur trop sensible, – et je saurai essuyer ces larmes amères ou y joindre les miennes; je pourrais pleurer maintenant, mais je ne veux pas faire tant de plaisir au méchant qui nous contemple. Sortons. Doge! conduisez-nous.

LORÉDANO, aux familiers

      La torche!

MARINA

      Oui, éclairez-nous comme dans une pompe funèbre, suivie par Lorédano, pleurant comme un avide héritier.

LE DOGE

      Mon fils! vous êtes faible: prenez cette main.

JACOPO FOSCARI

      Hélas! faut-il que la jeunesse s'appuie sur les années! c'était moi qui devais être votre soutien.

LORÉDANO

      Prenez mon bras.

MARINA

      Foscari! Foscari! ne le touchez pas; c'est un dard vénéneux. Signor, arrêtez! nous savons bien que si la main des vôtres devait nous sortir du gouffre où nous sommes plongés, vous vous garderiez bien de nous la présenter. Viens, Foscari! prends la main que l'autel a jointe à la tienne; elle n'a pu te sauver, elle te soutiendra du moins toujours.

(Ils sortent.)

      FIN DU TROISIÈME ACTE.

      ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE(Une salle dans le palais du Doge.)Entrent LORÉDANO et BARBARIGOBARBARIGO

      Avez-vous confiance dans un pareil projet?

LORÉDANO

      Oui.

BARBARIGO

      Sa vieillesse en sera bien affligée.

LORÉDANO

      Dites plutôt qu'elle se trouvera heureuse d'être ainsi délivrée du fardeau de l'état.

BARBARIGO

      Son cœur en sera brisé.

LORÉDANO

      La vieillesse n'a plus de cœur à briser. Il a vu celui de son fils sur le point de l'être, et, si l'on excepte un éclair d'attendrissement, en le voyant dans son cachot, il n'a pas été ému.

BARBARIGO

      Dans sa contenance, je l'avoue; mais quelquefois je l'ai vu en proie à un tel découragement intérieur, que le plus bruyant désespoir ne pouvait rien trouver à lui envier. Où est-il?

LORÉDANO

      Dans ses appartemens, avec son fils, et toute la race des Foscari.

BARBARIGO

      Ils se disent adieu.

LORÉDANO

      Un dernier adieu, comme celui que le vieillard fera bientôt à la dignité de Doge.

BARBARIGO

      Et quand le fils met-il à la voile?

LORÉDANO

      Tout de suite, et quand ils en auront fini avec leurs longs adieux. Il est tems de les avertir.

BARBARIGO

      Arrêtez! Voulez-vous encore abréger de pareils momens?

LORÉDANO

      Ce n'est pas moi; nous avons des soins plus importans. Il faut que ce jour soit en même tems le dernier du règne du vieux Doge et le premier du dernier bannissement de son fils. Et voilà la vengeance.

BARBARIGO

      À mes yeux trop cruelle.

LORÉDANO

      Elle est trop douce. – Ce n'est pas même vie pour vie, cette loi de représailles admise dans tous les âges: ils me doivent encore la mort de mon père et de mon oncle.

BARBARIGO

      Mais cette dette, le Doge ne l'a-t-il pas hautement niée?

LORÉDANO

      Sans doute.

BARBARIGO

      Et ce désaveu n'a-t-il pas ébranlé vos doutes?

LORÉDANO

      Non.

BARBARIGO

      Quoi qu'il en soit, si la déchéance doit être obtenue par notre influence réunie dans le conseil, il faut que ce soit avec toute la déférence due à ses cheveux blancs, à son rang et à ses services.

LORÉDANO

      Avec toutes les cérémonies qu'il vous plaira, pourvu que la chose se fasse. Vous pouvez, je m'en soucie peu, lui députer le conseil, pour lui demander, les genoux en terre (comme Barberousse au pape), d'avoir l'extrême courtoisie d'abdiquer.

BARBARIGO

      Et s'il ne veut pas?

LORÉDANO

      Alors, nous en choisirons un autre, et nous annulerons son élection.

BARBARIGO

      Mais les lois? -

LORÉDANO

      Quelles lois? – Les Dix, voilà les lois; et s'ils n'existaient pas, je serais, dans cette circonstance, législateur.

BARBARIGO

      À vos propres périls?

LORÉDANO

      Ce n'est pas ici le cas, – vous dis-je; nous en avons le droit.

BARBARIGO

      Mais déjà, à deux reprises, il a sollicité la permission de se retirer, et deux fois on la lui a refusée.

LORÉDANO

      Excellente raison pour la lui accorder une troisième fois.

BARBARIGO

      Sans qu'il le demande?

LORÉDANO

      Pour lui prouver que ses premières instances ont fait impression. Si elles partaient du cœur, il nous devra des remerciemens: sinon, il est juste de punir son hypocrisie. Allons, ils ont eu le tems de se réunir, il faut les rejoindre; et sur ce point-là seulement, montrez une résolution inébranlable. Les argumens que j'ai préparés sont de nature à les ébranler et à renverser le vieillard. N'allez pas, avec vos scrupules ordinaires, et quand nous sommes sûrs de leurs dispositions et de leur volonté, nous arrêter au moment de la réussite.

BARBARIGO

      Si j'étais sûr que la déchéance du père ne sera pas le prélude d'une persécution acharnée comme celle dont son fils est la victime, je vous appuierais sans hésiter.

LORÉDANO

      Il n'a rien à craindre, vous dis-je; ses quatre-vingt-cinq ans continueront autant qu'il pourra les traîner: il ne s'agit que de son trône.

BARBARIGO

      Les princes déposés ont rarement beaucoup de tems à vivre.

LORÉDANO

      Plus rarement encore les octogénaires.

BARBARIGO

      Pourquoi donc ne pas attendre quelques jours?

LORÉDANO

      Parce que nous avons déjà bien assez attendu, et qu'il vit plus qu'il ne convient. Allons! rendons-nous au conseil!

(Lorédano et Barbarigo sortent. – Entrent Memmo et un sénateur.)SÉNATEUR

      Un ordre de nous rendre au conseil des Dix! quel en peut être le motif?

MEMMO

      Les Dix seuls peuvent répondre: rarement ils manifestent leurs pensées d'avance. Nous sommes cités; – il suffit.

SÉNATEUR

      Il suffit pour eux, mais non pour nous; je voudrais savoir pourquoi.

MEMMO

      En obéissant vous le saurez; autrement, vous n'en apprendrez pas moins pourquoi vous auriez dû obéir.

SÉNATEUR

      Je ne prétends pas m'opposer, mais-

MEMMO

      Dans Venise, mais désigne un traître. Ne hasardez pas de mais, à moins que vous ne vouliez passer sur le pont que l'on repasse bien rarement.

SÉNATEUR

      Je me tais.

MEMMO

      Pourquoi d'ailleurs cette agitation? – Les Dix invoquent, dans leurs délibérations, l'assistance de vingt-cinq patriciens; – vous êtes l'un de ceux qu'ils ont choisis, j'en suis un autre; et le choix, ou la chance qui nous réunit à une assemblée si auguste,


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