Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc


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du roi, leur permettaient ainsi de passer d'un régime insupportable sous un gouvernement moins tracassier en ce qu'il était moins local et partait de plus haut? Les seigneurs féodaux possédaient l'autorité judiciaire sur leurs terres; les baillis royaux, chargés par Philippe-Auguste de recevoir tous les mois aux assises les plaintes des sujets du roi, de nommer dans les prévôtés un certain nombre d'hommes sans lesquels aucune affaire concernant les villes ne pouvait être décidée, de surveiller ces magistrats, furent entre les mains de saint Louis une arme puissante dirigée contre les prérogatives féodales. Ce prince fit instruire dans le droit romain ceux qu'il destinait aux fonctions de baillis; il étendit leur pouvoir en dehors des tribunaux en les chargeant de la haute administration, et bientôt ces hommes dévoués à la cause royale attaquèrent ouvertement l'autorité judiciaire des barons en créant les cas royaux. «C'est-à-dire qu'ils firent recevoir en principe, que le roi, comme chef du gouvernement féodal, avait, de préférence à tout autre, le droit de juger certaines causes nommées pour cela cas royaux. À la rigueur, cette opinion était soutenable; mais il fallait déterminer clairement les cas royaux, sous peine de voir le roi devenir l'arbitre de toutes les contestations; or, c'est ce que ne voulurent jamais faire les baillis: prières, instances, menaces, rien ne put les y décider; toutes les fois qu'ils entendaient débattre dans les cours seigneuriales une cause qui paraissait intéresser l'autorité du roi, ils s'interposaient au milieu des partis, déclaraient la cause cas royal, et en attiraient le jugement à leurs cours 75.» Les empiétements des baillis sur les juridictions seigneuriales étaient appuyés par le parlement, qui enjoignait, dans certains cas, aux baillis, d'entrer sur les terres des seigneurs féodaux et d'y saisir tels prévenus, bien que ces seigneurs fussent hauts-justiciers, et, selon le droit, pouvant «porter armes pour justicier leurs terres et fiefs 76.» En droit féodal, le roi pouvait assigner à sa cour le vassal qui eût refusé de lui livrer un prévenu, considérer son refus comme un acte de félonie, prononcer contre lui les peines fixées par l'usage, mais non envoyer ses baillis exploiter dans une seigneurie qui ne lui appartenait pas 77. À la fin du XIIIe siècle, la féodalité, ruinée par les croisades, attaquée dans son organisation par le pouvoir royal, n'était plus en situation d'inspirer des craintes sérieuses à la monarchie, ni assez riche et indépendante pour élever des forteresses comme celle de Coucy. D'ailleurs, à cette époque, aucun seigneur ne pouvait construire ni même augmenter et fortifier de nouveau un château, sans en avoir préalablement obtenu la permission de son suzerain. Nous trouvons, dans les Olim, entre autres arrêts et ordonnances sur la matière, que l'évêque de Nevers, qui actionnait le prieur de la Charité-sur-Loire parce qu'il voulait élever une forteresse, avait été lui-même actionné par le bailli du roi pour avoir simplement fait réparer les créneaux de la sienne. Saint Louis s'était arrogé le droit d'octroyer ou de refuser la construction des forteresses; et s'il ne pouvait renverser toutes celles qui existaient de son temps sur la surface de ses domaines et qui lui faisaient ombrage, il prétendait au moins empêcher d'en construire de nouvelles; et, en effet, on rencontre peu de châteaux de quelque importance élevés de 1240 à 1340, c'est-à-dire pendant cette période de la monarchie française qui marche résolûment vers l'unité de pouvoir et de gouvernement.

      À partir du milieu du XIVe siècle, au contraire, nous voyons les vieux châteaux réparés ou reconstruits, de nouvelles forteresses s'élever sur le territoire français, à la faveur des troubles et des désastres qui désolent le pays; mais alors l'esprit féodal s'était modifié, ainsi que les moeurs de la noblesse, et ces résidences revêtent des formes différentes de celles que nous leur voyons choisir pendant le règne de Philippe-Auguste et au commencement de celui de saint Louis; elles deviennent des palais fortifiés, tandis que, jusqu'au XIIIe siècle, les châteaux ne sont que des forteresses pourvues d'habitations. Ces caractères bien tranchés sont faciles à saisir; ils ont une grande importance au point de vue architectonique, et le château de Coucy, tel qu'il devait exister avant les reconstructions de la fin du XIVe siècle, sert de transition entre les châteaux de la première et de la seconde catégorie; ce n'est plus l'enceinte contenant des habitations disséminées, comme un village fortifié dominé par un fort principal, le donjon; et ce ne devait pas être encore le palais, la réunion de bâtiments placés dans un ordre régulier soumettant la défense aux dispositions exigées par l'habitation, le véritable château construit d'après une donnée générale, une ordonnance qui rentre complètement dans le domaine de l'architecture.

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      1

       Nous devons ce dessin, ainsi que l'exemple suivant, à l'obligeance de MM. Durand et Alaux, architectes à Bordeaux.

      2

       Charpente de l'église de Villeneuve (arrond. de Blaye), XIIIe siècle.

      3

       Nous n'avons trouvé que des débris de ces sortes de charpentes assez grossièrement exécutées, réemployées dans des combles d'une époque plus récente; à Vézelay, par exemple, et dans de petites églises de Bourgogne et du Lyonnais.

      4

       Comme dans la nef de l'église de Beaune.

      5

       Cette charpente est en bois résineux à fibres très-fines, peut-être du mélèze. Celle de Saint-Paul hors les murs à Rome était en cèdre.

      6

       Dans les provinces du nord de la France même, la tuile romaine fut fréquemment en usage jusque vers le commencement du XIIe siècle. Nous en avons trouvé la preuve non-seulement dans les bas-reliefs, mais sur les voûtes et dans les débris qui entourent les édifices de l'époque romane. Donc les combles étaient, jusque vers le milieu de ce siècle, généralement plats. Cependant il est bon nombre de pignons romans dans le Nord qui ont une pente trop forte pour que la tuile romaine ait pu être employée; dans ce cas, on se servait de grandes tuiles plates (voy. TUILE).

      7

       Cette charpente est aujourd'hui cachée par des plafonds et des distributions intérieures. Elle est en place, cependant, et a conservé presque partout son lambrissage.

      8

       Cette charpente a été relevée avec le plus grand soin par M. Alaux, architecte à Bordeaux, qui a bien voulu nous communiquer ses croquis. Cette charpente date de la fin du XIIIe siècle.

      9

       Voir la gravure de Ducerceau représentant l'intérieur


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<p>75</p>

Instit. de saint Louis, le comte Beugnot.

<p>76</p>

Les Olim (Ordonnances, t. I, p. 411).

<p>77</p>

Ibid., note 35.