Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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comme si j’étais déjà de la famille ! mais à présent il en sera souvent témoin, et tout s’arrange à merveille. Lady Middleton et madame John Dashwood s’aiment déjà à la folie ; elles vont se lier intimement, et nous serons sans cesse les uns chez les autres. Edward passe sa vie, dit-on, chez sa sœur. Lady Middleton fera de fréquentes visites à madame Dashwood ; et votre belle-sœur a eu la bonté de me dire qu’elle serait toujours charmée de me voir. Ah ! quelle délicieuse femme ! Si vous lui dites une fois ce que je pense d’elle, vous ne pourrez pas exagérer mes éloges. Elinor garda encore le silence ; et Lucy continua : Je suis sûre, que je me serais aperçue au premier moment si madame Ferrars avait mauvaise opinion de moi. Elle m’aurait fait seulement comme à d’autres une révérence cérémoniale, sans dire un mot, ne faisant plus nulle attention à moi, ne me regardant qu’avec dédain… Vous comprenez sûrement ce que je veux dire. Si j’avais été traitée ainsi, il ne me resterait pas l’ombre d’espérance, je n’aurais même pas pu rester en sa présence. Je sais que, lorsqu’on lui déplaît, elle est très-violente, et n’en revient jamais.

      Elinor n’eut pas le temps de répliquer quelque chose à son malin triomphe. La porte s’ouvrit ; le laquais annonça M. Ferrars qui entra immédiatement.

      Ce fut un moment très-pénible pour les uns et pour les autres ; tous les trois eurent l’air très-embarrassé. Edward paraissait avoir plus envie de reculer que d’avancer. Ce qu’ils désiraient tous d’éviter, une rencontre en tiers, arrivait de la manière la plus désagréable. Non seulement ils étaient tous les trois ensemble, mais ils y étaient sans le moindre intermédiaire, sans personne qui pût soutenir l’entretien, et venir à leur secours. Les dames se remirent les premières. Ce n’était pas à Lucy à se mettre en avant ; vis-à-vis de lui l’apparence du secret devait encore être gardée. Elle ne fit donc que le regarder tendrement, le saluer légèrement, et garder le silence. Elinor qui le voyait pour la première fois depuis leur arrivée et qui ne devait pas avoir l’air de rien savoir, avait un rôle bien plus difficile. Mais autant pour lui que pour elle, elle désirait si vivement d’avoir un maintien naturel, que passé le premier moment elle put le saluer d’une manière aisée et presque comme à l’ordinaire. Un second effort sur elle-même la rendit si bien maîtresse de ses impressions, que ni son regard, ni ses paroles, ni le son de sa voix ne purent trahir ce qui se passait dans son intérieur. Elle ne voulut pas que la présence de Lucy l’empêchât de témoigner à un ancien ami, son plaisir de le revoir, et son regret de ne s’être pas trouvée à la maison quand il y était venu. Ni les regards pénétrans de sa rivale, ni l’embarras de sa position, ni son dépit secret ne la détournèrent de remplir ce qu’elle regardait comme un devoir envers le frère de sa belle sœur, et l’homme qu’elle estimait. Cette manière donna quelque assurance à Edward, et le courage de s’avancer et de s’asseoir. Mais son embarras dura beaucoup plus long-temps ; ce qui au reste lui était naturel, quoique très-rare chez la plupart des hommes, qui ne se laissent pas influencer par des rivalités de femmes, dont leur amour-propre jouit. Mais Edward n’était pas susceptible de ce genre de vanité ; et pour être tout-à-fait à son aise dans cette circonstance, il fallait ou l’insensibilité de Lucy ou la conscience sans reproche d’Elinor ; et le pauvre Edward n’avait ni l’un ni l’autre de ces moyens de tranquillité.

      Lucy avec une mine froide, réservée, semblait déterminée à observer, à écouter et à ne point se mêler d’un entretien où naturellement elle devait être étrangère. Edward ne disait que des monosyllabes, en sorte que la conversation reposait en entier sur Elinor, et qu’elle en était seule chargée. Elle fut obligée de parler la première de la santé de sa mère, d’Emma, de leur arrivée à Londres, de leur séjour, de tout ce dont Edward aurait dû s’informer, s’il avait pu parler.

      Après quelques minutes, ayant elle-même besoin de respirer, et voulant laisser quelques momens de liberté aux deux amans, sous le prétexte de chercher Maria, elle sortit héroïquement, et resta même quelque temps dans le vestibule avant d’entrer chez sa sœur. Maria n’eut pas la même discrétion ; dès qu’elle eut entendu le nom d’Edward, elle courut immédiatement au salon. Le plaisir qu’elle eut en le voyant lui fit oublier un instant toutes ses peines ; il fut, comme tous ses sentimens, très-vif et exprimé avec chaleur. Cher Edward, lui dit-elle en lui tendant la main avec toute l’affection d’une sœur et d’une amie, enfin vous voilà ! Combien je m’impatientais de vous revoir ! et ce moment me dédommage de tout.

      Edward était dans une extrême émotion ; il aurait voulu exprimer ce qu’il sentait, mais devant un tel témoin, qui prêtait toute son attention pour ne perdre ni un regard ni une parole, qu’aurait-il pu dire ? Il pressa doucement la main de Maria sans répondre. Puis on se rassit ; et pour un moment chacun garda le silence les yeux baissés, à l’exception de Maria qui regardant avec sensibilité tantôt Edward, tantôt Elinor, aurait voulu réunir leurs mains dans les siennes, que leur bonheur lui tînt lieu du sien propre, et qui regrettait seulement que le plaisir de se retrouver fût troublé par la présence importune d’un tiers aussi étranger, aussi indifférent que Lucy.

      Edward parla le premier ; ce fut pour exprimer son inquiétude sur le changement de Maria. Vous n’avez pas, lui dit-il, l’air de santé que vous aviez à Barton. Je crains que la vie de Londres ne vous convienne pas.

      — Oh ! ne pensez pas à moi, lui dit elle avec le ton de la gaîté, quoique ses yeux se remplissent de larmes au souvenir des jours heureux qu’elle avait passés à Barton ; ne songez pas à moi. Elinor est très-bien, vous le voyez ; c’est assez pour vous et pour moi.

      Ce mot touchant n’était pas fait pour mettre plus à l’aise Elinor et Edward, ni pour se concilier l’amitié de Lucy qui lança à Maria un regard indigné dont celle-ci ne s’aperçut pas.

      — Est-ce que vous aimez le séjour de Londres ? reprit Edward pour dire quelque chose et pour détourner la conversation sur un autre sujet.

      — Non, pas du tout, répondit Maria ; j’en attendais beaucoup de plaisir, je n’y en ai trouvé aucun. Celui de vous voir, cher Edward ? est le premier que j’aie goûté. Je remercie le ciel de ce que nous vous retrouvons toujours le même ; et un profond soupir suivit ces mots.

      Elle s’arrêta ; et personne ne continua. Je pense une chose, ma chère Elinor, reprit-elle, puisque nous avons retrouvé Edward, nous nous mettrons sous sa protection pour retourner à Barton. Dans une semaine ou deux tout au plus nous serons prêtes à partir. Je suppose, et je suis bien sûre, Edward, que vous accepterez d’être notre protecteur dans ce petit voyage, et que vous voudrez bien nous accompagner.

      Le pauvre Edward murmura quelques mots que personne ne comprit, peut-être pas lui-même. Lucy rougit, puis pâlit, et toussa vivement. Un regard d’Edward moitié sévère, moitié suppliant, la calma. Il était vraiment au supplice. Maria qui vit son agitation, la mit absolument sur le compte de l’impatience et du dépit que lui faisait éprouver la présence d’une étrangère dans ce moment de réunion, et parfaitement satisfaite de lui, elle voulut à son tour le calmer, en insinuant à Lucy d’abréger sa visite.

      — Nous avons passé hier la journée entière à Harley-Street chez votre sœur et la nôtre, lui dit-elle. Ah ! quelle longue journée ! j’ai cru qu’elle ne finirait jamais… mais j’ai beaucoup de choses à vous dire à ce sujet qu’on ne peut dire actuellement… enfin cette journée fut plus pénible qu’agréable. Mais pourquoi n’y étiez-vous pas, Edward ? ç’aurait été plus agréable pour nous. Pourquoi n’y-êtes-vous pas venu ?

      — J’avais le malheur d’être engagé ailleurs.

      — Bon ! engagé ! on se dégage de tout quand on peut être avec des amies comme Elinor et Maria.

      Le moment parut propice à la méchante Lucy, pour se venger de Maria. — Vous pensez peut-être, mademoiselle, lui dit-elle, que les hommes ne sont point tenus de garder leurs engagemens, quand il leur vient dans la tête de les rompre.

      Elinor rougit de colère ; mais Maria parut entièrement indifférente à cette attaque, et répliqua avec calme : non en vérité, je ne crois


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