Programme des Épouses Interstellaires Coffret. Grace Goodwin
Читать онлайн книгу.jours, ils y effectuent des tâches pénibles. Ils ne se marient pas. Et surtout ils ne deviennent jamais Prime des deux mondes Prillon.
Mon droit d’aîné, en tant qu’héritier du Prime et prince de mon peuple, m’a permis d’éviter l’exil dans les colonies, mais une chose compte plus que tout à mes yeux, et il ne s’agit pas de la personne qui s’affiche devant moi à l’écran.
Je fixe le visage délibérément dénué d’expression d’un homme ayant le double de mon âge. Il me ressemble, en plus vieux, sans implants cyborg. Il est immense, un visage sévère, son armure le fait paraître plus grand que ses deux mètres dix. C’est le Prime des deux planètes peuplées d’immenses guerriers. Il se doit d’être fort. Ses ennemis auraient sa peau au moindre signe de faiblesse.
Je suis son maillon faible. Je suis son voyou de fils, devenu une dangereuse menace cyborg.
« Père. » Je m’incline en guise de salutation, malgré la colère qui coule dans mes veines. C’est peut-être mon parent biologique, mais ce n’est pas mon père.
« Nial, j’ai parlé au Commandant Deston. J’ai rempli le formulaire officiel pour t’envoyer dans les colonies. »
Je serre les dents pour ne pas répondre immédiatement. Je feins l’indifférence. Ainsi, mon statut d’héritier royal du trône ne me prémunit pas contre l’exil. Il n’en a rien à foutre que je sois son fils. Je suis atteint et ruiné par la Ruche, et pas foutu de régner. Ni d’être son fils.
On lui tend une tablette, il lit attentivement son contenu tout en continuant à me parler, sans prendre la peine de me regarder. « Je pars sur le front dans quelques jours pour rendre visite à nos guerriers et évaluer l’état de plusieurs de nos anciens cuirassés. Ton transfert devra être effectif à mon retour. »
J’inspire profondément et essaie d’employer une voix aussi neutre et aimable que la sienne. « Je vois. Et mon épouse ? Elle aurait dû arriver depuis trois jours.
– Tu n’as pas le droit de prendre épouse. Je suis tombé d’accord avec le Conseiller Harbart. Sa fille sera ta partenaire. »
Je ne peux m’empêcher d’agripper le fauteuil devant moi de toutes mes forces.
« Harbart est un ignoble lâche qui voulait m’assassiner, ainsi que l’épouse du Commandant Deston. Pourquoi épouserais-je sa fille ? »
Le Prime arque un sourcil et me regarde d’un air perplexe. « La question n’est plus d’actualité puisque tu … ne peux prendre épouse. Tu n’en prendras aucune. Le transfert de ton épouse terrienne a été annulé bien entendu. Les guerriers contaminés ne peuvent avoir l’honneur de prendre épouse. Tu le sais bien. Elle sera accouplée à un autre guerrier qui n’est pas… »
Il s’interrompt et penche la tête, il me dévisage. Je le laisse me regarder. S’il était un vrai père, il verrait plus loin que les modifications cyborg de la Ruche et comprendrait que je suis toujours la même personne, que je suis son fils. Je suis toujours le prince.
« Qui n’est pas quoi ? »
C’est la première fois qu’il me voit depuis que j’ai réchappé à la Ruche. Les bras croisés, je le laisse examiner la légère lueur métallisée de mon profil gauche, la drôle de couleur argentée de mon iris gauche, autrefois doré. J’ai fait exprès de laisser mes avants bras nus afin qu’il voie le mince grillage de biotechnologie greffé sur la moitié de mon bras et une partie de ma main gauche. Je veux qu’il voie tout, qu’il me voie moi.
Il regarde mon bras avec insistance. « On ne peut pas retirer les implants et les greffes de la peau ? »
Une seule question et tout espoir s’évanouit. Je pensais qu’il s’en ficherait, mais non. Il ne voit que ce que la Ruche a fait, et non plus son fils.
« Le Docteur Mordin a dit que les greffes resteraient à vie. À moins d’amputer le bras.
– Je vois.
– Vraiment, père ? Et vous voyez quoi ? » Il n’a pas vu les autres greffes de la Ruche
recouvrant la moitié de mon épaule gauche, la majeure partie de ma jambe gauche et une partie de mon dos. Je vois à son regard distant qu’il en a assez vu.
Mon père, l’homme que je n’ai jamais aimé mais que j’ai toujours respecté, à qui j’ai essayé de plaire, secoue la tête.
« Je vois un guerrier qui fut un jour mon fils. » Il se rencogne dans son fauteuil et son regard se fait encore plus glacial. « Tu seras rayé des listes des héritiers et affecté sur celles des colonies. Je suis désolé fils. »
« Fils ? Fils ? Vous osez employer le terme de ‘fils’ pour m’annoncer mon exil dans les colonies ? » J’élève la voix. Inutile de rester calme. Ça ne m’a jamais rien apporté.
Il s’avance pour mettre un terme à notre échange mais ma question suivante le fait stopper net. « Et qui sera votre héritier ?
– Tu as de nombreux cousins éloignés, Nial. Le Commandant Deston aura peut-être un héritier avec sa nouvelle épouse. Le cas échéant, je suis persuadé que le peuple reviendra avec plaisir aux anciennes coutumes. »
Les anciennes coutumes…
« Un Combat à Mort ? » Il préférerait voir de valeureux guerriers s’affronter à mort pour obtenir le titre de Prime que de prendre en considération son propre fils ? Simplement parce que la Ruche m’a greffé sa biotechnologie ?
« Que le guerrier le plus valeureux survive. »
Si je pouvais passer à travers l’écran et lui casser la gueule, je l’aurais fait. « Vous préférez voir mourir nos meilleurs guerriers ? »
Cet homme est insensible. Sans cœur, du moins envers moi. Il est ainsi avec tout le monde. Il regarde des hommes courageux combattre pour rien, mourir pour rien, tout simplement parce qu’il est… Si… Cruel.
« Il n’y aura pas d’héritier. C’est comme ça. »
Il n’y a pas eu de Combat à Mort depuis deux cents ans, depuis que notre ancêtre est monté sur le trône. « J’ai de la force, père, mon mental est intact. Inutile de sacrifier nos meilleurs guerriers… »
Je le supplie de sauver les autres. Les plus forts risquent de se porter volontaires, de mourir pour rien, alors qu’ils devraient se trouver sur le front, à combattre la Ruche.
« Tu es contaminé.
– Je connais les systèmes de la Ruche, leurs stratégies. Ce serait idiot de m’exiler dans les colonies. Ma place est sur le front avec les combattants, je pourrais… »
Il m’interrompt à nouveau. « Tu n’es plus personne, tu es contaminé. La Ruche. Tu es mort à mes yeux. »
Je veux argumenter mais la communication coupe à l’autre bout.
Connard. Depuis plusieurs années, il ne s’est pas passé un jour sans que j’éprouve l’envie d’impressionner ce connard ou de le tuer.
« J’aurais dû le tuer, » murmurais-je.
Je fixe l’écran noir durant plusieurs minutes. Il m’a révoqué, je ne parlerai plus jamais à mon père. Ça ne m’affecte pas, c’est terminé. Ces implants cyborg sont peut-être un mal pour un bien. Les choses ont le mérite d’être claires avec mon père, il ne mérite plus que je lui accorde mon attention ou mon temps.
Non. Ces pensées tournent en boucle dans mon crâne, telle une tempête créant d’énormes dégâts. Il a révoqué mon épouse. Ma partenaire. Une belle Terrienne semblable à Hannah Johnson, l’épouse du Commandant Deston. J’avais tellement hâte de découvrir ma partenaire, une femme tout en courbes provenant de cette planète. Hannah est petite mais forte, elle aime tellement ses deux partenaires qu’elle les a suppliés de la posséder