Programme des Épouses Interstellaires Coffret. Grace Goodwin

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Programme des Épouses Interstellaires Coffret - Grace Goodwin


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allée. Plusieurs fois. Je vais me mettre en embuscade et l’affronter, je vais tout déballer. Les citoyens doivent connaître le connard qui se cache derrière tous ces meurtres ces derniers temps, le monde n’y croira jamais. Je suis coupable, victime de son coup monté. Il me faut un aveu, j’ai besoin d’une confession enregistrée.

      Deux heures plus tard, le voici de retour dans sa maison coloniale de dix pièces, je l’attends dans la salle à manger officielle située au rez-de-chaussée ; le fusil de chasse douze coups qu’il a acheté il y a des années de ça dans une armurerie est chargé, le canon repose contre le dossier d’une chaise couleur cerise. Je pointe l’arme vers sa poitrine. Il fera une cible de choix. J’ai gagné des compétitions de tir dans l’Armée pendant quatre ans, c’est lui qui m’a entraînée.

      « Jess. » Il écarquille les yeux, complètement abasourdi de me voir là. Une seconde plus tard, il s’est déjà repris.

      « Clyde. »

      Je fixe mon vieux mentor par-dessus le fusil et hoche doucement la tête, sans le quitter des yeux. C’est un ancien soldat et un ancien commissaire de police, désormais le maire de notre belle ville. Il porte un complet bleu marine et une cravate, il est séduisant et présente bien pour la cinquantaine, c’est un modèle pour la ville. Un héros de guerre, ses yeux s’éclairent d’un sourire. Sa fossette au menton fait de lui un célibataire très convoité.

      « Je croyais que t’étais partie te faire sauter par un extraterrestre. »

      Il a le culot de prendre une cigarette et de l’allumer tandis que je l’observe, des volutes volètent entre nous.

      3L’extraterrestre n’a pas fait son boulot ? T’es venue te faire sauter ma chérie ? Tu veux une autre dose de C ?

      – Non merci. »

      Il hausse les épaules et tire sur sa cigarette, il fait des ronds de fumée, comme s’il n’en avait rien à foutre. « Je croyais. J’ai appris que t’as aimé la C la première fois, j’imaginais que tu voulais une nouvelle dose. »

      Je frissonne. Je n’ai jamais parlé de cette nuit infernale à personne, cette nuit où j’étais droguée, j’étais quelqu’un d’autre. Je me suis enfermée dans la salle de bain, recroquevillée par terre. Je me suis masturbée jusqu’à avoir le vagin en sang, encore et encore, pendant des heures, chaque orgasme me procurait un soulagement temporaire. La torture a duré plus d’une nuit, je sais désormais à qui la faute. J’appuie sur la gâchette, il lève les mains en signe de reddition.

      « Doucement.

      – J’avais confiance en toi. » L’idée de le tuer me donne envie de vomir sur mes bottes, mais je me retiens. Il ne mérite pas de vivre, je dois obtenir ses aveux. Sa mort ne suffit pas. Ma caméra posée sur la corniche de la cheminée enregistre la pièce et nos moindres échanges. « Pourquoi tu fais ça ?

      – Ça quoi ? » Il me regarde bien en face, calmement, il prend tout son temps pour s’asseoir dans son fauteuil favori, une arme de poing est cachée entre l’accoudoir droit et le dossier. Il ignore que son flingue se trouve bien au chaud dans ma poche.

      « Tu le sais parfaitement. T’as tué des douzaines d’innocentes. Tu t’es lié au cartel. T’as vendu la ville au diable. »

      Sa main se déplace entre les cousins et je souris, son regard vide devient noir de colère en constatant que son flingue a disparu. Il soupire et croise les bras sur sa poitrine.

      « Fais ce que tu as à faire Jess, mais tu n’obtiendras aucun aveu de ma part. J’ai rien fait de mal. »

      J’ai une envie de folle de le descendre à bout portant, de lui ficher une balle dans la poitrine grande comme le Texas, mais quelque chose m’en empêche.

      Putain, ça fait chier d’avoir une conscience, ce type ne peut pas comprendre. J’ai tué lorsque j’étais au Proche-Orient, parce que j’y étais obligée. Tuer ou être tuée. C’est différent. Mais là ? C’est un meurtre de sang-froid.

      Sérieusement, il mérite de mourir.

      Je le dévisage pendant trente bonnes secondes, je pèse le pour et le contre. Le tuer et m’enfuir ? Le ligoter et appeler les flics ?

      Ils ne me croiront jamais. Jamais. Je suis une traîtresse, une ex gradée corrompue qui dispose de millions sur son compte en banque, je planque de la C-bomb chez moi, et je me drogue. En ville, c’est un dieu. Je suis une criminelle et une menteuse. Une ordure.

      Son petit sourire suffisant m’énerve à un point tel que j’avance vers lui. Je vais devoir lui mentir pour espérer le faire réagir et sortir de ses gonds. Le forcer à avouer. J’ai laissé tomber ma filature après l’avoir photographié en train de parler avec les agents, il ignore ce que j’ai vu ou pas. « J’ai pas besoin d’une confession, Clyde. Je t’ai pris en photo pendant que la pute te taillait une pipe au café, il y avait un sac contenant l’argent de la drogue sur la table.

      – Salope, » crache-t-il, adieu les belles manières. « Il va t’arriver de sacrées bricoles, tu sauras même plus comment tu t’appelles, et après je te jetterai en pâture à ces mecs. Ils te déchiquèteront comme des chiens. »

      Les neurostimulateurs vibrent au niveau de mes tempes et je secoue la tête pour les faire taire. Ça recommence, plus fort cette fois-ci, un bruit étrange que je n’ai jamais entendu auparavant, comme si des machines communiquaient.

      Je recule, Clyde se lève et s’accroupit, profitant de ma distraction.

      Merde. Il y a un truc qui cloche. J’appuie sur ma tempe et gémis. Je dois sortir d’ici. Tout de suite.

      Trop tard. La douleur me vrille les tempes et je tombe à genoux. Le flingue se fracasse par terre tandis que je me plie et geins, j’essaie de rester consciente.

      Clyde s’empare de l’arme et esquisse un pas dans ma direction lorsque la porte vole en éclats et sort de ses gonds. Trois créatures gigantesques font irruption dans le salon de Clyde. Ce ne sont pas des humains. Leurs corps sont entièrement métalliques, mais pas en métal dur et brillant, semblable aux clés à molette de mon grand-père ; c’est doux, on dirait que le métal est malléable, il épouse leur peau, comme s’il était vivant. Leurs yeux sont couleur argent mais au centre, à la place des pupilles, on aperçoit des points noirs et des traits, comme dans un ordinateur. Ils ont des paupières mais ne cillent pas lorsqu’ils pénètrent dans la pièce et se dirigent vers l’homme qui les met en joue.

      On les dirait tout droit sortis d’un film. Des robots vivants. Des extraterrestres. Ce ne sont pas des humains.

      Clyde leur tire dessus, je prends ma caméra et me carapate sous la table de la cuisine, près de la porte du fond. J’ai un mal de crâne atroce mais je sais que ces hommes—quels qu’ils soient—ne sont pas là pour une visite de courtoisie. S’ils veulent Clyde, je le leur laisse.

      Le tir de chevrotine rebondit sur leur armure et crépite dans la pièce. Je serre les dents et me tais tandis qu’un éclat de chevrotine me touche à l’épaule et à la jambe.

      J’ai vu pire, c’est rien comparé à ma migraine.

      Je me réfugie dans le patio lorsque Clyde se met à hurler. J’entends des pas lourds, le martèlement de bottes métalliques résonne sur le parquet, l’un des monstres se dirige vers moi.

      J’abandonne ma pseudo-cachette, me redresse et cours, mettant en pratique le plan que j’avais imaginé, non pas de fuir avec ma vidéo comme initialement prévu, mais de sauver ma peau. Clyde continue de hurler à l’agonie mais je ne me retourne pas. Je cours, une créature à mes trousses. Je perds le compte du nombre de fois où je fais des détours, prends des raccourcis ou essaie de me cacher. Il me suit, comme s’il était équipée d’un radar…

      Merde. Je touche les cicatrices sur mes tempes et maudis le sort, Dieu et le prince extraterrestre qui m’ont abandonnée. C’est une balise de reconnaissance.


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