Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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vous m’avez répété ce que vous avez appris de cette manière ? Je suis fâchée de ne l’avoir pas su auparavant ; car bien sûrement je n’aurais pas souffert que vous me donnassiez le moindre détail d’un entretien que vous deviez ignorer vous-même. C’est mal à vous, j’ose vous le dire, de surprendre ainsi les secrets de votre sœur.

      — Eh ! pourquoi pas, dit Anna en riant, il n’y a point de mal à cela. Je suis bien sûre que Lucy ferait de même. Quand mon amie, miss Scharp vient me voir et me conter ses amours, car elle a un amoureux aussi qui l’aime bien, Lucy se cache toujours dans le cabinet ou derrière le paravent pour nous écouter. Comment saurait-on ce qu’on veut cacher si on n’écoutait pas ? D’ailleurs ne sais-je pas tout depuis long-temps ? n’étais-je pas sa confidente ?

      — Sans doute, dit Elinor, elle aime Edward bien tendrement ?

      — Oh ! oui passionnément, surtout dans les commencemens ; à présent, entre nous, elle le trouve un peu froid. Elle dit que c’est bien dommage qu’il ne soit pas beau et gentil comme son frère ; mais enfin elle l’aime assez pour l’épouser, et elle fait bien. Il n’en viendrait peut-être pas un autre ; et puis saurait-on dans le monde si c’est elle qui ne l’a pas voulu ? Chacun croirait que c’est lui ; et voyez le bel honneur ! Lucy n’est pas si bête.

      — Pauvre Edward, pensa Elinor, à quelle femme va-t-il être associé !…

      — Les amis de miss Stéeles revinrent. Voila les Richardson, dit-elle ; il faut que j’aille les rejoindre. Bon ! je crois que le docteur est avec eux ; que vais-je faire ? On dira que c’est pour lui que je reviens. Adieu ! chère Elinor. Je n’ai pas le temps de parler à madame Jennings ; dites-lui que je suis bien contente qu’elle ne soit pas fâchée, et à lady Middleton aussi. Quand vous serez rentrées, si madame Jennings veut de nous, elle n’a qu’à dire….. Bon ! les Richardson me font signe ; adieu ! et elle courut au-devant d’eux et du cher docteur.

      CHAPITRE XL.

       Table des matières

      Mesdames Clarke et Jennings se promenèrent encore quelque temps. Elinor en silence à côté d’elles réfléchissait à ce que venait de lui dire Anna. Elle n’avait appris dans le fond que ce qu’elle avait prévu. Le mariage de Lucy et d’Edward était décidé. Le moment seulement était encore incertain. Tout dépendait de cette cure ou de ce bénéfice ; et il avait peu de chance d’en trouver un tout de suite. Ces sortes de places veulent de grandes poursuites. Edward était trop timide, et peut-être trop fier pour solliciter, et n’avait pas de protecteur. Madame Ferrars ne manquerait pas, ainsi qu’elle l’avait annoncé, de lui nuire auprès de leurs connaissances, en le représentant comme un fils entêté et rebelle ; et si Lucy lasse d’attendre… mais non ; tout prouve qu’elle tient à se marier, et à devenir madame Ferrars à tout prix.

      Dès que l’amie de madame Jennings les eut quittées, elles remontèrent en carrosse, et madame Jennings questionna Elinor sur ce qu’elle avait accroché de mademoiselle Stéeles. Mais Elinor n’aimant pas à répéter des propos écoutés en fraude par le trou de la serrure, se contenta de lui dire ce qu’elle était sûre que Lucy aurait dit elle même, que son engagement avec Edward subsistait, et leur projet d’établissement : ce fut tout ce que madame Jennings put obtenir.

      — Comment, dit-elle, ils veulent attendre pour se marier qu’il ait un bénéfice ! mais c’est de la folie ; tout le monde sait avec quelle difficulté cela s’obtient. Ceux qui ont à nommer à un bénéfice le donnent à un de leurs parens, ou les vendent bien cher. Peut-être qu’on lui fera de belles promesses pendant une année ou deux, puis il faudra qu’il se contente d’être vicaire de quelque paroisse pour trente ou quarante pièces. L’intérêt de ses deux mille, cent ou deux cents peut-être que l’oncle Pratt donnera pour l’honneur de marier sa nièce à son noble pupile : voilà tout ce qu’ils auront pour vivre, les pauvres gens ! et avec cela un enfant toutes les années. Ils me font bien pitié ! il faut que je voie ce que je pourrai leur donner pour meubler leur presbytère. Quant à la sœur de ma Betty, ce n’est pas ce qu’il leur convient ; il ne leur faut qu’une fille de campagne qui fasse toute la besogne, et un homme pour travailler au jardin : voilà tout ce qu’il leur faut, et pas davantage.

      Le matin suivant Elinor reçut par la petite poste une lettre de Lucy qui contenait ce qui suit, et qui était assez mal orthographiée.

      Holborn.

      « J’espère que ma chère Elinor excusera la liberté que je prends de lui écrire ; mais je sais que son amitié pour moi lui fera trouver un grand plaisir à apprendre que je vais bientôt être heureuse avec mon cher Edward, après bien des peines et des traverses. Nous avons bien souffert ; mais à présent tout va bien, et notre amour mutuel est et sera pour nous une source inépuisable de bonheur. Nous avons eu bien des épreuves, bien des persécutions ; mais décidés comme nous l’étions à tout surmonter, nous avons tout souffert avec courage. Une amie comme vous fait plus de bien que les ennemis ne peuvent faire de mal. J’ai dit à Edward comme vous aviez été bonne pour moi, et je vous assure qu’il en est bien reconnaissant. Je suis sûre que vous et la chère madame Jennings vous serez bien aises d’apprendre que je viens de passer deux heures avec mon bien-aimé Edward, et que j’en suis contente à tout égard. Il n’est rien qu’il ne soit prêt à sacrifier à sa Lucy, et jamais il n’a voulu entendre parler de nous séparer, quelque chose que j’aie pu lui dire ; car je pensais qu’il était de mon devoir, quoi-qu’il pût m’en coûter, de l’inviter à ne pas se brouiller avec sa mère et à ne pas renoncer à sa fortune. Je suis même allée jusqu’à lui offrir de partir à l’instant même et de ne pas revenir à Londres qu’il ne fût marié ; mais il a repoussé vivement cette idée. Il m’a juré que jamais il n’épouserait que moi, et que la colère de sa mère n’était rien pour lui, puisque je l’aimais, et qu’il ne regretterait aucune fortune avec moi. Il est sûr que nos espérances ne sont pas brillantes ; mais nous attendons, et peut-être que tout ira mieux que nous ne le pensons. Il va prendre les ordres incessamment, et s’il peut avoir un bénéfice, ne fût-il que de cent pièces de revenu, et une bonne habitation, nous vivrons très-bien. S’il était en votre pouvoir, chère Elinor, de nous recommander à ceux qui ont un bénéfice à donner, ne nous oubliez pas, je vous en prie, et dites quelques bonnes paroles pour nous à sir Georges, à M. Palmer, au colonel Brandon, etc., etc., etc. Je serai plus heureuse encore si c’est à vous que je dois mon bonheur. Je suis sûre que vous avez été très inquiète en apprenant la fatale découverte du secret que seule vous saviez, et que vous avez si bien gardé. Ma sœur Anna qui cause toujours sans savoir ce qu’elle dit, n’a pas été aussi discrète. Mais comme son intention était bonne, et qu’elle a avancé mon bonheur, je ne m’en plains pas.

      « Dites à madame Jennings que j’ai été trop troublée pour pouvoir lui faire une visite ; mais que si elle voulait venir à Holborn un de ces matins, ce serait une grande bonté de sa part. Mes cousins seraient fiers de faire sa connaissance. Mon papier finit et m’oblige à vous quitter. Je vous prie de me rappeler au souvenir de sir Georges, de lady Middleton, de madame Palmer, et de tous les charmans enfans. Mes plus tendres amitiés à mademoiselle Maria. Je suis bien sûre que celle qui fait profession d’aimer et d’estimer mon Edward, est bien contente de le savoir sur la route du bonheur. »

      Je suis votre très-obéissante servante, Lucy Stéeles.

      Dès qu’Elinor eut fini de lire, elle remit la lettre entre les mains de madame Jennings, pensant que c’était un des buts dans lesquels elle avait été écrite. L’autre n’était pas douteux : elle voulait jouir de son triomphe en humiliant sa rivale. Elinor se rappelait ce que la simple Anna lui avait raconté de l’entretien d’Edward et de Lucy ; comme c’était lui qui l’avait pressée de rompre, et qu’elle l’avait absolument refusé. Elle disait exactement le contraire ; et cette petite fausseté inutile fit de la peine à Elinor. Sa seule consolation aurait été le bonheur d’Edward ; et tout lui disait qu’il


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