Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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malade, je parie ; c’est fort triste en vérité. L’air de la campagne la remettra : point d’autres remèdes surtout, celui-là ne lui coûtera rien ; et les médecins et les remèdes sont si chers ! Je sais ce qu’il nous en coûte pour ce mal de Fanny, et c’est pourtant la faute d’Edward… Enfin chère Elinor, je ne suis point fâché de vous voir seule, car j’ai beaucoup de choses à vous dire. Est-il vrai d’abord que le colonel Brandon ait donné son bénéfice de Delafort à Edward ? Je l’appris hier par hasard, et j’allais chez vous exprès pour m’en informer. Je ne le crois pas du tout, et je fus sur le point de proposer un pari ; cela n’est pas vrai, n’est-ce pas ? Combien je me repens de n’avoir pas parié !

      — Vous avez très-bien fait, car rien n’est plus vrai. Le colonel Brandon a donné son bénéfice de Delafort à Edward.

      — Réellement ! eh bien ! y a-t-il rien de plus étonnant ! Ni parenté, ni liaison, et lui donner (car il l’a donné, dites-vous) un bénéfice dont il pouvait tirer beaucoup, beaucoup d’argent. De quelle valeur est-il ?

      — Environ de deux cents pièces de revenu.

      — Très-bien, très-joli revenu ; et pour commencer avoir un bénéfice de cette valeur ! Edward n’est pas malheureux. Le colonel aurait pu le vendre quinze cents pièces, peut-être deux mille. Je suis confondu : un homme de sens comme le paraît le colonel ! On a bien raison de dire qu’il y a chez tous les humains un grain de folie. Il est possible cependant en y pensant bien qu’il y ait quelque chose la dessous ; je crois que je le devine. Le colonel l’aura vendu à quelque jeune homme de famille riche, qui n’a pas encore l’âge requis, et Edward l’occupe jusqu’à ce temps-là, et tirera la moitié du revenu. Cent pièces pour quelqu’un qui n’a rien, c’est très-honnête. Je parie que j’ai mis le doigt dessus : cela explique tout.

      Elinor assura que non très-positivement. Elle raconta qu’elle avait été employée elle-même à faire à Edward l’offre du colonel ; qu’elle était sans aucune réserve, et que le seul regret du colonel était que son bénéfice ne fût pas plus considérable.

      — Je ne puis en revenir, s’écria John ; c’est vraiment étonnant ! Quel peut-être le motif du colonel ?

      — Un très-simple, le désir d’être utile à M. Ferrars.

      — En vérité, chère Elinor, je croirais plutôt que c’est le désir de vous plaire, si vous pouviez encore vous intéresser le moins du monde à Edward ; mais après ce qu’il vous a fait ! Vous courtiser, laisser croire à tout le monde qu’il vous était attaché, indisposer votre belle-sœur contre vous à cette occasion, et puis être engagé à une autre, qui ne vous vaut pas ; c’est mal cela, très-mal, et vous devez le détester plus que personne ; mais vous avez un si bon cœur ! Écoutez, ne parlez pas à Fanny de ce bénéfice. Je lui en ai dit un mot, et elle l’a très-bien pris ; mais elle n’aime pas à entendre parler de son frère.

      Elinor eut peine à s’empêcher de lui dire que Fanny pouvait supporter avec calme une acquisition de fortune à son frère, qui ne lui ôtait rien à elle-même.

      Madame Ferrars, ajouta John en baissant la voix et d’un air important, ne sait rien de cela, et nous voulons le lui cacher autant qu’il sera possible. Quand le mariage d’Edward aura lieu, nous tâcherons aussi qu’elle l’ignore, au moins quelque temps.

      — Mais pourquoi toutes ces précautions ? dit Elinor ; il n’est pas à supposer que madame Ferrars puisse avoir la moindre satisfaction ou la moindre peine en apprenant que son fils a de quoi vivre. Elle a prouvé par sa conduite avec lui qu’elle n’y prenait plus nul intérêt ; elle ne le regarde plus comme son fils puisqu’elle l’a repoussé pour toujours. Sûrement on ne peut imaginer qu’elle éprouve à son égard quelque impression de chagrin ou de joie ; qu’elle s’intéresse à ce qui lui arrive. Elle n’a pas privé volontairement son enfant de tout secours pour conserver la sollicitude d’une mère.

      — Oh ! Elinor dit John, n’ayant pas trop l’air de comprendre dans quel sens elle parlait, votre raisonnement est très-bon ; mais il n’est pas dans la nature. Madame Ferrars a repoussé loin d’elle un fils ingrat et désobéissant ; mais elle ne peut pas oublier qu’il est son fils.

      — Vous me surprenez ; je croyais que cela était sorti de sa mémoire.

      — Vous parlez en femme piquée contre Edward, et je le comprends ; mais cela n’empêche pas que madame Ferrars ne soit une des plus tendres mères qu’il y ait au monde.

      Elinor garda le silence.

      — Nous espérons à présent, continua-t-il, que Robert épousera mademoiselle Morton.

      Elinor sourit de la grave importance de son frère. — Je suppose, dit-elle, que cette jeune dame n’a pas de choix dans cette affaire.

      — De choix ! qu’entendez vous par-là ?

      — J’entends que d’après ce que tous me dites, on peut supposer qu’il est indifférent à mademoiselle Morton d’épouser Edward ou Robert.

      — Certainement ! il ne peut y avoir aucune différence, à présent que Robert est comme un fils unique ; c’est d’ailleurs un jeune homme très agréable, et très-supérieur à son frère.

      Elinor ne dit plus rien. John fut aussi silencieux quelques momens ; il avait l’air de réfléchir.

      — Encore une chose, ma chère sœur, dit-il très-bas en lui prenant la main ; j’étais à penser si je devais vous le dire, mais le plaisir de vous en faire part l’emporte sur la prudence ; et quoique Fanny de qui je le tiens m’ait bien recommandé le secret, je ne puis le garder avec vous ; vous ne me trahirez pas. Eh bien ! j’ai de fortes raisons de penser que madame Ferrars a dit à sa fille, que quelques objections qu’elle eût sur une certaine liaison, que nous avions tous soupçonnée, vous m’entendez, Elinor, elle l’aurait beaucoup préférée à ce qui est, et elle n’en aurait pas eu la moitié tant de peine. J’ai été enchanté d’entendre que madame Ferrars pensât ainsi ; c’est une circonstance très-avantageuse pour vous, et pour nous tous. C’eût été, a-t-elle dit à Fanny, beaucoup moins fâcheux sans comparaison, qu’il se fût vraiment attaché à l’une de vos belles sœurs ; et elle voudrait bien à présent qu’il en fût ainsi. Mais il n’en est plus question, puisqu’il n’y a jamais songé, et qu’il n’avait nul attachement pour vous. Seulement j’ai voulu vous le dire, parce que cette préférence de la mère de ma femme doit vous flatter infiniment. Mais vous, ma chère Elinor, vous ne devez avoir aucun regret ; il n’y a pas de doute que vous serez très-bien établie, et tout considéré, mieux qu’avec Edward. Delafort est à ce que je crois une plus belle terre que celle que madame Ferrars destinait à son fils. Avez-vous vu le colonel Brandon dernièrement ? Quand vous serez sa femme, j’espère que vous l’engagerez à mieux veiller à ses intérêts, et à ne pas donner au premier venu, ce qui peut lui rapporter beaucoup à lui-même.

      Elinor était indignée. Elle en avait assez entendu, non pas pour satisfaire sa vanité ou pour flatter son amour-propre, mais pour irriter ses nerfs et la faire repentir de sa visite. Elle fut charmée d’être dispensée de répondre, ou d’entendre encore quelques sots propos, par l’arrivée de M. Robert Ferrars, qui vint étaler ses grâces et sa parure devant la grande glace du salon sa sœur. Après quelques mots insignifians John Dashwood se rappela que Fanny ne savait pas encore qu’Elinor était là. Il sortit pour l’en informer, et laissa sa sœur tête à tête avec le beau Robert, qui par sa gaîté, son contentement de lui-même, sa suffisance et son air important, semblait jouir de n’avoir plus à partager avec son frère, l’amour et les libéralités de leur mère, et donnait à Elinor une aussi mauvaise opinion de son cœur que de sa tête. Elle espérait au moins qu’il ne lui parlerait point d’Edward ; mais elle était dans l’erreur. Deux minutes ne furent pas écoulées, qu’après un éclat de rire assez long, il lui demanda en riant toujours, s’il était vrai qu’Edward allât prendre les ordres et dût être pasteur au village de Delafort ? Elinor le confirma, et lui répéta ce qu’elle avait appris à


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