Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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fleurs. Elle suivit le sentier et arriva sur l’éminence où était situé le petit temple. Ses regards erraient de tous côtés sur le plus riant paysage jusqu’aux collines qui bordaient l’horizon. Elle s’imaginait que si elle pouvait aller jusque sur le sommet elle verrait Haute-Combe. Au lieu de combattre et d’écarter ses souvenirs et ses regrets, elle semblait chercher à les nourrir, se faire une espèce de volupté de sa mélancolie, et un devoir de sa constance. Sa faiblesse l’obligea de s’asseoir sur les marches du temple. Appuyée contre une colonne, ses larmes coulèrent en abondance ; mais elles n’avaient pas l’amertume de celles qu’elle versait à Londres ; elles la soulagèrent plutôt que de lui faire du mal. En revenant à la maison par un autre chemin, elle résolut, pendant son séjour à Cleveland, de s’accorder tous les jours la jouissance de ces promenades solitaires, de profiter de la liberté d’une vie champêtre, et de se dédommager de sa longue réclusion : voilà le seul moyen, pensait-elle, de retrouver des forces et de la santé, et de ne pas faire à ma pauvre bonne maman le chagrin de me revoir si pâle et si changée. En effet, l’air et le mouvement lui avaient redonné un peu de couleur, ce qui fit grand plaisir à Elinor. Au moment où Maria rentra, les autres allaient sortir. La fatigue lui servit de prétexte pour ne pas les suivre ; elle resta, et continua de se livrer à ses rêveries sentimentales.

      L’excursion des autres dames fut moins romanesque. Charlotte les conduisit dans tous ses petits établissemens de campagne, à ses espaliers en fleurs, dans son potager, dans sa serre, dans son poulailler, etc. etc. Les lamentations du jardinier sur la perte de plusieurs belles plantes que le froid avait fait périr, excitèrent les éclats de rire de Charlotte ; dans la basse-cour, des poules mangées par le renard, des couvées abandonnées, les redoublèrent. Madame Jennings s’y joignit ; Elinor y fut entraînée ; et il y eut au moins autant de gaieté dans leur promenade qu’il y avait eu de tristesse dans celle de Maria.

      Cette dernière, en formant son plan de courir toute la journée dans les environs, n’avait pas prévu les changemens de temps. La matinée avait été superbe ; mais pendant le dîner une pluie très-forte et continuelle s’établit, et lui ôta tout espoir de sortir encore le soir, ainsi qu’elle l’avait résolu, ce dont elle fut très-contrariée. Il fallut passer son temps comme on put. Madame Palmer fit venir son poupon, et s’en amusa toute la soirée. Ses pleurs, ses grimaces, tout était charmant, tout annonçait une intelligence, elle aurait presque dit un esprit très-remarquable. Grand-maman faisait chorus avec elle, tout en faisant sa tapisserie ; Elinor brodait, et prenait part aux discours insignifians, mais touchans cependant par l’amour maternel qui les dictait ; et Maria qui avait le talent de découvrir d’abord la bibliothèque dans chaque maison, alla chercher un livre, et prévint ainsi l’ennui d’une soirée qui lui aurait paru bien longue.

      Rien n’était oublié par madame Palmer pour la bonne réception de ses hôtes. Sa manière franche, amicale, sa constante bonne humeur faisaient facilement passer sur son manque total d’instruction et d’idées. Elle avait la politesse de la bonté, et non pas celle des complimens ; elle était d’ailleurs si jolie, si fraîche, si gracieuse, qu’on avait du plaisir à la regarder, si on n’en avait pas à l’entendre. Sa naïveté, qui allait jusqu’à la simplicité, était quelquefois assez plaisante, et lui donnait quelque chose d’enfantin qui seyait à sa petite figure. Elinor n’aurait pas voulu passer sa vie avec elle ; mais pour quelques jours elle lui pardonnait même son rire éternel, qui était insupportable à Maria.

      Les cavaliers attendus arrivèrent le lendemain, et furent bien reçus ; ils apportaient un peu de variété dans la conversation. Une longue matinée et une pluie continuelle rendaient ce renfort de société bien nécessaire. M. Palmer était très-bien chez lui, et faisait les honneurs de sa maison en vrai gentilhomme et avec un ton parfait ; si quelquefois il était un peu rude avec sa femme et sa belle-mère, il pouvait être très-aimable avec les autres, et l’aurait toujours été sans cette nuance trop prononcée d’amour propre qui se faisait sentir à chaque instant, et qui tenait à une vraie supériorité d’esprit et de connaissances, non seulement sur madame Jennings et sur Charlotte, mais sur plusieurs hommes de son âge. D’ailleurs, dans sa vie et ses habitudes, il ressemblait à beaucoup d’autres, tenant bien sa place à la table et voulant qu’elle fût servie avec recherche, n’étant jamais prêt aux heures fixées, quoiqu’il n’eût rien à faire, passionné de son enfant sans vouloir en avoir l’air, plus souvent à son billard que dans sa bibliothèque, et avec ses chevaux qu’avec les dames, mais beaucoup mieux cependant qu’Elinor ne l’aurait attendu. Et pourtant, tout en lui rendant justice, elle ne pouvait s’empêcher de le mettre au-dessous d’Edward, si instruit et si modeste, pouvant parler sur tout avec intérêt, et se taire quand il le fallait, écouter, et céder même dans l’occasion, quoiqu’il sût aussi soutenir son opinion avec noblesse et fermeté. Hélas ! le seul tort d’Edward aux yeux d’Elinor était d’avoir une fois aimé Lucy Stéeles, et combien encore ce tort involontaire avait développé de vertus qu’elle ne pouvait s’empêcher d’admirer. Mais quand elle aurait pu l’oublier, le colonel Brandon le lui aurait rappelé. Il venait de passer une semaine à Delafort, exprès pour donner des ordres relatifs aux réparations du presbytère ; il en parlait à Elinor comme à une amie du jeune pasteur ; il lui faisait la description de cette demeure, la conseillait sur ce qu’il y avait de mieux à faire pour l’établissement d’Edward et de sa femme, et sans s’en douter enfonçait ainsi le poignard dans le cœur de celle qui avait fondé l’espoir du bonheur de sa vie sur l’union qu’elle espérait former avec Edward, et qui devait y renoncer. Mais elle n’en parlait pas avec moins d’intérêt de ce qui pouvait contribuer au bien-être d’un ami si cher, quoiqu’elle ne dût plus le partager. Toute la conduite du colonel avec elle fut telle que madame Jennings et même John Dashwood auraient pu le désirer pour se confirmer dans leur opinion. Il témoigna ouvertement le plaisir qu’il avait à revoir Elinor après une absence de dix jours ; il cherchait toutes les occasions de s’entretenir avec elle, et déférait toujours à son opinion. Personne ne doutait qu’il ne lui fût profondément attaché, à l’exception d’Elinor elle-même, qui voyait très-bien que Maria, malgré sa tristesse et son changement, était l’objet de sa préférence et d’un sentiment que sa tendre pitié augmentait encore. Elle observait ses regards, tandis que les autres observaient sa conduite, et les voyait se diriger sur Maria avec un intérêt si tendre, une sollicitude si vive, qu’elle n’avait pas là-dessus le moindre doute. Il aimait Elinor de l’amitié la plus vraie, et il adorait Maria avec une passion qui s’augmentait à chaque instant et qui fut bientôt mise à de cruelles épreuves.

      Loin que la santé de Maria se trouvât bien de l’air de la campagne, elle s’altérait toujours davantage, ce qui l’affligeait elle-même. Dès que la pluie eut cessé, elle recommença ses promenades sans s’embarrasser de l’humidité : le sentier sablé est tout-à-fait sec, disait-elle à sa sœur à qui elle échappait sans cesse ; mais elle ne restait pas sur ce sentier. Elle s’enfonçait dans le bois ; elle allait même plus loin chercher des sites plus romantiques, plus sauvages, des arbres plus vieux, plus épais ; elle s’asseyait aux pieds sur la mousse humide, rentrait à la maison, glacée, mouillée, sans penser même à changer de chaussure. Il lui prit enfin une toux opiniâtre et un grand mal de gorge. Elle aurait caché et nié tout autre mal pour conserver sa liberté ; mais celui-là était trop évident pour ne pas inquiéter tout le monde, et surtout sa sœur et le colonel, qui lui demandèrent de se soigner mieux au nom de l’amitié. Elle leur répondit, en souriant, que son mal était léger, et qu’une nuit de repos la guérirait complètement. On lui prescrivit mille choses ; elle ne voulut prendre qu’un peu de thé en se couchant, et protesta à Elinor que le lendemain elle serait à merveille.

      CHAPITRE XLIV.

       Table des matières

      Après une nuit très-agitée, Maria se leva et descendit comme à l’ordinaire pour déjeuner. Une fièvre assez violente animait ses yeux et son teint d’une manière à tromper : aussi la crut-on parfaitement, lorsqu’elle assura qu’elle était beaucoup mieux.


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